a débuté sa présentation par une description de l'incident du samedi 4 novembre 2006, qui a privé d'électricité près de 15 millions de ménages européens, dont 5,6 millions de Français, entre 22 h 10 et 23 h 00. Il a indiqué qu'au cours de cette journée l'un des gestionnaires du réseau de transport d'électricité allemand, E.ON Netz, avait prévu de mettre provisoirement hors tension une ligne surplombant la rivière Ems afin d'assurer le passage en toute sécurité d'un paquebot vers la mer du Nord. Toutefois, l'interruption de la ligne a eu lieu à 21 h 38, c'est-à-dire un peu plus tôt que ce qui était initialement prévu.
Il a souligné qu'en de telles circonstances l'électricité emprunte mécaniquement d'autres lignes du réseau de transport et qu'à la suite de cette mise hors service des erreurs d'appréciation, commises par le gestionnaire allemand, avaient contribué à créer des surcharges de tension sur deux autres lignes de transport du réseau allemand. Il a ajouté que les surtensions subies par ces lignes avaient provoqué leur mise hors service automatique, enclenchant alors un « effet dominos » sur le reste du réseau de transport. De ce fait, une grande partie du réseau européen de transport d'électricité s'est effondré, conduisant à sa division en trois zones indépendantes :
- une zone ouest allant de la partie ouest de la Croatie au Portugal et comprenant la France, au sein de laquelle le volume de production s'est trouvé insuffisant pour satisfaire la consommation ;
- une zone nord-est se caractérisant par une situation de surproduction ;
- une zone sud-est en situation de légère sous-production.
a alors précisé que dans la zone ouest, où se situait la France, ce déséquilibre entre l'offre et la demande avait entraîné une chute de la fréquence à 49 hertz, alors qu'elle s'établit habituellement à 50 hertz. Il a poursuivi en faisant remarquer qu'une telle chute de la fréquence avait deux effets principaux :
- d'une part, les postes sources du réseau de distribution sont programmés pour couper automatiquement une partie de la consommation afin de rétablir la fréquence à son niveau de 50 hertz. Quand la fréquence passe sous ce seuil, des délestages automatiques s'enclenchent dans tous les départements continentaux ;
- d'autre part, les moyens de production d'électricité sont conçus pour fonctionner à la fréquence de 50 hertz. Quand celle-ci revient en dessous de certaines valeurs, qui diffèrent selon la source de production d'électricité, les centrales se déconnectent du réseau pour préserver leur intégrité. En France, ce phénomène a conduit à aggraver le déséquilibre entre l'offre et la demande, puisque près de 2.000 mégawatts (MW) de cogénération ont été perdus. Les éoliennes se sont également déconnectées du réseau, ce phénomène occasionnant des pertes limitées en France mais plus substantielles en Espagne et dans la zone ouest de l'Allemagne, avec respectivement 2.800 MW et 700 MW de pertes d'électricité d'origine éolienne.
A ce sujet, le rapporteur a fait valoir que, compte tenu des pertes d'électricité éolienne en Espagne, les mécanismes de solidarité franco-espagnols avaient permis d'éviter un « black-out » dans ce pays. Il a également souligné que 7.000 MW d'électricité éolienne avaient été perdus dans la zone est de l'Allemagne, mais que l'effet de ces déconnexions avait été positif, puisque ces pertes avaient eu lieu dans une zone en situation de surproduction.
a ensuite expliqué qu'une fois les délestages mis en oeuvre, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, RTE, avait immédiatement fait appel aux producteurs pour qu'ils accroissent leur volume de production afin de réalimenter les consommateurs le plus rapidement possible. En France, EDF a alors démarré plusieurs usines hydroélectriques, qui présentent la caractéristique principale de pouvoir être mobilisées rapidement, injectant sur le réseau environ 3.900 MW d'électricité.
Grâce à ce surcroît de puissance, RTE a pu demander, à 22 h 30, aux gestionnaires de réseaux de distribution de reconnecter la moitié des consommateurs interrompus. A 22 h 40, RTE demandait la réalimentation de l'ensemble des consommateurs français, notamment grâce à la mobilisation de 1.000 MW supplémentaires provenant de la chaîne de barrages hydrauliques de la Durance et à 23 h 00 tous les consommateurs français étaient réalimentés.
Il a ensuite noté que plusieurs enseignements pouvaient être tirés de cet incident. Rappelant que les volumes d'électricité échangés juste avant l'incident étaient importants, la France exportant plus de 5.000 MW vers des pays européens, il a souligné que la demande formulée par la proposition de résolution mettait en lumière, à juste titre, le problème des capacités de production en Europe. Il a notamment rappelé que la France se situait régulièrement à la limite de l'équilibre entre l'offre et la demande lors des périodes de forte consommation et se voyait contrainte d'importer massivement de l'électricité en cas de froid ou de chaleur intense.
Puis le rapporteur a indiqué que l'incident était également lié à un problème de coordination entre les gestionnaires du réseau de transport allemand, soulignant que, contrairement à la France, qui est dotée d'un opérateur unique, le réseau de transport allemand était géré par quatre opérateurs différents. Il a enfin fait valoir que les interconnexions entre pays européens étaient insuffisantes au regard des volumes d'électricité échangés.
Abordant l'opportunité de créer une commission d'enquête sur cette panne, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a précisé que l'association européenne des transporteurs d'électricité et l'association des régulateurs énergétiques européens avaient lancé, chacune de leur côté, une enquête sur ces faits et que leurs conclusions seraient connues, au plus tard, au mois de février 2007.
Il a ensuite relevé qu'il n'y avait pas matière à enquêter en France sur cette panne, dans la mesure où cette situation avait été gérée de manière très satisfaisante par les acteurs nationaux du système électrique. Notant que cet incident trouvait ses origines en Allemagne, il a estimé qu'il n'appartenait pas à une commission d'enquête du Sénat français d'aller investiguer à l'étranger ou de faire venir des responsables allemands en France pour qu'ils répondent de leurs actes.
Enfin, il a considéré que la création d'une commission d'enquête, de par son caractère symbolique et solennel, devait être réservée aux sujets les plus sensibles, se référant notamment à l'exemple de la commission d'enquête sur les dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau.
Il a toutefois fait valoir que l'un des sujets évoqués par la proposition de résolution, à savoir la sécurité des approvisionnements électriques, apparaissait, quant à lui, justifier d'investigations complémentaires. Il a, en conséquence, défendu l'idée qu'il pourrait être opportun que le Sénat constitue une mission d'information sur cette thématique. Cette mission pourrait notamment, après avoir évalué les besoins actuels et futurs dans le domaine de l'électricité en France et en Europe, analyser les moyens nécessaires pour y répondre en termes d'investissements et de réseaux de transport.
En conclusion, M. Ladislas Poniatowski, rapporteur, a appelé la commission à rejeter la demande de commission d'enquête et à adopter le principe de la création d'une mission d'information sur la sécurité d'approvisionnement en électricité, précisant qu'au vu des conversations qu'il avait eues à ce sujet avec le président Jean-Paul Emorine, d'autres commissions pourraient participer à une telle réflexion si elles le jugeaient opportun.