Intervention de Jacques Blanc

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 juin 2011 : 1ère réunion
Adhésion de la croatie à l'union européenne — Examen du rapport d'information

Photo de Jacques BlancJacques Blanc, co-rapporteur :

Quel va être, justement, le calendrier de cette adhésion ?

La Croatie a obtenu le statut de pays candidat en juin 2004 et a entamé ses négociations d'adhésion en octobre 2005. Aujourd'hui dans la dernière ligne droite, elle est très impatiente de conclure un processus de longue haleine qui a connu plusieurs phases d'accélération et de ralentissement.

Je ne reviendrai pas sur le cadre général des négociations, issu du « consensus renouvelé sur l'élargissement » de 2006, puisque notre collègue René Beaumont nous l'a rappelé. La rigueur du processus a été renforcée, il n'est plus question de fixer des dates butoirs ou d'envisager des adhésions par « paquet », chaque pays devant être jugé selon ses propres mérites et apte à assumer toutes ses obligations dès le jour de son entrée dans l'Union européenne.

Cette sévérité accrue, qui découle du sentiment que les derniers élargissements (et peut-être surtout dans le cas roumain et bulgare) n'ont pas été assez rigoureux, s'applique pour la première fois à la Croatie : le nombre de critères d'adhésion, les fameux « chapitres » est passé de 30 à 35, et le nombre de critères et sous-critères a augmenté.

Sur les 35 chapitres de négociation, dont vous trouverez le détail dans le rapport écrit, 31 sont désormais clos. Cela signifie que la Commission et l'unanimité des États membres considèrent que la Croatie remplit tous les critères et sous critères de l'acquis communautaire sur chacun d'entre eux. Certains n'ont pas été sans difficulté, comme celui de la pêche par exemple, clos le 6 juin. A noter que le chapitre 34 relatif aux institutions a prévu de donner à la Croatie 12 députés européens, un commissaire et 7 voix au Conseil.

Les chapitres 33 (paquet financier) et 35 (dispositions finales) sont toujours négociés en dernier. Restent les chapitres 8 « concurrence » et 23 « justice et état de droit » sur lesquels se concentre l'essentiel des difficultés.

En matière de concurrence, le problème est celui de la restructuration des chantiers navals, afin de mettre un terme aux subventions publiques incompatibles avec le droit européen de la concurrence. La Croatie a choisi de passer par une privatisation, mais le processus a pris du temps car de nombreux emplois sont concernés. Les derniers plans de restructuration ont été approuvés par la Commission il y a quelques jours, et le dossier avance bien. Moyennant peut-être une clause de suivi renforcé, le chapitre pourrait être clos d'ici dix jours.

Le chapitre 23 sur la justice et l'état de droit, qui n'existait pas en tant que tel pour les précédents élargissements, est de loin le plus sensible politiquement et le plus exigeant, avec 10 critères et 21 sous-critères. Un rapport intermédiaire de la Commission en mars dernier, plutôt critique bien que saluant la masse d'efforts engagés, a amené les autorités croates à jeter toute leur énergie pour accélérer les réformes et convaincre de leur caractère durable.

Lors de notre entretien avec le Président de la République Josipovic, éminent juriste, et le ministre de la Justice, nous avons pu mesurer les progrès accomplis en matière de formation et de nomination des juges, de professionnalisation des nouveaux conseils supérieurs des juges et des procureurs, de responsabilité disciplinaire des magistrats, de réduction des arriérés judiciaires, de spécialisation des tribunaux en matière de crimes de guerre, de lutte anti-corruption, de relogement des réfugiés, de droits des minorités.... La Croatie a fait en quelques mois un bond en avant gigantesque. Nous avons aussi rencontré des ONG spécialisées dans la défense des droits de l'homme et les crimes de guerre, et même si elles sont plus critiques, en particulier sur le retard initial à engager les réformes, elles ont toutes souligné l'immense chemin parcouru.

Mais, nous le savons bien, les réformes législatives ne produisent tout leur effet que dans la durée. Quand on change la formation des magistrats, l'effet commence à se faire sentir quand ils sont en poste deux ou trois ans après...

C'est pourquoi quand nous sommes arrivés à Zagreb mi mai, la Croatie peinait à convaincre du caractère irréversible de ces changements massifs mais tardifs. Et plus le temps passait, plus la perspective d'une clôture des négociations en juin, objectif de la présidence hongroise de l'Union, et des autorités croates, s'éloignait... avec le risque, à la longue, d'un essoufflement de l'opinion publique sur le projet européen.

C'est dans ce contexte que la France a pris l'initiative de présenter le 11 mai une proposition de suivi renforcé, entre la clôture des négociations et l'adhésion, des engagements croates, accompagné d'une clause de sauvegarde, afin d'emporter l'adhésion des États membres les plus récalcitrants et de précipiter la fin des négociations. Cette initiative a pu être mal comprise par certains média français qui y ont vu une manoeuvre de retardement alors que c'était tout le contraire : il s'agissait d'accélérer tout en offrant des garanties sérieuses. Nous avons pu voir à Zagreb qu'elle était bien reçue, et comprise comme un facteur de facilitation et d'encouragement, et d'ailleurs c'est le message que nous avons délivré.

De fait, cette initiative a été un véritable catalyseur de la décision.

Le 30 mai, La France a modifié sa proposition pour qu'elle puisse recueillir un plus large assentiment, notamment en enlevant la possibilité d'un report éventuel de l'adhésion. Le 2 juin, l'Allemagne nous a rejoints pour présenter une proposition conjointe franco-allemande de suivi renforcé.

Le 7 juin, le Président Baroso déclarait que la Commission allait proposer aux 27 États membres la clôture des 4 derniers chapitres, ce qui fut fait vendredi dernier 10 juin.

La situation évolue de jour en jour. A l'heure qu'il est on peut la résumer ainsi : la Commission a un avis positif et estime que les critères de clôture sont satisfaits. La balle est désormais dans le camp des 27 États membres, qui ont encore 9 jours pour boucler les négociations.

Un « suivi pré-adhésion » est bien proposé, qui reprend partiellement les propositions franco-allemandes, avec une périodicité différente pour les rapports de suivi, (tous les 6 mois au lieu de 3) et la possibilité de lettres d'avertissement de la Commission. Ce suivi serait focalisé en priorité sur le chapitre 23 mais porterait aussi sur les chapitres 8 voire 24 (libertés). Une « clause Schengen » est proposée, avec un rapport spécifique de la Commission avant l'entrée dans Schengen de la Croatie d'ici quelques années et une décision des actuels États membres.

Tout cela doit être discuté et complété dans les jours qui viennent, d'abord au COREPER et dans le groupe de travail « élargissement » cette semaine, puis lors d'une Conférence intergouvernementale qui pourrait se tenir le 21 juin, permettant au Conseil européen, dans 10 jours, d'entériner formellement la fin des négociations.

Il faudra ensuite l'approbation du Parlement européen (qui est acquise), la signature du traité, le référendum en Croatie, et la ratification par chacun des 27 États membres avant que l'adhésion ne soit effective, vraisemblablement au 1er juillet 2013.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion