Intervention de Yves Saint-Geours

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 juin 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Yves Saint-geours ambassadeur de france au brésil

Yves Saint-Geours, ambassadeur de France au Brésil :

En matière de stratégie nationale de défense, je rappelle que le ministère de la défense a été créé il y a dix ans, en remplacement de trois ministères dirigés par les chefs d'état-major. L'armée brésilienne était essentiellement une armée de démonstration, voire, hélas, de maintien de l'ordre dans les années de la dictature militaire, jusqu'en 1985. Avec le retour du régime civil, les militaires ont, logiquement, été considérés négativement. L'effort militaire a chuté et l'industrie de défense a souffert d'un manque d'investissements, notamment dans le domaine terrestre. La création du ministère de la défense témoignait d'une prise de conscience nouvelle sur la nécessité de prendre en compte les enjeux de défense. L'élaboration de la stratégie nationale de défense, en 2008, concomitamment avec la conclusion du partenariat stratégique avec la France, en a été un premier aboutissement. Le ministre Jobim a d'ailleurs lu le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale français.

La stratégie nationale de défense brésilienne appréhende le fait que le Brésil a quasiment fini de conquérir son espace et doit désormais se protéger des menaces et conserver ses ressources naturelles : gisements pétroliers, terres rares... L'ensemble de la stratégie nationale de défense n'est pas destiné à lutter contre une hypothétique invasion, mais bien plutôt à disposer des instruments les plus modernes de cyber-guerre, de contrôle satellitaire et de contrôle technologique, y compris le nucléaire civil -le Brésil étant signataire du traité de Tlatelolco de dénucléarisation militaire de l'Amérique latine au sud du Rio Grande. Il s'agit de dominer son territoire et de protéger ses ressources naturelles, tout en constituant une industrie nationale de défense, qui soit à la fois garante de la souveraineté et de la sécurité, mais aussi un élément de croissance économique global. Le projet « Amazonie verte », avec le contrôle des frontières, répond à la menace des trafics, notamment de drogue ; le projet « Amazonie bleue » tend à la protection de la zone économique exclusive brésilienne.

Je confirme l'importance des préoccupations industrielles et des transferts de technologies. En ce qui concerne l'avion de combat, le Rafale est toujours dans la course, mais ce dossier n'étant pas au rang des premières priorités de la présidente, il n'a pas été rouvert et ne devrait pas l'être avant plusieurs mois. Il n'y a donc aucun élément nouveau et l'avion russe ne peut pas avoir été réintroduit dans la compétition puisque le dossier n'est pas rouvert. La France souhaite naturellement que la décision, attendue probablement d'ici un an à un an et demi, se prenne sur la base de l'instruction réalisée par le ministère de la défense.

La partie brésilienne a obtenu les réponses qu'elle attendait sur les transferts de technologie. Mais au fur et à mesure que les discussions avancent, de nouvelles questions se posent, car il s'agit d'un processus itératif, avec des allers-retours permanents. Le partenariat permet ce dialogue constant et son rôle est de limiter les malentendus.

Le Brésil a signé des partenariats stratégiques avec l'Italie, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Inde, la Chine, l'Afrique du Sud et d'autres émergents comme la Malaisie.

La violence est certes présente dans la société brésilienne. Il y a un taux d'homicide 25 fois supérieur à celui de la France : dans la seule ville de Brasilia, de 3 millions d'habitants, il y a autant de meurtres que dans la France entière ! La violence est endémique.

Les relations avec les voisins du Brésil sont excellentes. Il est vrai que, dominante au début du XXe siècle, l'économie argentine a, depuis, été distancée par l'essor d'un Brésil autrefois quelque peu méprisé. Aujourd'hui, le Brésil essaie de ménager son voisin argentin, notamment au sein du Mercosul, mais il faut souligner que cet accord n'a pas beaucoup de contenu. Les doubles impositions y sont encore en vigueur, et, entre autres, l'usage des compensations est un frein au libre-échange. La relation politique est toutefois apaisée et les relations de voisinage sont excellentes, mises à part quelques fièvres ponctuelles pour lesquelles le Brésil est susceptible d'intervenir, avec au demeurant un bonheur inégal.

S'agissant de la relation avec les Etats-Unis, la plupart des militaires brésiliens ont en effet une certaine proximité avec leurs homologues américains, ne serait-ce qu'en raison de l'héritage de la guerre froide. Il ne faut toutefois pas en exagérer l'importance car la structuration de la relation bilatérale avec la France s'avère payante : 171 officiers brésiliens sont aujourd'hui en France, notamment dans le cadre du contrat sur les sous-marins.

La Chine a acheté quelques mines, notamment de fer, au Brésil et elle est, en flux, le premier investisseur étranger depuis l'année dernière. Toutefois, le Brésil est très attentif à ce que ces investissements ne soient pas une simple captation de matières premières mais qu'ils impliquent bien des emplois et de l'industrie brésiliens. La prudence est de mise sur cette question sensible.

Sur le plan culturel, l'année de la France au Brésil a ouvert la voie à des relations entre les musées, par exemple Beaubourg et Orsay avec la Pinacothèque de São Paulo ou encore l'IRCAM avec le musée de la lumière et du son de São Paulo. Le musée du Nouveau Monde de La Rochelle a lui aussi construit un nouveau partenariat et le flux des expositions et des spectacles s'est accru.

TVBrésil n'a pas eu le démarrage escompté et se heurte à de réelles difficultés d'éclosion, même si certains programmes sont de bonne qualité et remplissent des missions de service public. Je ne peux dresser de bilan du fonctionnement de tous les outils de notre diplomatie culturelle, dans la mesure où le Brésil ne dispose pas d'Institut français, non plus que de la diffusion de France24. La programmation de TV5 peut paraître insatisfaisante - peu de sport, films un peu anciens, documentaires - mais il faut être indulgent, compte tenu de ses moyens limités. Quant à l'AEFE, elle fonctionne de façon satisfaisante, le réseau des trois lycées français étant toutefois sous-dimensionné au Brésil, puisqu'il n'accueille même pas 2 500 élèves. Un projet de nouveau lycée à São Paulo est en cours, qui pourrait accueillir 700 à 800 élèves de plus. Nous nous heurtons toutefois à la difficulté du coût de la vie au Brésil.

La Direction générale de la mondialisation traite bien les sujets globaux qui sont les siens : climat, biodiversité, financements innovants...

Les Brésiliens sont en retard pour la construction d'infrastructures, à la fois pour la Coupe du monde de football de 2014 et pour les Jeux olympiques de 2016. Ils ont, par le passé, su faire preuve de leur capacité de s'organiser au dernier moment, mais le défi est de taille et risque d'engendrer des surcoûts importants.

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