Intervention de Jean-Paul Emorine

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 1er juin 2011 : 1ère réunion
Equilibre des finances publiques — Communication sur une demande de saisine pour avis

Photo de Jean-Paul EmorineJean-Paul Emorine, président :

Le Sénat examinera les 14 et 15 juin prochains le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, adopté par l'Assemblée nationale le 10 mai dernier. Ce texte comprend plusieurs dispositions importantes : il vise notamment à instaurer un monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière fiscale.

L'instauration de ce monopole conduirait à ce que des dispositions fiscales ne puissent plus figurer dans des projets de loi autres que les projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Cette disposition me paraît poser de très graves difficultés. Je ne vous en citerai que trois :

- tout d'abord, elle risque d'affecter la place du Sénat dans l'équilibre des institutions en donnant une priorité systématique à l'Assemblée nationale sur le volet financier de toutes les réformes, y compris celles relatives aux collectivités territoriales ;

- ensuite, elle conduirait à limiter considérablement le pouvoir d'initiative des parlementaires : aucune proposition de loi comportant des mesures fiscales ne pourrait plus être déposée. Aucun amendement fiscal ne serait plus recevable s'il porte sur un projet de loi ordinaire. Il ne serait également plus possible de « gager » des amendements non fiscaux entraînant une baisse de recettes ;

- enfin, elle conduirait à dissocier systématiquement l'examen d'une réforme de la discussion sur les moyens qu'elle suppose, au détriment de la cohérence de nos débats.

J'ai fait part de mes inquiétudes au Président Jean-Jacques Hyest, rapporteur du texte au nom de la commission des Lois, lorsqu'il m'a auditionné.

Le projet de loi constitutionnelle, tel qu'il a été adopté par les députés, me paraît difficilement acceptable : il pourrait avoir un impact très négatif sur les travaux du Parlement et, plus spécifiquement, sur le travail de notre commission.

Notre commission est en effet la plus directement impactée par ce dispositif : je vous rappelle par exemple que la loi « Grenelle II » et la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche comprenaient de nombreuses dispositions fiscales. Il est donc, à mes yeux, indispensable que notre commission puisse exprimer son point de vue.

En conséquence, je vous propose de demander officiellement, lors de la Conférence des Présidents du 8 juin prochain, que notre commission puisse se saisir pour avis de ce texte. Je pense que nous pouvons, tout en partageant l'objectif de maitrise des finances publiques du projet de loi, formuler des propositions permettant de sauvegarder la place du Sénat, le droit d'initiative des parlementaires et la cohérence des discussions.

Je rappelle à cet égard que, sur l'ensemble des mesures nouvelles relatives aux recettes fiscales de l'État adoptées ces dix dernières années, l'impact budgétaire des mesures prises dans des lois non financières est inférieur à 16 %. L'essentiel des allégements d'impôts, soit plus de 84 % de l'impact cumulé des mesures nouvelles, est imputable à des lois de finances ou à des lois de financement de la sécurité sociale.

Nous pourrions proposer une solution consistant à différer au 1er janvier l'entrée en vigueur des dépenses fiscales adoptées dans des lois ordinaires, afin de permettre un réexamen global à l'occasion de la loi de finances. Ceci présenterait l'avantage, par rapport à une validation systématique, de ne pas surcharger la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale et les débats budgétaires.

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