a remercié M. Michel Doublet des précisions qu'il avait ainsi apportées et a déclaré partager ses conclusions.
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport d'information présenté par M. Jean-Paul Emorine, président, sur la mission effectuée en Lituanie et Estonie du 3 au 7 juillet 2005.
A titre liminaire, M. Jean-Paul Emorine, président, a expliqué qu'il présenterait les grands axes du rapport sur la mission effectuée au mois de juillet 2005 en Lituanie et en Estonie, en insistant davantage sur les points qu'il n'avait pas évoqués au mois d'octobre, lorsqu'il avait livré à la commission les premières impressions de retour de voyage. Il a ensuite rappelé qu'une délégation composée de M. Gérard César, Gérard Le Cam, Paul Raoult, Daniel Soulage et lui-même, s'était rendue, du 3 au 7 juillet 2005, en Lituanie puis en Estonie, afin notamment d'étudier les conditions et les conséquences économiques de l'intégration de ces pays dans l'Union européenne, intervenue en 2004.
Après avoir insisté sur la très petite taille de ces pays (la Lituanie compte 3,5 millions d'habitants et l'Estonie 1,4 millions, soit 2,3 % de la population française), il a estimé que l'on pouvait les qualifier de « tigres » européens dans la mesure où ils connaissent, à l'instar des « tigres » asiatiques, un phénomène de rattrapage économique accéléré, fondé sur une libéralisation rapide et une très grande ouverture sur l'extérieur. Après avoir indiqué que la Lituanie avait connu, en 2003, avec 9,7 %, un taux de croissance exceptionnel et que, plus généralement, les taux de croissance dépassaient 6 % depuis plusieurs années, il a ajouté que la situation budgétaire était saine, puisque l'Estonie, par exemple, a connu en 2004 un excédent. Précisant que cette croissance s'appuie sur quelques secteurs économiques clés, qui vont de l'industrie du bois aux télécommunications, il a expliqué que l'importance de la ressource en bois avait conduit à une spécialisation économique historique dans ce secteur, la filière bois comptant aujourd'hui un large spectre d'industries, des exploitations forestières aux meubles, en passant pas les productions intermédiaires. A côté de celle-ci, a-t-il poursuivi, le secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication s'est largement développé, sous l'impact des importants investissements finlandais, Nokia et Ericsson ayant largement sous-traité en Estonie : ce secteur, qui représente 13 % du produit intérieur brut estonien et 7 % du PIB lituanien, joue désormais un rôle important dans les pays baltes.
Jugeant ensuite que cette croissance s'était largement appuyée sur l'essor des échanges extérieurs, il a indiqué que la Lituanie et l'Estonie occupaient une position géographique stratégique de transit au seuil des marchés russe, biélorusse, polonais, scandinave et nordique, cette position devant être renforcée par le développement des futurs axes de transport trans-européen, comme la via Baltica, autoroute européenne qui rejoindra Helsinki à Prague, en passant notamment par l'Estonie et la Lituanie. Le commerce extérieur, a-t-il précisé, représente un pourcentage massif de leur PIB, qui va jusqu'à 130 % en Estonie, économie la plus ouverte d'Europe de l'Est.
a également estimé que la croissance reposait sur l'existence d'une main d'oeuvre qualifiée et bon marché et d'un système fiscal particulièrement compétitif : en Estonie, il existe un taux d'imposition unique de 24 % sur le revenu des particuliers et sur les bénéfices des entreprises, ce taux devant être ramené, sur trois ans, à 20 % ; par ailleurs, les bénéfices réinvestis sont totalement exonérés. Abordant ensuite les facteurs de fragilité, il a relevé la persistance des déséquilibres des balances courantes, qui sont structurellement déficitaires, ainsi qu'un risque de surchauffe économique : à cet égard, il a relevé que la semaine précédente, le commissaire européen Joaquin Almunia avait estimé que l'inflation, située entre 3 et 3,7 %, était actuellement trop élevée en Estonie et en Lituanie pour que ces pays puissent adopter l'euro en 2007. Soulignant que, malgré les forts taux de croissance enregistrés, le différentiel de niveau de vie avec l'Union européenne restait important, puisque le PIB par habitant en Estonie n'atteint encore que 50 % de la richesse moyenne de l'Union européenne, et celui de la Lituanie 40 %, il a ajouté que le chômage demeurait assez élevé, les retraites basses et les inégalités régionales fortes : à ce propos, a-t-il ajouté, l'un des objectifs majeurs présenté par le ministre estonien de l'économie à la mission est de résorber les inégalités régionales très fortes entre Tallinn et les régions périphériques.
