En ce qui concerne la multi-détention du Livret A, il existe un système informatique, le FICOBA, qui permet de suivre les différents comptes, mais il s'agit d'un fichier fiscal. Pour des raisons, que je n'ai jamais vraiment comprises, les services de Bercy ont longtemps été réticents à introduire dans ce fichier les comptes sur livret. Je ne sais pas si des progrès ont été accomplis récemment. Si tel était le cas, toutes les situations de double détention apparaîtraient immédiatement.
La méthodologie des stress tests a été publiée, tout comme pour ceux réalisés aux Etats-Unis. Nous avons également publié les expositions souveraines. La vraie difficulté des stress tests ne réside pas là. Un test n'est ni une photo de la réalité, ni une prévision. Il s'agit de la capacité de résistance d'une institution bancaire lorsqu'elle est soumise à un stress extrême. Nous essayons de faire des hypothèses dures, même s'il arrive qu'elles soient en dessous de la réalité. Par exemple, en juillet dernier, l'hypothèse macroéconomique était celle d'une replongée dans la récession, ce qui ne fut le cas que pour quelques Etats seulement. L'hypothèse était donc juste pour l'Irlande ou la Grèce mais fausse pour la France et l'Allemagne. C'est cela qui rend les choses difficiles. Je me tiens à la disposition de la commission pour vous communiquer la méthodologie des tests.
Historiquement, les tests étaient des outils de supervision utilisés par le régulateur. Nous sommes transparents mais c'est compliqué. La qualité du test tient beaucoup à la qualité de réalisation par les banques et au contrôle qui en est fait par les superviseurs. Lorsque celui-ci bénéficie de plusieurs années d'expérience, il lui a été possible d'apprendre de ses erreurs. Nous avons pu améliorer notre méthode de vérification et de surveillance. Pour ceux qui débutent, il y a forcément une période d'appréhension, d'où la nécessité de se contrôler les uns les autres et de s'échanger les techniques. Nous devons tous progresser pour renforcer la solidité des exercices que nous conduisons.
En ce qui concerne les nouveaux crédits aux PME, je sais bien que le sentiment des PME est souvent à l'opposé de ce que disent les statistiques. Tout simplement, parce que les banques n'accordent pas toutes les demandes de prêts. L'année dernière, la croissance des crédits aux PME s'est élevée à 4,4 % contre 1,6 % pour l'ensemble des entreprises : il s'agit du taux le plus important de la zone euro. Le crédit aux PME n'a donc pas été contraint. De plus, les taux d'intérêt des crédits aux PME en France sont les plus faibles de la zone euro. En moyenne, ils sont 40 à 50 points de base en-deçà de la moyenne allemande. Les dernières enquêtes conduites dans la zone euro, tant du coté des banques que des entreprises, montrent que les conditions sont jugées, d'une façon générale, satisfaisantes. Certes, il s'agit d'une vérité statistique qui ne se retrouve pas nécessairement pour chaque PME prise individuellement.
Sur le logement social, je ne suis pas qualifié pour juger des montants qui seraient nécessaires pour assurer son financement. Néanmoins, le mieux reste l'ennemi du bien. Si les chiffres démontraient que vous avez besoin de centraliser presque la totalité des encours du Livret A et, dans le même temps, d'abaisser drastiquement le taux de commissionnement, le résultat sera certain : vous n'auriez rien ! C'est un problème d'arbitrage. Je ne prétends pas me mettre à la place du législateur ou du Gouvernement pour faire ce choix. L'équilibre est fragile : la maximisation des montants que l'on peut lever ne passe pas nécessairement par un taux de centralisation élevé.
Pour répondre à Mme des Esgaulx, il est vrai qu'une crise de liquidité peut facilement se transformer en une crise de solvabilité. Lors de la présentation que vous avez mentionnée, je voulais souligner que lorsqu'une banque centrale consent à accorder de la liquidité en urgence, c'est parce qu'il y a un problème d'alimentation en liquidité de la banque mais que celle-ci demeure fondamentalement saine, c'est-à-dire que ses crédits ne sont pas compromis et que ses fonds propres sont suffisants. L'intervention de la banque centrale permet alors d'aider à passer un cap en attendant la restauration de la confiance du marché. Si l'on s'aperçoit que la banque est en faillite, il ne nous revient pas de la recapitaliser ou de la nationaliser. Ceci étant dit, en tant que superviseur, notre action nous conduit également à suivre les établissements les plus en difficulté.
