Intervention de Gilbert Barbier

Commission des affaires sociales — Réunion du 16 décembre 2009 : 1ère réunion
Accompagnement d'une personne en fin de vie — Examen des amendements - adoption du texte de la commission

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier, rapporteur :

a rappelé que cette proposition de loi, déposée en janvier dernier à l'Assemblée nationale par quatre députés issus de différents groupes politiques, a été adoptée à l'unanimité le 17 février et pourrait être inscrite à l'ordre du jour du Sénat le 13 janvier prochain.

Il existe depuis 1999, notamment grâce à l'action de la commission, un droit à congé pour accompagner un proche en fin de vie. Ce congé porte soit le nom de « congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie » pour les fonctionnaires et militaires, soit celui de « congé de solidarité familiale » pour les salariés relevant du code du travail. Ces deux formules présentent de fortes similitudes : les congés durent au maximum trois mois, se terminent au plus tard dans les trois jours qui suivent le décès de la personne accompagnée et sont non rémunérés. Pour en bénéficier, le lien exigé entre les personnes accompagnées et accompagnantes est le même : être un ascendant, un descendant ou partager le même domicile.

La proposition de loi prévoit de ne retenir désormais qu'un seul nom, celui de « congé de solidarité familiale », à la fois pour les salariés et pour les fonctionnaires et militaires, mais n'a pas corrigé les différences notables qui persistent, sans justification, entre leurs modalités d'application. Ces différences tiennent d'abord à la définition de l'état de la personne malade : pour les accompagnants fonctionnaires, cette personne doit « faire l'objet de soins palliatifs » ; pour les salariés, elle doit « souffrir d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital », ce qui élargit le champ potentiel des personnes susceptibles d'être accompagnées.

Or, si la proposition de loi prévoit utilement de modifier la définition en vigueur dans le secteur privé, en retenant la terminologie issue de la loi de 2005 relative aux droits de malades et à la fin de vie d'une personne qui « souffre d'une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause », elle ne l'a pas étendue aux accompagnants fonctionnaires et militaires. Il en résulte qu'en l'état, un malade en fin de vie qui ne peut accéder à des soins palliatifs, par exemple à cause d'une déficience de l'offre, ne pourra pas non plus avoir auprès de lui son fils ou sa fille fonctionnaire, puisqu'ils n'auront pas le droit de prendre un congé pour l'accompagner.

Une seconde différence tient au fait que pour les salariés, le congé de trois mois est renouvelable une fois, ce qui n'est pas le cas pour les fonctionnaires.

a indiqué qu'il proposera d'uniformiser ces définitions et modalités, pour que le droit à l'accompagnement ne dépende pas du secteur dans lequel l'accompagnant travaille, d'autant que ce congé est non rémunéré.

Enfin, si la proposition de loi apporte une modification bienvenue, puisqu'elle élargit le bénéfice du congé aux frères et aux soeurs de la personne malade, elle ne règle pas la question de la protection sociale de son bénéficiaire, que ce soit durant le congé ou à son terme. Ainsi, il n'est pas indiqué précisément si cette période est comptabilisée ou non pour les droits à pension ; surtout, la couverture maladie ou maternité ne semble pas non plus prévue, ce qui peut fragiliser la situation des personnes à un moment où elles n'en ont vraiment pas besoin. Ce point méritera aussi d'être clarifié par voie d'amendement.

L'objet principal de la proposition de loi consiste à créer une allocation journalière d'accompagnement. A ce jour, le congé de solidarité familiale n'est pas rémunéré et il n'existe pas de statistiques sur le nombre de personnes qui en demandent le bénéfice. On estime cependant que ce nombre est faible au regard des besoins et la raison principale tient justement à l'absence de revenus pendant cette période. Il en résulte d'ailleurs que, très souvent, les accompagnants se mettent eux-mêmes en arrêt de travail lors de la phase terminale de la maladie d'un proche, non seulement pour se rendre disponibles mais aussi pour des motifs liés à la situation d'épuisement ou de détresse psychologique à laquelle ils sont confrontés.