Evoquant le deuxième axe du rapport, relatif à l'adhésion des pays baltes à l'Union européenne, M. Jean-Paul Emorine, président, a estimé que celle-ci apparaissait pour ces pays comme le moyen le plus sûr d'acquérir une sécurité politique et économique face au grand voisin russe, avec lequel ces pays entretiennent des relations très compliquées et souvent conflictuelles, que l'on peut résumer autour de trois points :
- premier point, le traumatisme historique de l'annexion en 1939, puis de l'occupation ;
- deuxième point, la question des frontières et des minorités : sous l'influence, notamment de l'Union européenne, un traité reconnaissant la frontière entre l'Estonie et la Russie, a pu être signé en mai 2005, et le Parlement estonien l'a également ratifié en 2005 ; toutefois, celui-ci a ajouté, dans la loi de ratification, un considérant qui rappelle, notamment, la continuité juridique de la République d'Estonie fondée le 24 février 1918 ; or, cet ajout a provoqué une réaction très hostile de la part de la Russie, qui a souhaité retirer sa signature, et les négociations sont désormais bloquées ;
- troisième point, la dépendance économique envers la Russie, notamment dans le domaine de l'énergie : à titre d'exemple, en Lituanie, la compagnie russe Yukos a pris le contrôle du capital de la raffinerie de Mazeiku.
Citant un autre exemple, relatif à l'énergie, pour illustrer les relations tendues qui existent entre ces pays, M. Jean-Paul Emorine, président, a relevé que la signature, en septembre 2005, de l'accord germano-russe pour la construction d'un gazoduc sous la mer Baltique avait soulevé des réactions unanimement hostiles dans les pays baltes : meurtris de ne pas avoir été consultés sur ce projet, ces pays estiment en outre qu'il constitue une menace potentielle sur l'environnement de la mer Baltique, et craignent qu'avec ce gazoduc qui contourne les pays baltes et la Pologne, la Russie puisse imposer des prix de gaz de monopole.
Soulignant que l'intégration européenne s'inscrit donc dans ce contexte particulier, M. Jean-Paul Emorine, président, a estimé que les pays baltes avaient adhéré dans l'enthousiasme, avec la satisfaction de rejoindre le club des démocraties occidentales et que, depuis, cet enthousiasme s'était peut-être quelque peu émoussé, notamment au constat du fait qu'en étant à la fois « petits » et « nouveaux », ils ne pèsent pas beaucoup dans les négociations. Lors des récentes discussions sur les perspectives financières, a-t-il ajouté, la Lituanie et l'Estonie ont même été déçus par l'attitude du Royaume-Uni, alors même qu'ils sont traditionnellement proches des positions britanniques : l'attitude de ce pays, consistant à proposer une réduction des fonds structurels plutôt que revenir sur le rabais qui lui est consenti, a été qualifiée dans la presse de « Robin des bois à l'envers ».
Abordant enfin le dernier axe du rapport, relatif à l'insuffisance de la présence des entreprises françaises dans les pays baltes, M. Jean-Paul Emorine, président, a indiqué que les interlocuteurs estoniens avaient notamment regretté l'absence des grandes entreprises françaises sur des grands projets d'infrastructures de transports, qui vont connaître un développement important dans les années à venir, avec les fonds structurels. Il a ajouté que d'autres secteurs étaient porteurs pour les entreprises françaises, à l'instar du traitement de l'eau et des déchets, ou du secteur agroalimentaire, qui représente 34 % de la production industrielle. Soulignant que ces pays présentent de nombreux atouts pour les investisseurs, notamment du fait de leur proximité avec les marchés russes et ukrainien, il a conclu en encourageant ses collègues à relayer ces éléments auprès des entreprises de leur département.