S'agissant de la prévision de 0,8 % au premier trimestre 2011, nous avons intégré les dernières données d'enquête postérieures à la publication de l'INSEE mi-décembre 2010, qui montrent une évolution très positive de la production manufacturière. En particulier, la fin de la « prime à la casse » a eu un effet très stimulant sur l'activité. Cet effet n'est pas nécessairement représentatif des trimestres suivants... Si nous avons vu juste, le premier trimestre aidera à avoir une moyenne un peu meilleure que les prévisions des instituts. Il semble bien que le rythme de la croissance tend à s'accélérer mais pas encore suffisamment pour s'approcher du potentiel d'avant la crise.
En ce qui concerne la politique monétaire et les achats de titres. Il y a en réalité deux philosophies. La première est représentée par la Fed et la Banque d'Angleterre et s'appelle le « quantitative easing » - ajustement quantitatif. En Angleterre, l'idée est de lutter contre le risque de rétraction de la masse monétaire, en forçant l'injection de liquidités dans l'économie. Au fond, il s'agit de parer un risque de déflation. Aux Etats-Unis, la même politique cherche surtout à peser sur l'évolution de la courbe des taux et, en particulier, des taux longs. La Fed injecte des liquidités sans les reprendre.
L'Eurosystème a toujours refusé cette idée d'injecter de la liquidité à travers des achats de titres publics. Nous avons toujours préféré, même au plus fort de la crise, injecter de la liquidité dans le système bancaire pour essayer de faciliter l'activité de crédit. Si nous avons changé notre fusil d'épaule c'est en raison de la mauvaise transmission de la politique monétaire : les problèmes de certains Etats se répercutaient sur les banques et in fine sur le coût du crédit. Dans certaines parties de la zone euro, les taux d'intérêt ne reflétaient plus du tout le coût du crédit. En revanche, nous avons considéré qu'il fallait se démarquer très nettement de la politique de quantitative easing.
En tout état de cause, nous n'aimons pas intervenir massivement sur la dette publique. Ce n'est pas notre rôle. Nous devons être sûrs de ne donner que la liquidité exactement nécessaire dans le système. La technique que nous avons mise en oeuvre, qui consiste à faire des reprises de liquidité auprès des banques, nous permet de nous en assurer. Le jour où nous reviendrons à des adjudications traditionnelles de liquidités auprès du système bancaire, il suffira simplement d'ajuster le montant de liquidités en réduisant le portefeuille d'effets publics. Je n'ai pas d'inquiétude techniquement mais il n'est pas toujours aisé de l'expliquer car nos consoeurs banques centrales ont utilisé des outils similaires pour atteindre des objectifs radicalement différents.
S'agissant de la valeur de l'euro, les relations entre les grandes monnaies étaient un problème longtemps débattu dans le cadre du G 7. Dans un système de flottement des changes, le marché fixait les taux mais, en même temps, il y avait une surveillance du G 7 pour être sûr que l'on ne s'orientait pas vers des configurations de change anormales. Aujourd'hui, le G 20 a succédé au G 7, mais il est constitué d'économies beaucoup moins homogènes entre elles. En particulier, les économies émergentes ont des politiques de change très différentes les unes des autres. Certaines ont des politiques très fixes, comme la Chine, d'autres ont, en principe, le même système de flottement mais il leur arrive d'intervenir ou de contrôler les changes lorsqu'elles s'inquiètent d'une appréciation trop rapide de leur monnaie. La situation est un peu instable. Dans le cadre du G 20, le Président de la République veut reposer la question du système monétaire international. Pouvons-nous rebâtir ensemble un système qui soit plus équilibré, plus solide et qui réponde mieux aux besoins de toutes les économies et donc qui permette de maximiser le bien-être mondial ?
Enfin, sur la question des fonds propres, je considère que nous sommes en mesure de faire pression sur les banques. Nous discutons avec elles d'une trajectoire d'augmentation de leurs fonds propres. Par conséquent, leurs politiques de rémunération et de dividende doivent s'y ajuster. En particulier, sur les rémunérations, nous allons faire respecter très étroitement le règlement de décembre 2010 pris en application de la directive CRD 3.
En ce qui concerne la sincérité des comptes publics, nous nous sentons interpellés, en tant que banque centrale, de ne pas avoir vu certaines déviations, surtout en Grèce. La solution qui me paraît bonne est de donner à Eurostat des pouvoirs intrusifs. C'est indispensable et, naturellement, la BCE et l'Eurosystème y apporteront leur concours car, nous aussi, avons besoin d'y voir clair.