Intervention de Hélène Luc

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 9 novembre 2006 : 1ère réunion
Audition de M. Marcel Jurien de la gravière délégué à la sûreté nucléaire et à la radio-protection pour les activités et installations intéressant la défense

Photo de Hélène LucHélène Luc :

a tout d'abord adressé ses remerciements au président Serge Vinçon pour avoir permis l'audition devant la commission du délégué à la sûreté nucléaire de défense. Elle a également considéré que la réponse du ministre de la défense à sa question orale le 10 octobre dernier témoignait d'une avancée positive, dans la mesure où elle envisageait favorablement l'accès de scientifiques aux archives militaires. Indiquant qu'après avoir déposé une proposition de loi sur le suivi sanitaire des essais nucléaires français, son déplacement en Polynésie et sa rencontre avec des personnes souffrant de pathologies graves l'avaient renforcée dans sa volonté d'agir, elle a reconnu que la tâche était difficile, après quarante ans de silence total sur les conséquences des essais, mais elle a souhaité qu'un véritable dialogue s'établisse désormais avec les populations en vue d'une action constructive. Elle a vu un signe positif dans la réunion prévue le 16 novembre prochain entre le Haut commissaire et les autorités locales sur la réhabilitation de l'atoll de Hao.

a indiqué que sur 16 000 adhérents à l'association d'anciens travailleurs polynésiens Mururoa et Tatou et à l'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN), 35 % souffraient de cancers, principalement des poumons, de la peau et de la thyroïde. Elle a regretté qu'il ait fallu attendre 2004 pour que soit créé un comité de liaison sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires, comité qui exclut cependant la participation des associations. Evoquant les conclusions de la commission d'enquête de l'Assemblée de Polynésie, elle a rappelé que le Haut commissaire avait introduit des recours contre sa constitution. Elle a également signalé que certains aspects des documents présentés par M. Marcel Jurien de la Gravière lors de ses trois séjours en Polynésie étaient contestés par le Comité de suivi des conséquences des essais nucléaires (COSCEN) mis en place par les autorités polynésiennes, comme par les associations. Plus généralement, elle a constaté un évident problème de confiance dans les relations entre le ministère de la défense, l'Etat et les populations polynésiennes. Elle a indiqué que Mme Béatrice Vernaudon, député de Polynésie française, a d'ailleurs soulevé cette question auprès de Mme Michèle Alliot-Marie, considérant que le délégué à la sûreté nucléaire de défense ne pouvait qu'apparaître, sur ce dossier, comme juge et partie. Elle a jugé indispensable de rétablir la confiance et de poursuivre sur la voie de la transparence dont s'est réclamée la ministre de la défense. Elle a enfin souligné que le Parlement avait le devoir de comprendre ce qui s'est produit pour en tirer si nécessaire les conséquences en matière de réparation vis-à-vis des victimes.

a ensuite demandé à M. Marcel Jurien de la Gravière s'il était envisagé de rendre publiques les doses relatives à l'ensemble des tirs, sans se limiter aux seuls 6 tirs évoqués à ce jour dans les rapports publiés. Elle a également souhaité l'accès aux archives médicales radiologiques détenues par le Service de protection radiologique des armées provenant notamment des contrôles réguliers de spectrogammamétrie auxquels étaient soumises les populations locales à bord de La Rance, navire du service mixte de sécurité radiologique des armées. Elle a demandé qu'après accord de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), la liste de tous les personnels civils et militaires qui ont été présents sur les sites d'essais soit communiquée, cette liste étant de nature à permettre des études sanitaires et épidémiologiques fiables. Elle a souhaité savoir s'il était envisageable d'effectuer une étude de contrôle radiologique sur l'atoll de Hao, en particulier sur l'ancienne zone technique du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et du service mixte de sûreté radiologique, les mesures sommaires réalisées par hélicoptère en 1999 et les prélèvements au sol opérés méritant d'être complétés par des prélèvements plus précis. Elle a à ce propos convenu qu'il était regrettable que les propos du maire de Hao n'aient pas été retenus dans la diffusion du récent reportage de France 2. Elle a enfin demandé si le CCSEN serait en charge de la mise en oeuvre du suivi médical des populations, jugeant que cette responsabilité devrait plutôt être confiée à une commission nationale de suivi des essais nucléaires dont la composition serait plus large et tripartite, avec des représentants de l'Etat, du Parlement et des associations.

a remarqué que les réparations n'étaient actuellement accordées par les tribunaux qu'après un long « parcours du combattant » et elle a annoncé que pour remédier à cette situation, elle déposerait très prochainement avec son groupe une proposition de loi visant à établir une présomption de lien de causalité avec les essais nucléaires, sur le modèle de ce qui a été réalisé pour les victimes de l'amiante. Elle a considéré que l'on ne pouvait se limiter aux preuves scientifiques, qui sont nécessairement difficiles à établir compte tenu de l'absence de données médicales fiables, qui n'ont jamais été recueillies du temps des essais, notamment sur les personnels recrutés localement et les populations vivant à proximité des sites, et de la création récente, à la fin des années 1980 seulement, du registre des cancers de Polynésie. Elle a également indiqué qu'une grande partie des personnels militaires ou civils n'avaient pas de contrôle radiologique. Elle a cité l'évaluation réalisée par les associations, selon lesquelles 10 000 personnes subissent des conséquences sanitaires des essais nucléaires. Elle a estimé que les Etats-Unis et le Royaume-Uni avaient adopté des mesures législatives pour reconnaître automatiquement le lien entre certaines maladies définies et les essais.

En conclusion, elle a réitéré sa volonté de contribuer à faire établir la transparence sur ce dossier en vue de permettre la réparation des conséquences des essais. Elle a souligné qu'il en allait des relations futures entre la France et la Polynésie, en rappelant que les Polynésiens, dont elle avait pu constater l'attachement à la France, attendaient beaucoup du gouvernement dans ce domaine.

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