Aux termes de la loi de 2004, toute recherche sur les cellules souches doit avoir une finalité thérapeutique. Cette disposition a suscité des inquiétudes. La commission ad hoc mise en place au sein du ministère, puis le conseil d'orientation de l'agence de la biomédecine, l'ont interprétée comme signifiant que toute recherche doit avoir pour but l'amélioration du soin apporté à une maladie grave. Mais le soin n'est pas seulement l'étape ultime où l'on administre à un patient un médicament ou une technique. On peut donc considérer que la loi autorise toutes recherches contribuant au soin, y compris, pour les maladies dont on ignore la cause ou le processus, celles qui permettent d'éclairer ceux-ci : c'est grâce à Alexander Fleming que l'on a réussi à soigner la tuberculose, même s'il n'a pas inventé lui-même les antibiotiques ! Les premiers projets soumis répondaient à cette exigence, sauf deux d'entre eux, dont l'un avait une finalité plus cosmétique que thérapeutique, et qui fut rejeté à deux reprises. Pour savoir ce qu'était une « finalité thérapeutique », nous n'avons pas consulté le Bailly, mais les comptes rendus des débats parlementaires : il apparaissait que le législateur avait voulu autoriser des protocoles semblables à ceux qui se déroulaient déjà dans d'autres pays.
Vous m'avez interrogée sur les cellules reprogrammées, celles que l'on fait « régresser ». Au cours de l'embryogénèse, c'est-à-dire du passage de cette cellule unique qu'est le zygote à cet agrégat qu'est l'embryon, il arrive un moment où les cellules se spécialisent, d'abord dans les trois feuillets embryonnaires, puis de manière plus poussée. Or, vers 2006, le professeur Yamanaka est parvenu à inverser le processus, c'est-à-dire à faire régresser une cellule adulte spécialisée - de peau, de graisse... - jusqu'à l'état d'une cellule embryonnaire. Les cellules ainsi produites sont dites « pluripotentes induites » ou iPS (induced pluripotent stem cells). On sait les redifférencier, et l'espoir initial était que l'on puisse les reprogrammer dans le type cellulaire dont on avait besoin, par exemple pour réparer un tissu abîmé. Mais on s'est aperçu que ces cellules différaient notablement des cellules embryonnaires : car ce sont des cellules adultes dont on a bouleversé l'organisation grâce à des virus ou oncogènes.
De nombreuses équipes travaillent sur ces cellules ; en France, on s'y intéresse notamment en vue de faciliter la transfusion sanguine. Il y a vingt ans, à la suite des affaires de contamination par transfusion, on annonçait la production d'un sang artificiel, mais il n'en existe toujours pas ! On veut aujourd'hui fabriquer des cellules sanguines à partir de cellules pluripotentes induites : c'est le programme du professeur Luc Douay. On espère aussi en tirer des applications dans les thérapies régénératives. Mais ces cellules ne fournissent pas des modèles exacts, puisqu'elles diffèrent des cellules embryonnaires. Il faut donc apprendre à s'en servir.
Quoi qu'il en soit, il faut distinguer les programmes de recherche qui portent sur les cellules souches de ceux qui portent sur les embryons. On cherche par exemple à savoir pourquoi, alors que ni le père ni la mère ne présentent d'anomalies chromosomiques, l'embryon en développe. On s'efforce aussi de comprendre pourquoi et comment l'un des deux chromosomes X est inactif chez la fille, car cela permettrait peut-être d'inactiver des chromosomes en surnombre pour soigner certaines pathologies. Pour ces chercheurs, il n'y aurait aucun sens à travailler sur une cellule isolée, qu'elle soit reprogrammée ou pas.
Pour savoir combien d'équipes travaillent sur les cellules souches embryonnaires ou reprogrammées et sur l'embryon, vous pouvez vous reporter à l'excellent rapport de votre office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), qui présente le compte rendu de la journée de travail qu'il avait organisée en janvier 2010 avec l'agence de la biomédecine, les équipes de recherche et les institutions, regroupées au sein de l'Avisan. Je m'y réfère moi-même car c'est une information dont je ne disposais pas : l'agence n'a affaire qu'aux équipes qui travaillent sur l'embryon humain ou les cellules souches humaines, non à celles qui ne travaillent que sur les cellules iPS ; mais nous savons que ces dernières sont de plus en plus nombreuses car il est assez facile de se procurer des ampoules avec des lignes cellulaires, et plus simple de maintenir en vie ces cellules que des cellules souches embryonnaires.
Vous savez que les recherches sur les cellules souches embryonnaires sont soumises à trois autorisations, pour le programme de recherche, l'importation et la conservation des cellules. De nombreuses équipes travaillent sur les « lignes Harvard » issues d'un même embryon en 1998-1999, ce qui leur permet de comparer utilement leurs résultats.
Ce qui différencie la vitrification des autres techniques de conservation des gamètes, c'est la température et la rapidité de descente en température. Si on congèle un ovocyte trop vite, des cristaux d'eau se forment à l'intérieur : c'est pourquoi on a mis au point des procédés de congélation très lents. La vitrification consiste, elle, à descendre très vite à une température très basse ; pour éviter la formation de cristaux, on enveloppe les cellules dans un milieu gras. C'est une technique ancienne, que l'on a autrefois utilisée pour la greffe, et qui est aujourd'hui employée surtout pour les gamètes féminins, notamment au Japon et en Italie ; ses résultats, sans être exceptionnels, peuvent être très bons. En France, les jeunes femmes dont la maladie risque de provoquer la stérilité se voient seulement proposer une congélation lente, qui occasionne beaucoup de perte. Une autre procédure est également utilisée dans certains cas - par exemple en cas de cancer hormonodépendant -, celle du prélèvement d'un fragment d'ovaire qui est ensuite greffé sur la patiente : une grossesse suivie d'une naissance a ainsi été obtenue à Besançon par autogreffe.