Intervention de Gabrielle Simon

Mission commune d'information relative à Pôle emploi — Réunion du 5 avril 2011 : 1ère réunion
Table ronde — Organisations syndicales et patronales siégeant au conseil d'administration de pôle emploi

Gabrielle Simon, première vice-présidente confédérale à la CFTC :

Cette fusion a été mise en place à marche forcée et dans un contexte particulièrement difficile, qui n'avait pas été anticipé. Des rapprochements s'étaient déjà produits auparavant entre l'Unedic, les Assedic et l'ANPE, qui avaient apporté des améliorations, mais l'annonce de cette réforme a créé une véritable attente de la part des demandeurs d'emploi. Les agents de Pôle emploi devaient leur apporter un service nettement amélioré, ce qu'ils n'ont pu réaliser compte tenu de la crise et de l'augmentation du nombre de demandeurs d'emploi, en dépit de leur investissement et de leur engagement. La communication qui a accompagné cette réforme a fait croire qu'un référent unique serait en mesure d'accompagner concrètement chaque demandeur d'emploi pour l'aider à retrouver un emploi plus rapidement. Or nous savons bien que certains sites ont conservé deux implantations différentes et que les problèmes restent très importants.

Cette réforme présente cependant certains points positifs. Le principal tient, pour les demandeurs d'emploi, au lieu unique qui, lorsqu'il existe, permet au demandeur d'emploi de bénéficier d'une offre de services complémentaires et apporte aux agents une meilleure compréhension du travail de l'autre filière. L'aspect négatif de la réforme, pour les agents des Assedic notamment, consiste dans la perte de leur bureau, dans des aménagements de site qui n'offrent aucune confidentialité, dans un certain nomadisme et des fonds documentaires réduits. S'y ajoute parfois le sentiment d'un appauvrissement du travail des conseillers, en raison de la centralisation du traitement du courrier, de l'alourdissement des circuits et de réformes de structures qui s'accompagnent d'une perte de relation avec les demandeurs d'emploi.

Aujourd'hui, la présence de l'Etat au sein du conseil d'administration pèse sur la gouvernance de l'institution dans un sens court-termiste. L'Etat s'est désengagé de façon significative, alors que le nombre de demandeurs d'emploi croît : 187 millions d'euros, sur une subvention totale de 1,3 milliard d'euros, n'ont pas été versés par l'Etat en 2009, des fonds ont également été retirés sur la gestion de l'ASS (82 millions d'euros), le transfert des salariés de l'Afpa n'est pas compensé (coût de 52 millions d'euros en 2010 et de 72 millions d'euros en 2011), alors que les besoins se révèlent gigantesques. Ce désengagement s'est traduit par des suppressions d'emploi alors que la demande est forte et que le nombre de demandeurs d'emploi suivis par agent est déjà trop important pour apporter un service de qualité.

Des décisions politiques interviennent par ailleurs qui s'avèrent difficiles à mettre en oeuvre. Quand un nouveau plan de mobilisation vers l'emploi prévoit l'accompagnement prioritaire des demandeurs d'emploi de longue durée, les agents estiment que cela ne peut se faire, compte tenu du manque de moyens, qu'au détriment des autres demandeurs d'emploi. Un sentiment d'impuissance se développe et le personnel de Pôle emploi souffre de ne pouvoir assurer pleinement ses missions. La fusion, qui présentait de beaux objectifs, ne les a pas tous atteints du fait de la crise, des restrictions budgétaires, de la précipitation et du manque de préparation de la fusion.

Sur le service rendu aux usagers, il faut souligner que l'indemnisation constitue un sujet capital pour les demandeurs d'emploi. Les demandeurs d'emploi souhaitent avant tout connaître le montant de leur indemnisation afin de savoir s'ils pourront encore finir le mois. Or, aujourd'hui, nombre de demandeurs d'emploi subissent des retards dans le traitement de leur dossier, qui se révèle de plus en plus complexes du fait de la parcellisation des tâches. Le temps alloué au calcul de l'indemnisation s'est fortement réduit. Les conseillers en charge du placement se trouvent souvent seuls à l'accueil des sites et éprouvent des difficultés à répondre à toutes les questions car ils ne peuvent maîtriser les deux métiers, contrairement à ce qui avait été envisagé à l'origine. Les demandeurs d'emploi sont souvent, pour des questions de gain de temps, renvoyés à des plateformes téléphoniques, subissant ainsi une perte de relation humaine dans le traitement de leur demande.

