En réponse aux commissaires, M. Jean-Marie Delarue a apporté les précisions suivantes :
- dans le cadre du budget du Contrôleur général des lieux de privation des libertés pour 2010, six emplois supplémentaires ont été demandés -parmi lesquels quatre emplois de contrôleurs et deux emplois administratifs ; ce renforcement est rendu nécessaire en particulier par la nécessité de vérifier sur place la réalité des faits allégués dans des courriers de plus en plus nombreux ; par ailleurs les contrôleurs supplémentaires permettraient d'effectuer des visites plus longues dans chaque établissement (pouvant aller jusqu'à dix jours contre quatre à cinq jours aujourd'hui) ;
- les conditions dans lesquelles les hospitalisations d'office des personnes détenues sont mises en oeuvre aujourd'hui ne sont pas satisfaisantes ; en effet les intéressés sont placés dans des chambres d'isolement et soumis en pratique à un régime plus rigoureux que celui qui leur est réservé en détention (privation de tabac, télévision ...) ; dans ces conditions ils demandent à être réintégrés en établissement pénitentiaire et l'hospitalisation d'office d'une durée réduite n'aura eu généralement qu'un bénéfice thérapeutique très limité ;
- les suicides en prison sont liés à des facteurs complexes et divers -sentiment de faire l'objet de mauvais traitements, comportement des autres détenus, coupure des liens familiaux...- l'état général des prisons constituant un contexte propice au passage à l'acte. L'administration pénitentiaire ne publie plus de chiffres sur le nombre de suicides au motif, peu convaincant, que la médiatisation de ce phénomène favoriserait le risque suicidaire. Elle n'en tient pas moins un décompte précis des morts par suicide en prison, sans prendre toujours en compte néanmoins les décès intervenant en milieu hospitalier à la suite d'un acte suicidaire commis en détention. Par ailleurs, les tentatives de suicide, de l'ordre de 1 500 par an, sont douze fois plus nombreuses que les suicides effectifs. Chaque détenu peut ressentir à un moment ou à un autre la tentation du suicide ;
- la référence aux règles pénitentiaires européennes a permis d'engager une dynamique favorable ; néanmoins, ces principes ne recueillent pas l'adhésion de tous les personnels et leur mise en oeuvre est encore loin d'être satisfaisante ;
- il n'appartient pas au contrôleur général des lieux de privation des libertés de porter une appréciation sur l'évolution du nombre des gardes à vue (soit un doublement au cours des dix dernières années) ; cette augmentation doit se faire dans le respect de la dignité des personnes et, à cet égard, la situation actuelle est préoccupante. Une plus grande attention aux durées de garde à vue et notamment la limitation des gardes à vue de « confort » permettrait une meilleure utilisation des locaux ;
- la sectorisation des soins psychiatriques ne fonctionne pas de manière satisfaisante ; l'insuffisance des moyens ne permet pas d'assurer le suivi des obligations de soins au risque de laisser les patients sans contrôle ; les investissements concernant la sécurisation des établissements psychiatriques semblent prévaloir sur l'effort qui devrait porter en priorité sur les unités pour malades difficiles ou les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) ;
- les locaux de garde à vue sont le plus souvent inadaptés ; ainsi, l'action entreprise pour créer un point d'eau dans ces locaux au sein des commissariats de police a été rendue pour partie inopérante par le fait que les vasques ont été encastrées dans le mur et qu'il est impossible de boire sans gobelet. Certaines normes paraissent même en régression puisque les chambres d'isolement sont désormais conçues sur le modèle des cellules de dégrisement ce qui conduit à une aggravation des conditions d'isolement, facteur de tensions ;
- la gestion des associations socioculturelles intervenant en détention appelle sans doute la plus grande attention. La privatisation de la cantine dans un établissement pénitentiaire a conduit à une forte augmentation des coûts pour les détenus ;
- les difficultés présentées par la situation des femmes en prison sont communes à celles rencontrées par les autres minorités -notamment les mineurs- et paraissent difficiles à résoudre compte tenu de l'état actuel des établissements pénitentiaires ;
- le développement de l'accès au téléphone dans les établissements pénitentiaires appelle des réserves : plusieurs postes ont été en effet installés dans les cours de promenade et exposent les utilisateurs à des pressions ou des menaces ; d'une manière générale la mise en oeuvre des règles pénitentiaires européennes ne convainc pas entièrement ; l'amélioration de la vie des détenus et des personnels de surveillance doivent être deux objectifs complémentaires et non contradictoires ;
- la question de la vidéosurveillance préoccupe le Contrôleur général et devrait être l'un des thèmes de son prochain rapport. L'installation de caméras a également été constatée dans des chambres d'isolement des hôpitaux psychiatriques.