Intervention de Olivier Lecointe

Mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver — Réunion du 9 mai 2007 : 1ère réunion
Audition de M. Olivier Lecointe directeur electricité de gaz de france gdf

Olivier Lecointe, directeur Electricité de GDF :

Après avoir rappelé que GDF est un nouvel acteur sur le marché de l'électricité, M. Olivier Lecointe, directeur Electricité de GDF, a expliqué que l'entreprise a des ambitions élevées dans ce secteur, aux niveaux tant national qu'européen, afin de répondre à la demande des consommateurs qui souhaitent bénéficier d'offres duales associant gaz et électricité. Il a noté que l'entreprise trouverait un intérêt économique évident à renforcer ses positions dans la production électrique en raison de la part importante prise par les cycles combinés à gaz (CCG) dans le bouquet énergétique. Ces installations se multiplient depuis 15 ans, puisqu'elles présentent à la fois de faibles coûts d'investissements, une durée réduite de construction, une rentabilité élevée, des impacts environnementaux limités, notamment en matière d'émissions de dioxyde de carbone (CO2), et une grande souplesse d'utilisation. Avec cette filière, GDF dispose d'une opportunité pour valoriser le gaz naturel dont elle dispose, d'autant plus que le combustible représente les deux tiers du coût de fonctionnement de ces centrales thermiques. Leur développement est de nature à répondre aux besoins français en électricité, identifiés à moyen terme par le Réseau de Transport d'Electricité (RTE) et dans la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) de production électrique ; plus largement, il permettra de renforcer les capacités de production en Europe.

Précisant les enjeux commerciaux de GDF liés à l'ouverture des marchés, M. Olivier Lecointe a souligné la nécessité, par la fourniture électrique en France, de fidéliser ses 7,7 millions de clients particuliers chauffés au gaz naturel et d'accroître la valeur de ses offres aux clients industriels, et en Europe, de renforcer ses parts de marché, un objectif de 360.000 clients en électricité, pour des ventes totales de 35 térawattheures (TWh), ayant été fixé pour la fin de l'année 2007. Cette stratégie suppose de développer un portefeuille d'approvisionnement électrique équilibré, constitué au premier rang d'actifs de production détenus en propre par l'entreprise afin de produire 50 à 60 % de ses besoins. Ainsi, GDF a construit à Dunkerque un CCG, l'usine DK6, qui utilise tant le gaz naturel que le gaz de haut fourneau de l'usine Arcelor-Mittal mitoyenne, et projette de réaliser deux autres CCG à Fos-sur-Mer et à Montoir-de-Bretagne. Par ailleurs, le groupe s'approvisionne auprès d'EDF au moyen de contrats à long terme pour satisfaire entre 20 et 30 % de ses besoins et, pour le solde, par l'intermédiaire du marché, même s'il convient de limiter le recours à celui-ci en raison de sa volatilité. Au total, GDF a pour objectif de disposer de 5.000 mégawatts (MW) d'actifs de production, avec une moitié située en France, dont 10 % provenant d'énergies renouvelables (ENR).

Présentant ensuite les activités électriques de GDF en France, qui lui permettent de vendre environ 2,3 TWh à ses clients finaux, M. Olivier Lecointe a indiqué que l'usine DK6 présentait une puissance de près de 800 MW, dont 250 sont réservés à l'usine d'Arcelor-Mittal, qu'une ferme éolienne située dans l'est de la France, développée en partenariat avec l'entreprise Maïa Sonnier, avait une puissance de 48 MW, et que l'optimisation des actifs des clients industriels de l'entreprise, à l'image des usines de cogénération ne bénéficiant plus de l'obligation d'achat, lui permettait de disposer d'une puissance de 150 MW environ.

Au Royaume-Uni, GDF exploite, par l'intermédiaire d'une filiale détenue à 100 % (GDF ESS), un CCG d'une puissance de 205 MW situé à Shotton, et vend près de 10 TWh par an, ce qui fait de ce pays son premier marché électrique. En Belgique, l'entreprise détient 25,5 % de la société SPE, le deuxième électricien belge, qui dispose d'un parc de production d'origine nucléaire, hydraulique et gazière d'une puissance totale de 1.600 MW. En Espagne, en partenariat avec l'électricien américain AES, elle a installé à Carthagène un CCG d'une puissance de 1.200 MW. Enfin, en Italie, GDF développe ses parts de marché dans la vente de gaz et d'électricité par l'intermédiaire d'une filiale (Energi Investimenti) ayant déjà 800.000 clients, et dans la production d'électricité au travers d'une autre filiale (Cofathec Servizi), qui exploite un parc de 80 MW provenant de la biomasse et de la cogénération.

