Intervention de Serge Lagauche

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 21 novembre 2007 : 1ère réunion
Pjlf pour 2008 — Compte spécial « cinéma audiovisuel et expression radiophonique locale » - examen du rapport pour avis

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche, rapporteur pour avis :

a évoqué les trois points essentiels de son rapport : les évolutions récentes du secteur, les inquiétudes des professionnels et les évolutions d'ordre budgétaire et juridique.

Tout d'abord, il a constaté que le secteur du cinéma était globalement en « bonne santé » économique, avec un niveau de films produits en 2006 identique à celui de 2004, après le record enregistré en 2005. Par ailleurs, la fréquentation des salles a progressé de 7,6 % et la part des films français s'établit à 44,7 %. Elle n'avait pas été aussi élevée depuis 1984. En outre, le rapporteur pour avis s'est réjoui de la bonne tenue des films français à l'étranger en 2006, même si certaines évolutions sont préoccupantes dans ce domaine.

Il a souligné la fragilité du secteur de la vidéo, dont le marché a subi une diminution de 5,2 % en volume et de 7 % en valeur en 2006 et de respectivement 0,4 % et 7 % au cours du premier semestre 2007. La vidéo à la demande (VoD) démarre lentement et le Centre national de la cinématographie (CNC) conduit plusieurs actions en vue d'accompagner ce mouvement, en particulier la mise en place d'un soutien spécifique en 2008.

Puis M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis, a abordé les inquiétudes des professionnels du secteur, notamment sur le problème du piratage des oeuvres. Il a relevé que, depuis l'adoption de la loi « Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) », les technologies et les comportements des internautes avaient continué à évoluer et qu'il était, par conséquent, particulièrement difficile de réglementer un secteur aussi mutant.

Le rapporteur pour avis a relevé, toutefois, que l'évolution des technologies inspirait également un certain optimisme, en raison :

- du développement à la fois des techniques de reconnaissance et de régulation des contenus (filtrage) et de celles liées au marquage et à l'identification des oeuvres ;

- ainsi que du lancement d'offres commerciales annoncées récemment par certains fournisseurs d'accès internet, en partenariat avec des producteurs, des sites Internet et des sociétés d'auteurs.

Il a exposé la stratégie mise en oeuvre aux Etats-Unis, avec une sorte de réponse graduée contractuelle, dans le cadre d'accords individuels entre certains studios et certains fournisseurs d'accès internet (FAI). Il a remarqué que, certes, le droit français était différent, mais qu'il convenait de réfléchir à un dispositif tout aussi efficace.

A cet égard, il a tenu à saluer la décision des ministres de la culture et des finances, de confier à M. Denis Olivennes une mission sur la lutte contre le téléchargement illicite et le développement des offres légales d'oeuvres musicales, audiovisuelles et cinématographiques. Il a exposé les impératifs qu'il devra prendre en compte dans ses prochaines conclusions.

Puis, partageant le point de vue de nombreux professionnels auditionnés, il a souhaité que soit assurée l'implication de l'ensemble des professionnels de l'internet à cette démarche de lutte contre le téléchargement illégal, seule de nature à en garantir à la fois l'efficacité et l'absence d'impact en termes de loyauté de la concurrence entre les fournisseurs d'accès à internet (FAI).

Par ailleurs, il lui a semblé nécessaire que l'ensemble des intervenants techniques, artistiques et financiers du secteur du cinéma adoptent tous les moyens susceptibles d'empêcher le vol ou la fuite des oeuvres et de favoriser leur traçabilité.

Abordant ensuite la question de la pertinence des règles applicables en matière de chronologie des médias, M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis, a constaté que cette question ne faisait, pas plus que l'an dernier, l'objet d'un consensus parmi les professionnels. Il a relevé, par ailleurs, que l'actualité avait montré la nécessité d'améliorer la prise en compte des spécificités du secteur du cinéma pour l'application des règles régissant le droit de la concurrence.

Enfin, estimant que l'institution d'un médiateur du cinéma avait montré toute la pertinence d'une régulation spécifique au secteur (il a célébré ses 25 ans cette année), il a considéré que la complémentarité entre politique culturelle et droit de la concurrence devait être repensée et réaffirmée.

En outre, il s'est félicité du succès des cartes d'abonnement illimité auprès des amateurs de cinéma, de son impact sur la fréquentation, les tarifs ainsi que la diversité des films, sans déstabilisation du parc de salles. Toutefois, il a noté que le récent agrément accordé à une nouvelle carte illimitée suscitait bien des polémiques.

Le rapporteur pour avis s'est demandé s'il s'agissait d'un procès d'intention ou d'un risque véritable de spoliation des ayants droit et il a observé que de nombreux professionnels déploraient, à l'instar de Mme Christine Albanel, le manque de transparence du système.

Ajoutant qu'un autre sujet d'inquiétude des professionnels tenait à la remise en cause, par le Conseil de la concurrence, du code de bonne conduite entre distributeurs et exploitants, mis en oeuvre depuis 1999, il a rappelé que l'économie de la diffusion des films en salles était extrêmement particulière, puisque les distributeurs, et donc également l'ensemble des ayants droit de l'oeuvre, sont rémunérés proportionnellement au prix public des billets. Or ce prix est unilatéralement fixé par les exploitants de salles. La rémunération des différents intervenants du secteur est donc calculée selon un pourcentage de la recette encaissée aux guichets des salles.