La fusion devait permettre aux agents de gérer des portefeuilles de soixante demandeurs d'emploi. Or les portefeuilles varient aujourd'hui entre cent et quatre cents demandeurs d'emploi. Nombre d'agents gèrent des portefeuilles de deux cents à trois cents demandeurs d'emploi et se trouvent dans l'impossibilité de faire leur travail correctement. Les agents de l'indemnisation auraient souhaité se former au placement mais ne disposent pas du temps nécessaire pour cela. Le suivi mensuel est source de stress et de tensions pour le demandeur d'emploi comme pour le conseiller. Les demandeurs d'emploi ont des besoins différents en termes de suivi, ce qui nécessite une organisation du travail différente de celle qui existe aujourd'hui. Il ne faut pas non plus oublier le manque d'offres d'emploi, de contrats aidés ou de formations à proposer.

La CFTC estime que la situation pourrait être améliorée si la proposition suivante était mise en oeuvre : nous estimons que quatre millions de personnes ont besoin aujourd'hui d'un accompagnement ; or, il s'avère difficile d'offrir à chacun un accompagnement sur mesure ; nous pensons donc qu'une segmentation de la population des demandeurs d'emploi permettrait d'atteindre l'objectif d'un accompagnement personnalisé. Il ne s'agit pas de placer les demandeurs d'emploi dans des cases mais de rassembler les personnes éprouvant des problèmes communs ou présentant des degrés d'autonomie similaires pour leur apporter le meilleur service. Une telle segmentation devrait être évolutive, en fonction du temps durant lequel le demandeur se trouve éloigné de l'emploi. S'orienter vers un tel dispositif susciterait cependant quelques problèmes et nécessite une grande finesse pour qu'il soit accepté par les conseillers. Certains se montrent en effet réticents, ayant le sentiment qu'ils perdraient ainsi leur autonomie et que leur professionnalisme serait mis en doute. Cette proposition nécessite donc une étude et devrait s'accompagner d'un vrai dialogue social, qui fait peut-être un peu défaut aujourd'hui.

Le comité d'évaluation effectue un travail de grande qualité. Une évaluation interne présente toutefois certaines limites et peut être considérée comme biaisée par certains. Le comité d'évaluation ne dispose pas, en outre, des moyens pour tout évaluer et des évaluations externes peuvent donc s'avérer nécessaires.

Quant à la direction et au conseil d'administration, au-delà des propos qui ont été tenus précédemment et auxquels je m'associe pleinement, je crois que la direction générale n'a pas véritablement la culture du paritarisme et du dialogue social. Nous avons le sentiment d'être peu écoutés et peu entendus au niveau du conseil d'administration. Or la gestion de Pôle emploi se révèle très complexe et il nous semble que tous les partenaires devraient détenir, enfin, une vraie place et un véritable pouvoir. La présence de conseillers techniques, comme c'est le cas à l'Unedic, permettrait de réduire la longueur des réunions du conseil d'administration. L'Unedic pourrait d'ailleurs, au titre de son rôle de financeur, très légitimement y siéger en tant qu'observateur.

Lors du lancement de la fusion, beaucoup pensaient que nous pourrions disposer de conseillers spécialistes à la fois de l'indemnisation et du placement. Or cela s'est avéré impossible, compte tenu de la complexité de ces deux métiers. Le manque d'offres d'emploi rend également la situation difficile. La législation évolue très vite et les agents éprouvent parfois des difficultés à se tenir à jour. Nombre d'agents sont aujourd'hui mécontents de cette fusion. Les agents de placement estiment qu'ils sont les seuls à être envoyés au front tandis que les autres se sentent dévalorisés et bloqués dans leur carrière. Le mélange des deux cultures ne s'est pas encore opéré, empêchant Pôle emploi de devenir une institution véritablement performante et appréciée de tous.

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