Pour ces raisons, la création d'une allocation journalière d'accompagnement ne peut être qu'approuvée. Elle serait versée aux personnes qui accompagnent à domicile un proche en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, pour une durée maximale de trois semaines, et son montant serait défini par décret. Selon la ministre de la santé, celui-ci serait aligné sur l'allocation journalière de présence parentale, qui bénéficie aux personnes qui assument la charge d'un enfant atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants, soit 49,16 euros par jour pour une personne seule et 41,37 euros pour un couple. La définition du proche susceptible de percevoir l'allocation est la même que pour le congé : être un ascendant, un descendant, un frère, une soeur ou partager le même domicile. Elle concerne les salariés, les fonctionnaires et toute autre personne qui suspend, pour ce motif, son activité professionnelle. Enfin, l'allocation serait financée par le régime d'assurance maladie de la personne qui s'arrête de travailler pour accompagner un proche, pour un coût estimé à 20 millions d'euros par an.

Pour autant, on peut légitimement considérer que la création de cette allocation ne constitue qu'un premier pas.

En effet, elle ne concerne que l'accompagnement à domicile et non celui des personnes hospitalisées. Or, les situations sont proches et il n'est pas certain que cette allocation suffise à développer, à elle seule, les soins palliatifs à domicile, dont l'offre est souvent lacunaire. D'après le Gouvernement, environ 25 % seulement des malades en phase avancée ou terminale d'une maladie restent à domicile, soit environ 25 000 personnes. Pour ces motifs, l'Assemblée nationale a assoupli la règle, en prévoyant que l'hospitalisation d'une personne accompagnée à domicile ne fera pas cesser le versement de l'allocation, mais sans aller jusqu'à la généralisation de celle-ci.

Une autre critique que l'on peut opposer au dispositif tient au fait que la durée de versement de l'allocation est limitée à trois semaines, alors que le congé de solidarité familiale dure trois mois, renouvelable une fois. Il semble que le choix d'une période de trois semaines corresponde au coût maximum que le Gouvernement entendait accepter pour cette mesure. Or, il ne serait pas injustifié que cette période puisse au moins être renouvelable une fois, comme l'est le congé, ou que l'allocation soit versée sur une période d'un mois. On peut également regretter la fixation d'une durée qui ne correspond à aucune réalité, et notamment pas, bien évidemment, à celle des derniers jours des personnes accompagnées.

Enfin, l'interruption du versement de l'allocation, fixée au plus tard au jour suivant le décès de la personne accompagnée est brutale, alors même que le congé peut durer jusqu'à trois jours après le décès. Le Gouvernement met cependant en avant la possibilité de prendre des congés pour événements familiaux, qui sont des jours d'absence rémunérés : deux jours pour le conjoint et un jour pour le père, la mère, le beau-père, la belle-mère, un frère ou une soeur.

En conclusion, M. Gilbert Barbier, rapporteur, a fait valoir que cette proposition de loi est dans la droite ligne des travaux que la commission mène depuis de nombreuses années. Elle constitue un progrès indéniable, même si ses dispositions sont perfectibles. La fin d'une vie est un moment intime ; les proches qui resteront avec leur douleur doivent pouvoir être présents à ce moment de basculement. Aujourd'hui, des inégalités demeurent entre ceux qui peuvent se permettre d'arrêter de travailler et les autres, ce qui entraîne des demandes d'arrêts maladie inappropriés alors même qu'une présence auprès du malade est également bénéfique pour la société, notamment en évitant certaines hospitalisations.

La période de la fin de vie est, le plus souvent, médicalisée et, de ce point de vue, beaucoup de progrès restent à réaliser, comme l'a souligné la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'application de la loi « Leonetti » de 2005 relative à la fin de vie : l'offre de soins palliatifs, en établissement et à domicile, doit notamment être améliorée sur l'ensemble du territoire. Mais cette période doit aussi être familiale, elle correspond à un moment de solidarité, d'humanité et de responsabilité que cette proposition de loi entend favoriser.

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