Les professionnels ont donc été incités à réguler de façon collective les politiques tarifaires, car une forte baisse des prix a des répercussions immédiates sur l'économie de l'ensemble de la filière cinématographique, de l'exploitation jusqu'à la création. Or, le 10 octobre 2006, le Conseil de la concurrence a invalidé ce code. Il n'existe donc plus aujourd'hui d'outil de régulation collective permettant de contenir d'éventuelles tensions sur les prix. Le rapporteur pour avis a déclaré souhaitable d'éviter tout phénomène de « guerre des prix » dans le secteur du cinéma.

Il s'est ainsi réjoui de ce qu'une mission sur le thème « Cinéma et droit de la concurrence » ait été confiée à Mme Anne Perrot et à M. Jean-Pierre Leclerc, la régulation dans le secteur du cinéma pouvant passer par la mise en oeuvre de normes de droit sectoriel adaptées à ses particularités.

Il a estimé, ensuite, que la fréquentation des salles de cinéma par le public français resterait à l'avenir à un niveau certes élevé, mais subirait l'impact de la multiplication des supports de diffusion et des offres culturelles. Par ailleurs, l'équipement du territoire en salles de cinéma est désormais globalement satisfaisant.

En outre, au cas où le Gouvernement suivrait les préconisations de la commission « Attali » en proposant d'abroger les lois Royer de 1973 et Raffarin de 1996, M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis, a préconisé de défendre fermement le maintien des dispositions régulant les créations et extensions d'établissements cinématographiques.

Enfin, il a relevé que la cohabitation entre salles privées et salles publiques faisait l'objet d'un équilibre tellement fragile qu'il convenait d'y veiller en permanence, la prise en compte des réalités locales étant évidemment incontournable. La mission Perrot-Leclerc devrait permettre de clarifier ce type de situation.

Abordant ensuite le problème de la projection numérique, il a déclaré que la politique en ce domaine se situait entre frilosité et volontarisme. La fiabilité des équipements numériques est désormais avérée et le contexte normatif stabilisé. Toutefois, les exploitants, souvent en situation économique fragile, ne montrent pas tous le même empressement à sauter le pas de la projection numérique. En outre, le modèle économique d'un développement de ces technologies dans les salles de cinéma en France n'a pas encore été trouvé à ce jour, même si les réflexions progressent.

Il a noté que l'accompagnement de ces mutations soulevait des questions de régulation publique et appelait sans doute une adaptation du soutien financier géré par le CNC. Il a souligné la nécessité de déterminer des modes de financement mobilisant, en complément des économies réalisées par les distributeurs, une palette de moyens, tout en garantissant l'indépendance de programmation des exploitants.

Le rapporteur pour avis a insisté sur la vigilance dont devront faire preuve tant les pouvoirs publics que les professionnels, afin que des écarts ne se creusent pas durablement entre des salles « à plusieurs vitesses ». A cette fin, une attention particulière devra sans doute être portée sur les salles d'Art et essai, ainsi que sur les salles jouant un rôle spécifique en matière d'aménagement culturel du territoire.

A cet égard, M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis, a indiqué que les députés avaient adopté un amendement tendant à soutenir ces salles d'Art et essai, en portant le seuil d'exonération de taxe professionnelle dont elles bénéficient, de 5.000 à 7.500 entrées hebdomadaires maximum. Il a soutenu ce dispositif, étant précisé que ces salles devront, par ailleurs, avoir le label « recherche » (ce qui exclut les multiplexes).

Enfin, il a présenté la première section du compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale », qui correspond au programme 711 consacré aux industries cinématographiques, lequel devrait bénéficier d'une hausse de 4,54 %, en 2008, pour s'établir à 280,8 millions d'euros. Ces crédits proviennent de trois sources :

- la taxe spéciale incluse dans le billet de cinéma, en baisse de 0,9 % pour 2008 ;

- 36 % du produit des taxes et prélèvement sur les éditeurs et les distributeurs de services de télévision, qui augmenteront de 7,95 %. En effet, la modernisation de la taxe, en 2008, permettra de faire également contribuer au financement de la création des fournisseurs d'accès à internet (FAI) ou des opérateurs de téléphonie mobile dès lors qu'ils proposent des chaînes de télévision à leurs abonnés ;

- 80 % de la taxe sur les encaissements réalisés au titre des ventes de vidéo (en baisse de 10 %).

Le rapporteur pour avis a renvoyé à son rapport écrit pour le détail des aides à la production et à la distribution, rappelant que venait s'y ajouter une politique fiscale très incitative, au travers des sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (SOFICA) et du crédit d'impôt.

Il s'est interrogé sur l'idée d'une taxation des recettes de publicité de la vidéo à la demande, qui lui semblait pertinente et respectueuse du principe de la neutralité technologique. Il a pensé toutefois qu'il serait opportun d'attendre l'an prochain compte tenu des réflexions en cours à la fois sur la réforme globale du dispositif de soutien du CNC et des règles régissant la publicité télévisée.

Il a indiqué que le Parlement serait prochainement saisi d'une réforme tendant à moderniser tant la gestion que la gouvernance du CNC. Le rapporteur a renvoyé à son rapport écrit qui présente le bilan du soutien croissant apporté au secteur du cinéma par les régions (il représente désormais 1,5 % du financement des films de long métrage).

Enfin, le rapporteur pour avis a souligné la nécessité de profiter de la présidence française de l'Union pour pérenniser les dispositifs de soutien public au cinéma mis en oeuvre par les Etats membres.

En conclusion, M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis, a proposé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 711 consacré aux industries cinématographiques du compte spécial « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » pour 2008.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

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