a répondu en apportant les précisions suivantes :
- concernant le découpage de la SNCF en centres de gestion, il a rappelé que l'entreprise était déjà composée de cinq branches d'activités distinctes présentant chacune une comptabilité identifiée, et ce en application de la loi de 1997 sur la séparation des activités assurées par la SNCF, de gestionnaire d'infrastructure délégué d'une part, et d'entreprise ferroviaire d'autre part. Les gares sont en train de faire l'objet d'une mise en place d'une comptabilité séparée ;
- s'agissant des activités de type train corail ou des lignes dites d'aménagement du territoire, leur situation financière particulière a déjà été pointée, notamment en 2005 lorsque le président de la SNCF a mis en exergue l'existence d'un déficit important sur ces lignes : 100 millions d'euros à l'époque, ramenés à environ 80 millions d'euros aujourd'hui. L'équilibre économique de ces services est une question éminemment politique puisque, en situation de concurrence, il existe un débat sur le point de savoir si c'est à la SNCF de financer ces activités déficitaires en procédant à des péréquations internes ou s'il ne serait pas du rôle de l'Etat d'intervenir financièrement au titre de ses obligations de service public et de l'aménagement du territoire. Il serait envisageable que la CRAF intervienne pour exiger une plus grande transparence du financement de ces lignes, en incitant par exemple l'Etat à rembourser à la SNCF les péages qu'elle verse pour l'exploitation de ces services à l'instar de ce qu'il fait déjà en compensant aux régions l'essentiel des péages payés par les TER. Le déficit financier le plus important pour ce type de lignes n'est pas constaté sur des liaisons transversales comme Bordeaux-Lyon, mais sur les trains desservant Paris, dans la mesure où ils arrivent dans la capitale aux heures où les péages sont les plus chers, sachant que de surcroît, en Ile-de-France, l'utilisation de l'infrastructure ferroviaire n'est pas payée au coût marginal mais selon la règle du coût complet ;
- l'application concrète du troisième paquet ferroviaire autorise le cabotage intérieur à titre accessoire, disposition qui sera sans doute concrètement très délicate à vérifier par la CRAF ; comment apprécier le caractère effectivement accessoire de telle ou telle montée ou descente de voyageurs dans les gares françaises, tout au long d'un trajet international ? ;
- le règlement sur les obligations de service public (OSP) n'impose pas l'ouverture à la concurrence du trafic régional. Toutefois, un certain nombre d'autorités organisatrices pourraient envisager de s'appuyer sur ce texte pour obtenir le droit de lancer des appels d'offres, quitte à aboutir à un contentieux devant la Cour de justice des communautés européennes. Au cas où cette mise en concurrence deviendrait un jour effective, il faut s'inspirer de l'exemple allemand pour répondre à la question du devenir des personnels de l'opérateur historique lors de la perte d'un marché par celui-ci. La Deutsche Bahn a décidé de ne transférer à ses concurrents ni son personnel, ni son matériel, et cette attitude a pu s'avérer contre-productive puisqu'elle a incité les entreprises privées à se substituer entièrement à l'opérateur historique en acquérant du matériel neuf et en repensant l'ensemble du mode d'exploitation du service, marginalisant encore un peu plus ce dernier. Le refus catégorique de la Deutsche Bahn ne constituera donc pas une réponse optimale et l'acceptation d'un transfert de personnels pourrait être un moindre mal.
- le dialogue est aujourd'hui bloqué en matière d'harmonisation sociale européenne entre, d'une part, la fédération européenne des travailleurs du transport (ETF), représentant la quasi-totalité de syndicats de personnel du ferroviaire, et, d'autre part, la confédération européenne des entreprises (CER), fédérant les organisations patronales. Le seul point concret ayant abouti est celui du certificat de conduite transfrontalier qui devrait effectivement être mis en place prochainement. Ce document est toutefois plus proche d'un permis de conduire de pilote de ligne que d'un permis routier puisqu'il n'est pas entièrement personnel et qu'une partie de sa validité dépend du rattachement à l'entreprise qui emploie le conducteur ;
- s'agissant des conditions de la concurrence, les nouveaux entrants ne sont pas dans la même situation que la SNCF puisqu'ils ne se positionnent, par définition, que sur des activités rentables, au détriment des autres, limitant ainsi au maximum les charges fixes liées au fonctionnement d'ensemble du système que la SNCF supporte aujourd'hui. Il est à craindre que la désintégration de l'organisation dans laquelle la SNCF joue l'ensemble des rôles ne se traduise par l'oubli pur et simple de certaines missions, ou au minimum par leur dégradation. Ainsi la SNCF consacre environ 7 % de son chiffre d'affaires à la formation professionnelle des agents, ce qui est très au-dessus des normes habituelles, quels que soient les secteurs considérés ;
- on peut se demander si les nouveaux opérateurs seront en mesure de construire un modèle préservant l'attractivité des métiers du ferroviaire, comme la SNCF a su le faire au travers du statut. A l'inverse, on peut craindre de voir transposer dans le domaine ferroviaire ce qui existe déjà dans le domaine routier, à savoir l'emploi de personnels d'Europe centrale avec des salaires moins élevés pour effectuer des missions de plusieurs jours qui, sous couvert d'aller-retour international, comprennent plusieurs jours de cabotage dans des pays comme la France. Un tel nivellement social par le bas présente des risques évidents en matière de sécurité ;
- concernant la situation de la SNCF en tant que gestionnaire d'infrastructure délégué, le système issu de 1997 a été fragilisé par la désintégration des fonctions de gestion de réseau et les difficultés qui en découlent n'affectent pas seulement les nouveaux entrants mais aussi la SNCF en tant qu'entreprise ferroviaire demandeuse de sillons.
A M. Francis Grignon, rapporteur, qui s'interrogeait sur les difficultés à être employé par RFF pour des agents relevant initialement de la SNCF, M. Eric Tourneboeuf a répondu que ce type de transfert avait déjà été réalisé puisque la moitié des 200 agents présents lors de la création de RFF étaient des employés de la SNCF sous statut. La mise en oeuvre de ces transferts pose néanmoins un problème précis : tout en conservant le statut de cheminots, les agents ainsi transférés ne bénéficient pas d'une continuité de leurs droits en termes de retraite et de protection sociale, dans la mesure où il n'existe pas de caisse générale pour l'ensemble des employés du secteur ferroviaire, à l'instar de ce qui prévaut pour le statut des industries électriques et gazières. Il peut en découler une pénalisation des agents qui ont ainsi cotisé à plusieurs régimes différents. A ce titre, on peut s'étonner de la politique du Gouvernement en matière de régime spécial qui consiste à diminuer pour l'avenir le nombre de cotisants au régime des cheminots, alors qu'il aurait plutôt fallu trouver une formule permettant d'étendre ce régime à l'ensemble des travailleurs du secteur ferroviaire dont le nombre est appelé à croître dans les années qui viennent.