Nous avons conduit un énorme travail : il serait regrettable qu'il se dissolve en un théâtre d'ombres. A-t-on bien la volonté d'arriver à un document commun ? Cela suppose évidemment de pointer ici ou là les approches divergentes, car il est évident que sur un sujet de cette importance, nous ne pouvons pas nous en tenir à une entrée unique. Le plan du rapport doit permettre d'ouvrir des entrées divergentes - je pense par exemple à la question de la TVA...
Je ne reviens pas sur le FSI et le FMEA, M. Sueur s'en est très clairement expliqué. À la question du CIR, comme élu d'un département comptant une technopole, je suis directement confronté. Si un tel dispositif est incontournable, il faut néanmoins y réintroduire la puissance publique. Il serait bon qu'à la suite de ce rapport se mette en place un groupe de travail spécifique. Le problème est complexe. Quelle que soit la qualité des membres de notre mission, elle ne suffira pas à démêler l'écheveau entre filiales, holdings et sous-traitance. Les grands groupes obligent parfois à faire remonter les crédits, asséchant ainsi de façon inadmissible les PME, au détriment de la consolidation de leur tissu. Et je ne parle pas des recherches qui n'en sont pas, comme la réalisation d'un logiciel par quelque société d'assurances...
Sur la question de la propriété intellectuelle des brevets, nos déplacements ont été riches d'enseignements. On assiste à un double pillage entre délocalisation des cerveaux et rachat de start up très performantes. Le rapport ne traite qu'insuffisamment du problème. Je souhaite qu'il soit revisité pour renforcer nos propositions, car il y aurait bien des dispositions à prendre.
J'en viens à deux remarques de fond. C'est en une phrase, à la deuxième page du préambule, que l'on déplore l'absence de stratégie industrielle dans notre pays. On le fait en caractères gras, certes, mais en l'absence d'explication qui suivrait, cela relève soit de l'autoflagellation, soit de la pure déclaration, moyennant quoi l'on se tient quitte. Il y va pourtant de notre responsabilité politique. Il faudrait honnêtement retracer les causes, le choix fait, en un temps, de privilégier une économie de services dont on imaginait qu'elle pouvait se substituer à une économie manufacturière vieillissante. Certains croyaient alors avoir trouvé la pierre philosophale. Ceux qui émettaient quelques doutes étaient taxés d'archaïsme et de nostalgie des mains calleuses.
Puis, nous avons subi la financiarisation de l'économie, qui n'a pas été sans impact sur la montée en puissance de l'économie de services. Il faut aussi le relever. Ne serait-ce que parce que la politique industrielle et d'accompagnement n'est pas la même selon qu'elle va à soutenir une économie de production manufacturière ou une économie de la connaissance. La financiarisation nous renvoie également à la question de la place de la puissance publique. Veut-on qu'elle joue un rôle dans notre stratégie industrielle ou entend-on s'en remettre au laisser-faire et compter sur les fonds de pension pour assurer la régulation ? Veut-on ou ne veut-on pas renouer avec une politique plus interventionniste, que certains qualifieraient de gaulliste ? Souvenez-vous de ce que nous avons dit des moyens dont usent les États-Unis pour financer certains secteurs, de la façon dont l'Allemagne protège ses marchés... Je ne le retrouve pas dans le rapport, et je le regrette !
Je ne reviens pas sur l'erreur de fond concernant le coût du travail - d'autant qu'on l'incrimine en prouvant, dans un développement, le contraire...- sinon pour dire que la stratégie qui va de pair, et qui consiste à favoriser les concentrations, pose problème, en ce qu'elle a détruit le tissu de nos PME. Il ne s'agit pas de se changer en adeptes inconditionnels du small is beautiful et d'entreprendre de démembrer nos grandes entreprises, mais de voir comment asseoir, à côté des majors, un tissu de PME locales qui bénéficie aussi de l'effort de recherche. Nous y avons vu un secteur stratégique ; je ne le retrouve pas dans le rapport. Hormis la proposition relative à un « small business act », je ne retrouve rien du diagnostic.