Intervention de Jean-Marie Delarue

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 juin 2009 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Marie delaRue contrôleur général des lieux de privation de liberté

Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté :

a d'abord procédé à un bilan de son activité près d'un an après sa désignation comme Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il a indiqué qu'il avait réuni une équipe pluridisciplinaire constituée de 12 contrôleurs à temps plein, 10 contrôleurs à temps partiel et 4 emplois administratifs. Il a relevé, en revanche, que la possibilité ouverte par le décret du 12 mars 2008 de recruter des intervenants extérieurs n'avait pu être utilisée dans la mesure où ces derniers doivent continuer à exercer leur occupation principale, ce qui est difficilement compatible avec une mission de contrôle.

a souligné l'afflux des courriers reçus par l'institution (144 lettres reçues en 2008 et probablement, si les tendances observées depuis le début de l'année se confirment, 900 lettres en 2009), concernant, pour l'essentiel, jusqu'à présent, les conditions de détention. Il a noté que 52 visites avaient été effectuées en 2008 et 81 depuis le 1er janvier 2009, soit une moyenne de 16 visites par mois qui correspondait à l'objectif qu'il s'était assigné. Il a ajouté qu'il avait privilégié le choix de lieux ordinaires de privation de liberté plutôt que certains établissements plus emblématiques. Il a rappelé également qu'il avait noué des contacts avec des associations, d'autres autorités administratives indépendantes -avec lesquelles des conventions avaient été signées afin d'éviter l'enchevêtrement des compétences- et des organismes internationaux tels que le comité européen pour la prévention de la torture et le sous-comité des Nations Unies pour la prévention de la torture.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a observé qu'il avait utilisé tous les pouvoirs qui lui étaient conférés par la loi -notamment l'information des ministres aux fins de mise en oeuvre de leur pouvoir disciplinaire et, en une occasion, la saisine du procureur de la République sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale- à l'exception, à ce stade, de la possibilité de proposer des modifications dans notre législation.

a regretté que la loi instituant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté n'ait pas repris les dispositions de l'article 21 du protocole des Nations Unies du 16 septembre 2005 garantissant une protection aux personnes qui saisissaient l'institution indépendante de contrôle. Il a noté, à cet égard, qu'il avait indiqué à l'administration pénitentiaire, qui avait établi une liste nominative des personnes détenues ayant saisi le Contrôleur général, que cette pratique lui paraissait incompatible avec la protection des personnes. Il a par ailleurs relevé qu'il avait interprété la saisine par voie de courrier comme lui permettant, à l'instar des visites qu'il effectue, de formuler des recommandations à l'intention des chefs d'établissements.

Evoquant les suites données à ses recommandations, M. Jean-Marie Delarue a d'abord souligné la qualité des relations nouées avec les différents ministres responsables des lieux de privation de liberté. Il a noté que l'institution n'avait rencontré aucune difficulté sérieuse dans le déroulement de ses visites. Il a néanmoins dû relancer certains ministères -par exemple le ministère des finances s'agissant des observations sur les locaux des douanes.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a ensuite rappelé les constats dressés dans le cadre de son premier rapport d'activité. Il a d'abord fait état de la violence des rapports de force au sein des établissements pénitentiaires alors même que ces derniers devraient être exemplaires en raison de la mission qui leur est confiée. Il a noté que les hôpitaux psychiatriques se trouvaient dans un état plus satisfaisant que celui constaté par le passé. Selon lui, la situation des centres de rétention apparaissait convenable tandis que celle des établissements pénitentiaires était très variable d'un lieu à l'autre. Il s'est montré en revanche très préoccupé à l'égard des locaux de rétention et de garde à vue. Il a attiré l'attention sur les aspects fondamentaux que constituaient, dans des lieux de privation de liberté, les relations avec les personnels, les liens familiaux ou encore la possibilité d'exercer une activité. Il a rappelé à cet égard que 15 % seulement des détenus disposaient d'un travail en maison d'arrêt. Il a constaté en outre que les liens avec les familles laissaient beaucoup à désirer, y compris dans les établissements psychiatriques. L'inactivité apparaissait selon lui comme l'un des points communs des lieux de privation de liberté, ce qui ne manquait pas d'inquiéter au regard de la resocialisation qu'ils ont pour mission de promouvoir.

a estimé que les comportements condamnables, certes minoritaires, se produisaient souvent aux interstices de procédures par ailleurs bien réglées. Il a cité pour exemple les fouilles à répétition. Il a souligné la difficulté de parvenir à un équilibre entre sécurité et dignité des personnes, relevant que le premier de ces impératifs prévalait, parfois de manière univoque, sur le second. Il a ainsi évoqué l'obligation pour les femmes gardées à vue de retirer leur soutien-gorge alors même qu'aucun risque démontré de suicide ne justifiait une telle exigence. Il a mentionné également le droit d'expression des personnes et indiqué que le paiement de frais d'adhésion à certaines associations socio-culturelles dans les établissements pénitentiaires ne donnait pas en contrepartie, pour les détenus, le droit, pourtant légitime, d'être représenté au sein des conseils d'administration de ces structures.

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