Intervention de Anne-Marie Lemarinier

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 21 février 2006 : 1ère réunion
Familles monoparentales et familles recomposées — Audition de Mme Anne-Marie Lemarinier vice-présidente responsable du service des affaires familiales et de Mme Morgane Le douarin juge aux affaires familiales au tribunal de grande instance de paris

Anne-Marie Lemarinier, vice-présidente, responsable du service des affaires familiales :

Après avoir présenté ses activités juridictionnelles, Mme Anne-Marie Lemarinier a évoqué le problème de la définition et de la reconnaissance des beaux-parents au sein de la cellule familiale. Rappelant que l'autorité parentale appartient exclusivement au père et à la mère, ce qui ne laisse aucun espace juridique spécifique au beau-parent de nature à ménager son individualité, elle a constaté qu'en 1999, 25 % des enfants ne vivaient pas avec leurs parents et qu'au total, 1,6 millions d'enfants vivaient dans des familles recomposées. Elle a constaté que les beaux-parents étaient amenés à exercer une autorité de fait à l'égard de leurs beaux-enfants.

Elle a ensuite examiné les droits que la loi est susceptible d'accorder au beau-parent en sa qualité de tiers, en commentant les dispositions de l'article 371-4 du code civil permettant au juge aux affaires familiales de fixer les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en fonction de l'intérêt de l'enfant.

Elle a précisé que le tiers pouvait également participer, sous certaines conditions, à l'exercice de l'autorité parentale, même si celle-ci ne peut faire l'objet d'aucune renonciation ou cession. Elle a énuméré les exceptions à ce principe d'indisponibilité de l'autorité parentale avec, en premier lieu, la délégation de l'autorité parentale qui peut être prononcée par le juge, si les circonstances l'exigent, et en second lieu, la possibilité de partage de l'autorité parentale pour les besoins de l'éducation de l'enfant qui nécessite l'accord du ou des parents. Elle a précisé que, dans des circonstances exceptionnelles, une disposition adoptée à l'époque où certaines mères atteintes du Sida souhaitaient protéger leurs enfants après leur décès, prévoyait la possibilité de confier l'enfant, non pas au parent survivant, mais à une autre personne. Elle a enfin évoqué la possibilité pour les parents de choisir un tuteur pour leurs enfants, à condition de prévoir cette nomination par testament ou par déclaration spéciale devant un notaire, notant qu'à défaut d'un tel choix, la tutelle de l'enfant était déférée à l'ascendant le plus proche.

a ensuite abordé la possibilité pour un tiers d'acquérir la qualité de parent, en distinguant la filiation de complaisance et l'adoption.

S'agissant de la filiation de complaisance, ou dite mensongère, parce qu'elle ne correspond pas à la vérité biologique, elle a précisé que seuls les pères pouvaient être concernés par ce mécanisme, une belle-mère reconnaissant l'enfant de son conjoint étant passible des peines sanctionnant la simulation d'enfant. Elle a rappelé que l'acte de reconnaissance constituait un acte de volonté qui n'est assorti d'aucun contrôle préalable, mais que la reconnaissance pouvait s'avérer difficile à mettre en oeuvre lorsque l'enfant bénéficiait déjà d'une filiation préalable, la comparaison des empreintes génétiques pouvant permettre de résoudre les conflits de paternité. Elle a par ailleurs précisé que la possession d'état constituait un mode autonome d'établissement de la filiation.

Puis, Mme Anne-Marie Lemarinier a abordé le régime juridique de l'adoption plénière, ainsi que ses effets d'anéantissement de tout lien avec la famille d'origine, sauf lorsqu'il s'agit de l'enfant du conjoint, auquel cas l'adoption laisse subsister la filiation à l'égard du conjoint et de sa famille, l'adoptant partageant alors l'exercice de l'autorité parentale avec celui-ci.

Elle a ensuite évoqué le régime de l'adoption simple qui, à la différence de l'adoption plénière, laisse subsister les liens entre l'enfant et sa famille d'origine, l'adoptant étant investi de tous les droits d'autorité parentale et privant ainsi le parent biologique de ses attributions, sauf s'il s'agit de l'adoption simple de l'enfant du conjoint dans un couple marié.

a insisté sur le fait qu'en présence d'un couple qui n'est pas uni par les liens du mariage, le parent qui consent à l'adoption de son enfant par son partenaire perd l'autorité parentale dont est alors seul investi l'adoptant, ce qui explique la rareté des adoptions dans ce cas de figure. Au plan judiciaire, elle a souligné l'importance pour le tribunal de s'assurer que l'adoption est bien conforme à l'intérêt de l'enfant.

Insistant sur cette dimension de l'intérêt de l'enfant, elle s'est interrogée, en conclusion, sur les risques de confusion qui pourraient naître de la définition éventuelle d'un nouveau statut des beaux-parents, en évoquant la possibilité de développer les outils offerts par le droit en vigueur et en insistant sur l'utilisation trop peu répandue de la délégation de l'autorité parentale. Elle a en revanche évoqué la possibilité de modifier les conditions de l'adoption simple en permettant un exercice conjoint de l'autorité parentale, même entre parents non mariés, alors que le droit en vigueur prive le parent biologique de l'autorité parentale.

Par ailleurs, elle a signalé que si le droit civil ignorait les liens entre les beaux-parents et les beaux-enfants, il n'en allait pas de même du droit fiscal, du droit pénal ou du droit social, qui comportent un certain nombre de dispositifs prenant en compte leurs interactions. Elle a également fait référence au droit suisse et au droit anglais qui reconnaissent un droit de regard aux beaux-parents à l'égard de leurs beaux-enfants.

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