a ensuite présenté les projets d'investissements de l'entreprise dans la production d'électricité en France. Le plus abouti est un CCG de 480 MW situé à Fos-sur-Mer, dont la mise en service est projetée pour 2008 et qui, à l'instar de DK6, valorisera les gaz sidérurgiques d'une usine d'Areclor-Mittal et fonctionnera par ailleurs au gaz naturel. En outre, ayant remporté l'appel d'offre lancé par RTE pour l'approvisionnement électrique de la région Bretagne, GDF construit à St Brieuc une centrale de pointe d'une puissance de 200 MW qui devrait être mise en service à l'horizon 2010-2011. Une partie de l'électricité produite par celle-ci devra être mise à disposition de RTE pour sécuriser l'alimentation électrique de la Bretagne, mais le solde sera à la disposition de GDF pour l'approvisionnement de ses clients. Par ailleurs, l'entreprise envisage de construire à Montoir-de-Bretagne un CCG d'une puissance de 420 MW, qui pourrait être mis en service en 2009 (mais ce projet n'a pas encore été formellement décidé). Enfin, ne fondant pas exclusivement le développement de son parc de production électrique sur le gaz, GDF étudie avec attention l'option « charbon propre » et a également des projets dans le domaine des énergies renouvelables : ainsi, Maïa Eolis, sa filiale éolienne, projette de mettre en service 500 MW de puissance éolienne d'ici à 2012 en France, et autant dans d'autres pays européens. En outre, suite à un appel d'offre du ministère délégué à l'industrie, mis en oeuvre par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), des projets de valorisation de la biomasse, en particulier de la paille et du bois, devraient prochainement voir le jour.

Exposant ensuite la vision de la sécurité d'approvisionnement d'un nouvel entrant sur le marché de l'électricité qu'est GDF, M. Olivier Lecointe a estimé que cette notion devait être analysée selon les différents horizons de temps : à court terme, elle implique d'exploiter le système électrique dans des conditions de sécurité optimales et de favoriser la coordination entre les gestionnaires de réseau de transport (GRT) de l'Union européenne ; à long terme, elle soulève la question plus délicate des investissements à réaliser dans les moyens de production et dans les réseaux ; à très long terme, elle concerne les activités de recherche pour développer le nucléaire du futur, les techniques de captage et de séquestration du CO2 ainsi que les énergies renouvelables d'avenir.

Il a relevé la solidarité entre les pays européens, qui mettent en commun, grâce aux interconnexions développées depuis les années 1950, la réserve primaire, permet d'obtenir un bon niveau de sécurité du réseau interconnecté et d'optimiser la gestion des différents parcs de production, cette organisation assurant une excellente qualité de service aux consommateurs finaux, qui ont été peu affectés par des événements accidentels, à l'exception des deux pannes électriques de 2003 et de 2006. Toutefois, deux évolutions importantes ont eu lieu depuis la création de ce système : l'intensification des échanges d'électricité à des fins commerciales, qui rend plus complexe la gestion du réseau, et le développement des productions décentralisées, notamment d'origine renouvelable, qui suppose de renforcer les exigences techniques pour éviter certaines perturbations du réseau en cas de variation de la fréquence.

Evoquant ensuite les questions liées à la coopération entre les GRT, M. Olivier Lecointe a noté que si celle-ci se réalisait au sein de l'Union pour la coordination du transport d'électricité (UCTE), elle n'était toutefois pas suffisante actuellement, ce qui rend nécessaire, a-t-il jugé, de créer une autorité supranationale ayant la capacité de gérer les réseaux à l'échelle européenne, c'est-à-dire notamment de faire respecter les règles de sécurité ainsi que les principes d'accès aux interconnexions.

Puis il a observé que le développement des capacités de production est désormais soumis au triple objectif de la politique énergétique européenne : sécurité d'approvisionnement, compétitivité de l'économie et protection de l'environnement. Dans ces conditions, la question n'est pas de choisir entre tel ou tel outil de production électrique, mais de les associer dans la recherche du meilleur bouquet énergétique possible, qui permette de respecter ces trois impératifs. A cet égard, estimant qu'il appartient aux pouvoirs publics, d'orienter les décisions d'investissements au regard des avantages et des inconvénients de chaque filière, M. Olivier Lecointe a jugé très positive la PPI, cette spécificité française donnant aux opérateurs une visibilité essentielle à leurs activités.

En conclusion, il a souhaité que les acteurs du marché de l'électricité puissent à la fois disposer d'un cadre réglementaire stable dans la durée, en particulier en ce qui concerne les obligations liées aux émissions de CO2. Ils doivent également, dans un contexte clair de formation des prix, estimant à cet égard indispensable que les tarifs couvrent le renouvellement des équipements et que les capacités de pointe soient correctement rémunérées, cette seconde nécessité étant du reste un élément déterminant pour assurer la sécurité du système. Puis, rappelant que la flexibilité du parc de production est stratégique pour être en mesure, à tout instant, d'ajuster l'offre à la demande d'électricité, il a jugé indispensable de développer des capacités de stockage et de substitution pour pourvoir aux défaillances de certaines énergies renouvelables dont la production ne peut être garantie, comme l'énergie éolienne. Enfin, il a estimé nécessaire de développer les réseaux de transport et les interconnexions transfrontalières pour améliorer l'approvisionnement de certaines régions, et d'adapter les réseaux aux nouvelles sources de production décentralisées.

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