Le projet de loi voté à l'Assemblée nationale, dont vous connaissez le texte, ne nous paraît pas équilibré. Il est certes indispensable de jouer sur l'allongement de la durée d'activité mais, pour garantir l'équilibre des régimes à l'horizon 2020 et au-delà, il faut équilibrer les sources de financement. En l'état actuel du texte, ce n'est pas le cas. Les mesures d'âge ne rapportent que 19 milliards d'euros sur les 42 attendus à l'horizon 2020, dont le tiers grâce au passage de l'âge du taux plein à soixante-sept ans. La contribution de l'Etat pour la fonction publique n'est pas une recette, mais du déficit budgétaire. Selon la commission des finances de l'Assemblée nationale, il n'y a pas d'équilibre par régime pour les salariés du privé.
On ne peut compter essentiellement sur le travail pour financer la solidarité. Nous proposons donc une cotisation sociale assise sur la consommation, ce qui élargirait l'assiette du financement au-delà des seuls salariés, et ferait contribuer à la protection sociale les produits d'importation. L'équilibre, c'est aussi faire davantage contribuer les revenus du capital, et poser la question des exonérations de cotisations patronales, qui ont augmenté de 9,5 % par an entre 2005 et 2009. Dénoncé par la Cour des comptes, cet empilement d'exonérations n'a pas fait la preuve de son efficacité en termes d'emploi : dès lors, ne vaudrait-il pas mieux dédier ces sommes au financement de la protection sociale ?
Si nous voulons pérenniser notre système, chacun doit pouvoir connaître le niveau de sa future pension. Or, trente millions de Français l'ignorent, et voient ce niveau continuer à chuter... Il faudrait au moins stabiliser la baisse - ce que ne fait pas le projet de réforme. Si les fonctionnaires, et a fortiori les régimes spéciaux, bénéficient de garanties - avec le bémol de la non-prise en compte des primes - le seul garde-fou dans le privé concerne les salariés qui ont fait toute leur carrière au Smic ; pour les autres, le calcul est fonction du « profil de carrière ». Nous proposons donc de fixer un « bouclier retraite » garantissant que la pension ne pourra être inférieure à 50 % du salaire. Une telle mesure est sans doute politiquement difficile à expliquer aujourd'hui, mais offrirait une protection pour l'avenir et rassurerait les classes moyennes, qui sont inquiètes. Les engagements doivent être suivis de mesures concrètes. Nous ne demandons pas le même niveau de remplacement pour tous, mais au moins un seuil garanti.
Notre système est en train de changer : le socle du régime par répartition ne garantissant pas un revenu suffisant, une partie de la population est invitée à recourir à l'épargne-retraite. L'inquiétude vient de l'incertitude : il faut dire clairement, soit que l'on pérennise le système, avec un niveau de pension garanti, soit qu'il faut faire autrement. Nous ne demandons pas de priver de leurs avantages ceux qui en bénéficient, mais nous voulons instaurer un garde-fou pour les autres.
Nous souhaitons également la prise en compte des années d'études. La solidarité couvre l'éducation des enfants ou la maladie, mais pas cette période cruciale de la vie : c'est injuste. Pour les jeunes générations, l'impact serait considérable. Nous proposons donc de permettre aux étudiants de cotiser pour valider au moins la moitié de ces années d'étude, à condition qu'elles soient sanctionnées par un diplôme ; il faudrait a minima prendre en compte les périodes de stage. Le rapport que le Gouvernement doit adresser au Parlement, selon le projet de loi, ne sera remis que mi-2011... Il faut accélérer les choses, et rendre cette mesure rétroactive.