Intervention de Nicole Bricq

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 29 novembre 2011 : 1ère réunion
Décret d'avance relatif au financement de dépenses urgentes — Communication

Photo de Nicole BricqNicole Bricq, rapporteure générale :

Le projet de décret d'avance notifié à la commission des finances le 22 novembre prévoit des ouvertures et annulations de crédits pour un montant total de 1 000 250 136 euros en autorisations d'engagement et 915 816 905 euros en crédits de paiement au titre du budget général.

Ces montants respectent les plafonds visés aux articles 13 et 14 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Les ouvertures étant intégralement gagées, le projet ne porte pas atteinte à l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances.

Ce projet confirme la banalisation du recours à un instrument censément dérogatoire et la transformation du décret d'avance en outil habituel de fin de gestion.

Dix missions font l'objet d'ouvertures de crédits, principalement au titre du financement des opérations extérieures du ministère de la défense (467,2 millions d'euros en AE et 391,5 millions d'euros en CP), de la couverture de dépenses de personnel (349,4 millions d'euros en AE et CP) et de besoins supplémentaires liés à des interventions sociales (163,4 millions d'euros en faveur des boursiers, des demandeurs d'asile et de l'hébergement d'urgence).

Vingt-deux missions supportent des annulations de crédits. 59 % des annulations en AE et 52 % en CP sont opérées sur la réserve de précaution, qui devrait s'établir à 2,3 milliards d'euros en AE et 1,8 milliard d'euros en CP à la fin de l'exercice, effets du quatrième collectif budgétaire pour 2011 inclus. La baisse importante des primes d'épargne-logement permet l'annulation de 248 millions d'euros de crédits, soit plus du quart du total.

Environ 30 % des annulations obéissent au principe d'auto-assurance, les besoins supplémentaires étant couverts par redéploiement au sein de la même mission. Ce principe couvre l'intégralité des dépenses supplémentaires de personnel du ministère du budget, les dépenses électorales, les bourses étudiantes et l'hébergement d'urgence.

467,2 millions d'euros en AE et 391,5 millions d'euros en CP sont ouverts au titre des opérations extérieures (OPEX), auxquels s'ajoutent 75 millions d'euros de dépenses de personnel liées à ces opérations. Ces ouvertures servent en partie à reconstituer des enveloppes redéployées en gestion pour financer les OPEX. La nature de ces crédits n'est pas connue et l'urgence à les reconstituer ne peut donc être analysée. Les OPEX auraient pu faire l'objet d'ouvertures de crédits au gré des trois lois de finances rectificatives votées en 2011 et il est regrettable que leur taux de financement par décret d'avance renoue avec les niveaux élevés atteints au cours de la précédente législature, malgré les efforts entrepris depuis 2007 pour mieux budgétiser ces opérations.

Cinq ministères (affaires étrangères, économie, budget, écologie et défense) bénéficient d'ouvertures de crédits de personnel pour un montant de 274,4 millions d'euros (hors OPEX). Ces ouvertures, quoique très inférieures aux besoins constatés à la fin de l'année 2010 (930,7 millions d'euros), invitent à relativiser la maîtrise des dépenses de personnel dont se prévaut régulièrement le Gouvernement. Elles résultent d'erreurs de prévision en matière de départs en retraite, de motifs techniques, mais également du dépassement de certaines enveloppes catégorielles. Ces ouvertures devant intervenir avant la liquidation des paies de décembre, leur urgence avérée correspond à la vocation du décret d'avance.

158 millions d'euros sont ouverts au bénéfice de la défense, liés à des mesures de restructuration et d'indemnisation, mais aussi à de moindres départs. Ces tensions sur la masse salariale s'accompagnent d'une importante sous-exécution du plafond d'emplois 2011 (plus de 4 600 équivalents temps plein travaillé). Ce paradoxe confirme la nécessité, pour le ministère de la défense, de fournir au Parlement, en prévision comme en exécution, des données exhaustives, dont la présentation soit harmonisée avec celle de l'ensemble des départements ministériels.

Des dépassements de dépenses catégorielles sont à nouveau observés au sein des ministères du budget et de l'économie. 12 millions d'euros sont ouverts en lien avec les mesures catégorielles adoptées dans le cadre de la fusion de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP). Je vous renvoie aux analyses de la Cour des comptes sur cette fusion.

Les dépenses de personnel des ministères de l'écologie et des affaires étrangères sont liées respectivement à des rattachements tardifs de fonds de concours et à l'impact des variations de taux de change sur le barème des indemnités de résidence à l'étranger.

43,4 millions d'euros en AE et CP doivent couvrir les dépenses liées au versement des bourses étudiantes sur critères sociaux. En dépit des difficultés structurelles qui s'attachent à la prévision de telles dépenses, ces besoins résultent d'une budgétisation insuffisante en loi de finances initiale, combinée à des reports de charges fréquents d'un exercice sur l'autre. L'urgence à ouvrir les crédits est certaine, afin d'éviter toute rupture dans les paiements aux bénéficiaires. Néanmoins, une partie des besoins constatés aurait pu être couverte par l'une des trois lois de finances rectificatives intervenues depuis le début de l'année 2011.

Les ouvertures en faveur de la prise en charge des demandeurs d'asile (45 millions d'euros en AE et CP) résultent de la sous-budgétisation récurrente des crédits qui y sont dédiés. Ces dépenses, urgentes mais guère imprévisibles, auraient dû être couvertes en loi de finances initiale ou ajustées progressivement et suffisamment en lois de finances rectificatives.

Les ouvertures en faveur de l'hébergement d'urgence et de la veille sociale (75 millions d'euros en AE et CP) résultent également de crédits régulièrement sous-évalués. De surcroît, le Gouvernement a demandé, par amendement au projet de loi de finances pour 2012, l'autorisation de reporter sur l'exercice 2012 tout ou partie des crédits ouverts en décret d'avance. C'est donc abusivement que l'urgence est ici invoquée.

Je note que 8,7 millions d'euros en AE sont ouverts afin de couvrir des remboursements de frais de campagne électorale ; 5,4 millions d'euros sont destinés à reconstituer des crédits redéployés en gestion afin de relocaliser à moindre coût la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Ces ouvertures doivent être opérées rapidement afin que les crédits puissent être mis en oeuvre avant la fin de l'exercice dans les services déconcentrés.

Enfin, 16,5 millions d'euros sont ouverts pour des dépenses de contentieux, dont l'urgence est attestée. S'agissant de dépenses résultant de comportements fautifs de l'Etat, il serait opportun que ces ouvertures complémentaires soient gagées par des annulations obéissant au principe de l'auto-assurance, c'est-à-dire par redéploiement. Une telle pratique inciterait les ministères à l'origine de telles dépenses à résorber activement les sources de contentieux.

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