Cela fait maintenant trois ans que la loi du 13 février 2008 a organisé la fusion de l'ANPE et des Assedic et deux ans que Pôle emploi est né. Malgré un rythme soutenu, cette fusion est loin d'être achevée. La fusion de ces deux entités, employant 50 000 personnes, ne pouvait se faire en un jour, d'autant que les deux institutions concernées relèvent de cultures différentes et de métiers, certes complémentaires, mais qui font appel à des aptitudes professionnelles opposées. La fusion a été rendue plus complexe par la crise, qui a entraîné une augmentation considérable du nombre de demandeurs d'emploi mais cela n'explique pas tout. Il aurait fallu, selon la CFE-CGC, préparer les esprits à la fusion, chiffrer son coût et accompagner toutes les phases de la restructuration. C'est l'absence de cette étape préparatoire qui a donné l'impression d'une fusion bâclée. Une meilleure préparation aurait permis de déminer tous les sujets et d'accélérer la négociation de la convention collective de Pôle emploi, qui n'a été signée qu'en 2009 et appliquée en 2010.
La CFE-CGC ne peut considérer que cette fusion est achevée tant que le fonctionnement de Pôle emploi lui-même ne s'est pas amélioré avec un objectif d'efficacité pour les demandeurs d'emploi. Il est nécessaire, pour cela, de donner à Pôle emploi les moyens de fournir un service de qualité tant aux demandeurs d'emploi qu'aux entreprises.
Nous sommes aujourd'hui très loin de l'objectif initial d'un conseiller pour soixante demandeurs d'emploi. Les conseillers chargés du suivi mensuel personnalisé gèrent des portefeuilles de cent à cent cinquante demandeurs d'emploi. Il découle de cette surcharge de travail une baisse de qualité et une baisse du moral des agents. Les objectifs se révèlent d'ailleurs de moins en moins respectés et le suivi est de moins en moins personnalisé. La consultation par mail remplace de plus en plus un entretien individuel. Cette situation contribue à la dégradation des relations entre Pôle emploi et les demandeurs d'emploi, dont les médias se font l'écho. Pôle emploi reçoit environ 600 000 réclamations en une année, ce qui est révélateur de l'ampleur des dysfonctionnements. Cette situation s'avère d'autant plus préoccupante que Pôle emploi est en train d'actualiser et de développer l'entretien d'inscription et de diagnostic (EID) qui nécessitera un premier entretien de cinquante minutes, ce qui inquiète les salariés qui devront assumer cette nouvelle charge.
Par manque de temps pour accueillir les demandeurs d'emploi, Pôle emploi sous-traite de plus en plus leur suivi à des opérateurs privés de placement, une opération qui se révèle coûteuse (150 millions d'euros en 2009) et présente un risque pour Pôle emploi de perdre son expertise et ses compétences. Au regard du nombre de dossiers sous-traités, la CFE-CGC se demande si Pôle emploi ne risque pas de devenir un simple bailleur de fonds, réduisant sa mission à la seule indemnisation des demandeurs d'emploi. En outre, la loi du 23 juillet 2010, relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, a libéralisé l'activité de placement à toutes les entreprises qui le souhaitent. Pour corriger cette situation, la CFE-CGC estime qu'il est nécessaire avant tout d'embaucher. Pôle emploi attend toujours la compensation du transfert des personnels de l'Afpa. La CFE-CGC regrette aussi le non-renouvellement de 1 500 CDD, alors que Pôle emploi fait encore face au surcroît de travail engendré par la crise, qui a rendu la fusion encore plus difficile à accepter pour les agents.
La CFE-CGC estime également qu'il est nécessaire d'individualiser les services fournis. Dans le cadre du plan « Rebond », Pôle emploi n'a pu fournir aux chômeurs en fin de droits un accompagnement spécifique. Il aurait fallu nommer un responsable capable de conduire un projet aussi spécifique que celui-ci. De la même manière, Pôle emploi achète les formations en masse alors que celles-ci doivent correspondre aux besoins des demandeurs d'emploi pour être efficaces. Pour améliorer le fonctionnement de Pôle emploi, il nous semble également nécessaire d'unifier le régime juridique applicable à ses différentes activités. La coexistence de deux environnements juridiques, public pour le placement et privé pour l'indemnisation, suscite en effet incompréhension et tensions chez les salariés.
Le fonctionnement de Pôle emploi ne se révélera optimal que lorsque les relations de Pôle emploi avec ses partenaires seront moins compliquées. Lors de la conclusion des conventions, Pôle emploi apparaît encore comme une structure trop lourde. Il conviendrait de rechercher les complémentarités et d'éviter les doublons, notamment sur les terrains spécifiques de l'Afpa ou de l'association pour l'emploi des cadres (Apec). Enfin, il convient de s'interroger sur la gouvernance de Pôle emploi et la place accordée aux partenaires sociaux. Ceux-ci ont prouvé, au sein de l'Unedic notamment, leur capacité à assumer leurs responsabilités. Il n'existe aucune raison pour qu'il n'en soit pas de même à Pôle emploi.