Intervention de Stéphane Lardy

Mission commune d'information relative à Pôle emploi — Réunion du 5 avril 2011 : 1ère réunion
Table ronde — Organisations syndicales et patronales siégeant au conseil d'administration de pôle emploi

Stéphane Lardy, secrétaire confédéral de FO :

Je partage en grande partie les remarques de M. Laurent Berger, bien que notre syndicat se soit opposé à la fusion. Nous considérions en effet que confier à un même opérateur l'accompagnement et l'indemnisation risquait de mettre à mal le rôle des conseillers et de faire peser une pression parfois insupportable sur les demandeurs d'emploi. La fusion a cependant eu lieu. Elle s'est avérée éminemment technocratique, reposant sur l'idée erronée que les agents de l'Assedic pourraient facilement se reconvertir dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Or, le métier de liquidateur se révèle complexe et nécessite une formation d'au moins six mois. Cette fusion s'est opérée dans un contexte de montée du chômage particulièrement forte, jamais vue dans les statistiques publiques, avec un choc de cultures entre les salariés des Assedic et ceux de l'ANPE.

Nous constatons aujourd'hui une perte de sens, notamment pour les anciens salariés des Assedic qui se considèrent comme appauvris par la fusion. Cette situation nous interpelle fortement depuis plusieurs mois. Ces salariés se sentent désoeuvrés, la fusion s'étant faite, selon eux, en créant une ANPE à la « puissance 10 ».

La question des moyens de Pôle emploi mérite d'être posée. Dans d'autres pays européens, les opérateurs publics comptent bien plus d'agents. Ils sont ainsi 75 000 au Royaume-Uni. La question de la formation à d'autres métiers se pose également. Il avait été envisagé, lors de la fusion, de créer un conseiller unique, qui assumerait seul toutes les tâches. Or l'accompagnement et l'indemnisation sont deux métiers bien différents. L'objectif devrait être plutôt de faciliter la formation d'un salarié qui souhaite passer de l'accompagnement à la liquidation, et inversement. La direction a renoncé, difficilement, à l'objectif du conseiller unique en recréant un système par filière. Mais la question de la formation et de l'accès à d'autres métiers n'est pas encore réglée. Nous avons ainsi rencontré très récemment des cas de salariés affectés à des tâches de liquidation après trois jours de formation seulement.

S'agissant de la gouvernance, tant au sein du conseil d'administration que de la direction générale, nous avons constaté que persiste une ambiguïté entre statut public et statut privé. Il faudra, à un moment donné, que vous puissiez émettre des recommandations pour que les agents de Pôle emploi aient une vision plus claire de leur statut. L'instabilité juridique crée de l'instabilité sociale et se révèle anxiogène pour les agents. Chaque fois qu'un comité d'entreprise demande à être consulté, on ne peut lui rétorquer que la direction agit en vertu de ses prérogatives de puissance publique... Pour les agents, le statut public ou privé de l'établissement importe peu mais ils souhaitent qu'une réponse leur soit apportée lorsqu'ils ont une question concernant leurs droits en matière sociale. Or tel n'est pas le cas actuellement et beaucoup d'ambiguïtés demeurent.

Quant à la gouvernance, je rappelle que 63 % du budget de Pôle emploi provient des cotisations des salariés et des employeurs. Or les partenaires sociaux ne décident de rien au sein du conseil d'administration. Nous n'avons pas vocation à y faire de la figuration mais telle est parfois notre impression. Je citerai quelques exemples : nous avons été informés par la presse du sondage diligenté par l'ancien secrétaire d'Etat à l'emploi, M. Laurent Wauquiez. Il en est de même de la mission de l'inspection générale des finances (IGF) mise en place à la demande de Mme Christine Lagarde sur les effectifs des services publics de l'emploi en Europe. Quant au budget 2011, se pose la question du respect de la parole publique : lorsqu'un ministre, quel qu'il soit, indique que le transfert des personnels de l'Afpa sera compensé par l'Etat et que cela n'est pas le cas, la confiance que nous accordons à l'Etat peut se briser, ce qui se révèle, pour FO, particulièrement grave.

De nouvelles méthodes nous permettraient, en matière budgétaire, de travailler dans une plus grande transparence. Un certain nombre de décisions s'imposent à nous de par la loi de finances mais nous considérons que la discussion du budget de Pôle emploi devrait intervenir beaucoup plus tôt dans l'année. Le projet de loi de finances est adopté la dernière semaine de septembre par le Conseil des ministres. Nous considérons qu'il faut anticiper le débat sur le budget pour que nous disposions plus tôt d'une vision claire des intentions de l'Etat concernant la subvention de fonctionnement de Pôle emploi. Cette anticipation apaiserait les crispations qui ont pu émerger au sein du conseil d'administration. Le conseil d'administration doit devenir un lieu de réflexion stratégique sur Pôle emploi, notamment sur l'offre de services.

Le comité d'évaluation, prévu par la loi et dont j'ai pris la présidence en mai 2010, travaille notamment sur cette question de l'offre de services et sur les relations avec les autres opérateurs du service public de l'emploi. Nous avons demandé que les évaluations qu'il réalise soient examinées par le conseil d'administration et discutées avec les directions concernées et institué un suivi de ces évaluations et du devenir des préconisations qui sont faites dans ce cadre. Les équipes de Pôle emploi doivent s'approprier cette démarche d'évaluation, qu'elles ont parfois perçu, au départ, comme une arme contre leur travail.

Pôle emploi constitue aujourd'hui un acteur non stabilisé. Des interrogations demeurent sur l'offre de services, les relations avec les entreprises en restructuration et la capacité d'intervenir en amont des licenciements, l'utilisation des nouvelles technologies et le risque de déshumanisation que représente le passage au tout numérique, la professionnalisation des intervenants de Pôle emploi et les liens avec les opérateurs privés.

Pôle emploi est confronté à la concurrence comme l'ensemble des services publics de l'emploi. Des géants mondiaux, comme Adecco ou Manpower, interviennent sur le marché de l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Or nous n'avons qu'une vision comptable du recours à ces opérateurs privés. Le nombre de demandeurs d'emploi suivis par ces opérateurs est passé de 178 000 en 2010 à 78 000 en 2011 pour des raisons uniquement financières. Nous avons donc lancé une évaluation sur les opérateurs privés de placement et leur efficacité en termes de retour à l'emploi. Nous espérons en recueillir les premiers résultats au mois de juin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion