Rappelant que ce projet de loi avait été déposé sur le bureau du Sénat le 11 décembre 1996 et avait vu son examen reporté suite à l'absence d'accord entre les différents acteurs intéressés, M. Jean Bizet, rapporteur, a indiqué qu'il traitait de l'important sujet des obtentions végétales, enjeu essentiel pour le secteur agricole. Il a estimé que la supériorité de rendement des blés français par rapport aux blés américains provenait essentiellement du système performant, compétitif et équilibré que notre pays avait mis au point en matière d'obtentions végétales.
Expliquant que les certificats d'obtention végétale (COV) constituent un titre de propriété intellectuelle reconnaissant le droit à l'inventeur d'une variété végétale d'obtenir des royalties de la part des utilisateurs de sa variété, il a souligné que ce système permettait de rémunérer les recherches réalisées par les obtenteurs. Précisant que ces derniers étaient pour l'essentiel des coopératives ou des entreprises familiales, il a fait observer que le développement d'une nouvelle espèce représentait, en moyenne, cent millions d'euros et dix ans de travail.
Insistant sur la différence entre cette technologie et celle des OGM, il a précisé qu'elle ne consistait pas à introduire dans une variété un gène issu d'une autre variété, mais simplement à croiser des semences d'une même espèce, comme cela se fait depuis des millénaires, afin d'obtenir des progrès quant à la qualité nutritionnelle et sanitaire des végétaux, ainsi qu'en matière de respect de l'environnement.
Insistant également sur la différence entre le système du COV et celui du brevet, tel que l'ont adopté les Etats-Unis, il a indiqué que ce dernier permettrait à l'inventeur d'une variété végétale de s'en accaparer la propriété et de faire valoir ses droits sur tous les produits développés à partir de son invention, restreignant ainsi l'accès de chacun au patrimoine naturel et à la biodiversité. Il a souligné que le système du COV avait justement pour objet d'éviter cette privatisation des ressources naturelles, son titulaire ne pouvant interdire l'accès à sa variété à ceux qui voudraient la prendre comme base pour développer de nouvelles variétés, conformément au principe dit de l'« exception du sélectionneur ».
Rappelant que la France avait toujours promu ce modèle en étant à l'origine de la Convention de Paris de 1961, qui a mis en place une Union internationale de protection des obtentions végétales (UPOV), il a estimé qu'un tel système permettait un juste équilibre entre progrès technologique d'une part, et droit d'accès à la biodiversité d'autre part.
Jugeant de façon positive le projet de loi, il a noté qu'il renforçait les droits des obtenteurs, en précisant notamment leur portée conformément à la Convention de 1991 modifiant celle de 1961, ainsi qu'en prolongeant les durées de validité des COV.
Il a également souligné que le texte fortifiait les prérogatives des utilisateurs en reconnaissant pour la première fois le droit des agriculteurs à ressemer des graines protégées par des COV sans devoir payer la totalité des royalties normalement dues à leurs titulaires, dès lors qu'un accord sur le juste niveau de rémunération serait trouvé entre les parties. Jugeant que cette question des « semences de ferme » avait souvent été l'objet de débats idéologiques passionnés, il a indiqué que l'équilibre proposé par le texte était perçu comme une véritable avancée par les acteurs les plus représentatifs et faisait l'objet d'un consensus dans tous les pays ayant adopté le système du COV. Il a par ailleurs insisté sur le fait que les agriculteurs conserveraient le droit d'exploiter les variétés végétales tombées dans le domaine public sans autorisation préalable ni versement de droits à leurs obtenteurs.
Abordant ensuite le contenu du projet de loi, il a précisé qu'il était composé de 19 articles, dont 18 modifiaient le code de la propriété intellectuelle et un seul le code rural.
Il a expliqué que les articles 1 à 3 précisaient le champ d'application du texte :
- en étendant, à l'article 1er, l'exclusion du système du brevet à l'ensemble des obtentions végétales, lesquelles ne pourront donc plus faire l'objet que d'un COV. Du fait qu'une disposition similaire a déjà été adoptée dans le cadre de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, il a annoncé qu'il proposerait de supprimer cet article ;
- en définissant les notions de « variété » et d'« obtention végétale » de façon à ce que soient pris en compte les critères de nouveauté, d'originalité, d'homogénéité et de stabilité.
Il a indiqué que les articles 4 à 6 précisaient la portée des droits des titulaires de COV :
- en introduisant notamment l'important concept de « variété essentiellement dérivée », qui étend le droit de l'obtenteur aux variétés très proches de celle qu'il a mise au point ;
- en prévoyant la non-extension des droits des titulaires aux actes domestiques et expérimentaux réalisés sur une variété protégée, aux actes destinés à créer à partir d'une telle variété une variété nouvelle, conformément au principe dit de l'« exception du sélectionneur », ainsi qu'aux actes réalisés sur une variété dont l'obtenteur a autorisé l'exploitation depuis un certain temps.
Après avoir mentionné que les articles 7 et 8 précisaient les modalités de dépôt et d'instruction des demandes de COV, il a insisté sur l'article 9, soulignant qu'il alignait notre droit sur la réglementation communautaire afin de rallonger de cinq années la durée de protection dont bénéficient les COV nationaux.
Après avoir brièvement évoqué les articles 10 et 11, soumettant à publication l'ensemble des actes relatifs aux COV et procédant à une coordination, il a indiqué que l'article 12 introduisait un troisième cas de licence obligatoire. Expliquant qu'il s'agissait d'un droit d'exploitation attribué par voie judiciaire sans l'accord du titulaire pour des motifs d'intérêt public, il a annoncé qu'il proposerait un amendement rédactionnel sur cet article.
Il a également indiqué qu'il présenterait, après l'article 13 simplifiant la disposition prévoyant les cas de déchéance d'un COV de son droit, un article additionnel comblant une lacune du projet de loi en ce qui concerne les mesures relatives à la nullité des certificats.
Après avoir présenté l'article 14, qui transpose aux salariés ayant mis au point une obtention végétale le régime protecteur prévu dans le système des brevets, puis l'article 15, qui précise la notion de contrefaçon, et annoncé qu'il présenterait un amendement de cohérence à cet article, il s'est attardé sur l'article 16, qui autorise explicitement la pratique des semences de ferme par les agriculteurs et prévoit les modalités d'indemnisation des titulaires de COV. Précisant que le système prévu couvrait à la fois les COV nationaux et communautaires et s'inspirait directement de celui existant aujourd'hui dans le secteur du blé tendre, en renvoyant la fixation du montant de l'indemnité, à défaut de contrat individuel, à un accord interprofessionnel entre représentants des agriculteurs et des obtenteurs, il y a vu un dispositif équilibré, respectueux des diverses parties en présence et parfaitement compatible avec les engagements internationaux et communautaires de la France.
Après avoir observé que les articles 17 et 18, qui précisent le champ d'application du projet de loi dans le temps et dans l'espace, nécessitaient deux amendements rédactionnels, il a proposé que l'article 19, qui insère dans le code rural un nouveau titre regroupant et homogénéisant toute une série de dispositions relatives au contrôle des activités de production, commercialisation et importation des matériels de multiplication des plants et plantes destinés à être replantés, soit entièrement réécrit afin d'être correctement codifié.
Il a conclu en insistant sur le fait que le dispositif mis en place par le projet de loi permettrait de financer la mise au point de nouvelles variétés de semences à la fois plus productives, plus sûres d'un point de vue sanitaire et plus respectueuses de l'environnement, tout en maintenant le principe de libre usage des variétés anciennes tombées dans le domaine public.