Intervention de Hervé Maurey

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 15 juin 2011 : 1ère réunion
Amélioration et sécurisation de l'exercice du droit de préemption — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey, rapporteur :

La présente proposition de loi vise à améliorer et sécuriser l'exercice du droit de préemption. Elle est issue des travaux menés par notre commission dans le cadre de la proposition de loi de simplification du droit déposée par M. Jean-Luc Warsmann, que nous avions examinée à l'automne dernier.

Ce texte comportait en effet une réforme d'ampleur du droit de préemption urbain, que nous avions jugée inacceptable. C'est pourquoi nous avions adopté un amendement de suppression, également présenté par M. Bernard Saugey, rapporteur au nom de la commission des lois. Cette dernière, saisie au fond du texte, avait supprimé le dispositif du texte qu'elle avait adopté.

J'avais toutefois constaté, au cours de mes auditions, qu'un certain nombre d'évolutions du droit applicable à la préemption étaient souhaitables, mises en valeur notamment par une étude du Conseil d'État datant de 2007. Et je m'étais engagé à élaborer un texte sur le sujet.

C'est donc l'objet du présent texte, qui s'inspire largement des conclusions du groupe de travail relatif aux stratégies foncières, constitué dans le cadre de la démarche initiée en juin 2010 par le secrétaire d'État au logement Benoist Apparu intitulée « Vers un urbanisme de projet ».

Au terme de cette démarche, j'ai pu constater que cette proposition de loi faisait consensus entre des acteurs - propriétaires privés, aménageurs, élus locaux, opérateurs fonciers - dont les intérêts peuvent parfois être divergents. Tous ont estimé que ce texte était équilibré, entre le droit des propriétaires à disposer de leur bien et la nécessité de donner à la puissance publique des leviers d'aménagement urbain.

Avant de vous présenter le contenu de ce texte, je vous rappelle quelques éléments sur le droit de préemption.

Tout d'abord, son institution est très fréquente, puisque 80 % des communes dotées d'un document d'urbanisme l'ont institué. En revanche, il ne s'exerce que sur environ 1 % des transactions. Ceci montre que ce droit est utilisé par les collectivités pour mieux connaître les conditions auxquelles les transactions se déroulent sur un territoire donné. Elle leur permet de constituer un observatoire foncier, dans un contexte de relative opacité du marché foncier.

Par ailleurs cet outil est moins contraignant que l'expropriation, puisqu'il s'applique à des biens dont le propriétaire avait l'intention de se séparer, et son utilisation est beaucoup plus souple.

Le présent texte vise à répondre à un certain nombre de difficultés rencontrées actuellement dans l'exercice de ce droit par les collectivités et à mieux garantir les droits de propriétaires.

L'article 1er vise à enrichir le contenu des déclarations d'intention d'aliéner (DIA) et à améliorer leur publicité.

Cette disposition doit permettre à la collectivité d'avoir une connaissance suffisante de la réalité du bien et des conditions de son aliénation afin qu'elle puisse prendre sa décision en toute connaissance de cause. Cette amélioration sera particulièrement utile pour la préemption de biens « complexes », affectés éventuellement de pollutions. L'article supprime en outre la transmission systématique des décisions aux services fiscaux, ce qui constitue une simplification opportune.

Par ailleurs, il ne prévoit pas la transmission systématique de toutes les pièces à l'occasion de chaque transaction afin de ne pas alourdir excessivement les procédures. Je rappelle d'ailleurs qu'un travail de dématérialisation des procédures d'urbanisme est en cours, qui permettra également de les alléger.

L'article 2 précise qu'après saisine du juge de l'expropriation, le titulaire du droit de préemption ne peut plus renoncer à l'acquisition que si le prix fixé est supérieur de 10 % à l'estimation des domaines. Après fixation judiciaire du prix, c'est-à-dire, en pratique, après des mois de contentieux, le propriétaire doit pouvoir vendre son bien à la collectivité, sauf si le juge a fixé un prix justifiant le renoncement de celle-ci.

L'article 3 prévoit que le transfert de propriété intervient au moment de l'acte authentique de vente et du paiement du prix, dont le délai est raccourci de six à quatre mois.

Cet article, qui reprend une préconisation du Conseil d'État, est à l'évidence source de simplification, notamment en cas d'annulation de la décision de préemption.

Le Conseil d'État avait, en effet, critiqué le décalage dans le temps entre le transfert de propriété, d'une part, et la signature de l'acte authentique et le paiement, d'autre part. Du coup, le défaut de paiement dans le délai de six mois entraînait non pas l'empêchement de la vente, mais l'obligation de rétrocéder le bien.

L'article 4 permet au propriétaire, en cas de renonciation du titulaire du droit de préemption avant fixation judiciaire du prix, de vendre son bien à un prix révisé des variations du coût de la construction. En contrepartie, la collectivité retrouve un droit de préemption dans un délai de cinq ans.

L'article 5 clarifie les dispositions relatives à l'utilisation du bien préempté, en précisant explicitement que le titulaire du droit de préemption peut utiliser le bien à d'autres usages que celui prévu initialement, dès lors qu'il est inclus dans les objets légaux de la préemption. Je rappelle à ce sujet que l'utilisation du bien préempté peut être suivie, puisque la commune doit ouvrir un registre dans lequel sont inscrites toutes les acquisitions ainsi que l'utilisation effective des biens acquis.

L'article 6 fixe les conséquences de l'annulation d'une décision de préemption en matière de droit de rétrocession au profit de l'ancien propriétaire.

L'article 7 améliore les garanties des propriétaires, en leur ouvrant la possibilité d'une action en dommages et intérêts, même en cas de renonciation à la rétrocession.

Les amendements que je vous propose d'adopter conservent l'essentiel de ces dispositifs, qui ont été jugés équilibrés par les personnes que j'ai auditionnées, et visent essentiellement à en clarifier ou en préciser la rédaction.

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