Intervention de Marc Laménie

Commission des affaires sociales — Réunion du 16 juin 2010 : 1ère réunion
Violences faites aux femmes et protection des victimes — Examen du rapport pour avis

Photo de Marc LaménieMarc Laménie :

a évoqué les conditions d'accueil des femmes victimes de violences qui s'adressent souvent au maire, dans les petites communes, ou à une assistante sociale. Nous ne sommes effectivement pas formés à cette tâche, notamment pour conforter les victimes dans leur non-culpabilité, ce qui est un point capital.

A partir de maintenant, chaque brigade de gendarmerie doit comporter un ou deux référents préparés à ce genre de situation. Surtout, un référent doit être disponible en permanence dans la brigade centrale afin d'épauler les brigades locales, par exemple si un notable est mis en cause, ce qui, nous le savons bien, complique encore davantage la situation. Il faudrait savoir si ce dispositif se généralise vraiment.

s'est également interrogé sur ce qui se passe réellement dans les services de police ou de justice. Il faudrait effectivement que la loi s'applique : en principe, aucun certificat médical n'est requis pour déposer une plainte, mais gendarmes et policiers l'exigent toujours. Dans la circonscription de Douai, à l'inverse, une plainte est déposée systématiquement, la procédure de la main courante n'est pas utilisée, le compagnon violent est immédiatement évincé du domicile et hébergé dans un centre pour sans-abri. Le procureur estime que cela incite l'auteur des violences à réfléchir à ses actes et la victime à agir. Ce dispositif est efficace.

Le cas d'un enseignant a été évoqué par Anne-Marie Payet. Il y a en France deux millions d'enseignants, dont quelque 10 % doivent être aussi maltraitants envers leur conjoint, puisque statistiquement le même taux se retrouve dans toutes les catégories socioprofessionnelles. Cela ne simplifie pas les choses mais ne nous fait pas renoncer à solliciter leur intervention en faveur de l'égalité entre hommes et femmes et pour le respect mutuel. Au demeurant, la situation est analogue dans la police, la magistrature et certains ministres ou sénateurs peuvent être maltraitants ! Rien ne garantit à une victime s'adressant à un avocat que lui-même ne l'est pas...

J'ai rappelé tout à l'heure mon opposition première à la médiation pénale, car j'ai longtemps refusé que l'on puisse mettre bourreau et victime face à face. Cependant, j'ai rencontré des personnes d'expérience aux avis plus nuancés. Certains considèrent que cette médiation pénale ne doit même pas être proposée à la victime. Ceci étant, cette procédure est une alternative à la poursuite ; une autre solution est le rappel à la loi effectué en maison de justice, mais il me paraît assez illusoire d'imaginer que le mari qui a frappé sa femme découvrira à cette occasion que ce n'est pas bien et qu'il en tiendra compte ! J'hésite à ce sujet, je ne sais plus trop que penser... On pourrait peut-être maintenir la médiation lorsqu'elle est acceptée par la victime, et dans les cas précisément définis par le guide de l'action publique sur la lutte contre les violences au sein du couple.

Je suis d'accord avec Gisèle Printz lorsqu'elle rappelle que les hommes peuvent être aussi victimes de violences mais je pense qu'il s'agit alors plutôt de violences psychologiques. Bien sûr, la plainte pour violences psychologiques peut comporter un risque de manipulation. Mais je fais le pari qu'elle sera davantage utilisée à bon escient.

La proposition de loi de Roland Courteau sera examinée demain par la commission des lois, en lien avec celle-ci.

Jean-Louis Lorrain pense qu'il est délicat de confier un sujet pénal au juge des affaires familiales. Nous avons évoqué avec le procureur général de Lyon cette question dont la commission des lois délibérera demain car cette matière entre directement dans le champ de ses compétences et excède le cadre du présent avis.

Il a aussi évoqué le harcèlement et la modélisation. Le questionnaire mis au point par la gendarmerie de Lyon permet de cerner la réalité de la violence psychologique. Je vais vous le faire distribuer. Très intéressé par ce document mis au point avec l'association SOS femmes - Villeurbanne information femmes familles (Viff), qui accueille des femmes battues dans le Rhône, le procureur général de Lyon veut le diffuser à tous ses commissaires de police. En utilisant ce modèle d'enquête dans la foulée du dépôt des plaintes, commissaires et gendarmes réduiront le risque d'être manipulés. Par exemple, il est facile de s'apercevoir que le conjoint violent s'est approprié l'argent du ménage depuis des années, ce qui est un cas très fréquent. J'insiste donc sur la formation de tous.

Pour répondre à Isabelle Debré sur la question du logement commun, il est le plus souvent insupportable, pour une femme battue, de devoir quitter le domicile conjugal, lequel reste alors utilisé par le mari. Il faut donc effectivement éloigner en priorité celui-ci. Le juge peut ensuite attribuer le logement à la victime de violences, sauf si celle-ci exprime la volonté, assez fréquente, de déménager.

La loi ne dit pas assez que la violence sur le conjoint atteint aussi les enfants. Parmi les enfants de couples violents, 70 % sont traumatisés à vie : un tiers d'entre eux développe une psychopathologie, un tiers s'en sort sans gros dommages grâce à la résilience, un tiers reproduit ce qu'il a vu et devient violent lui-même. Or, le juge en charge d'un divorce peut accorder un droit de visite au père, sans même savoir que des violences ont eu lieu contre la mère. A ce propos, je voudrais mentionner un cas extrême dont j'ai eu connaissance : un père de trois enfants, nés d'une précédente union et placés, a eu un quatrième enfant avec une autre jeune femme, dont il vient de se séparer, dans un contexte de violence conjugale ; la garde de ce dernier enfant n'a pas été traitée par le juge qui s'occupait des trois premiers : c'est ahurissant ! Les magistrats devraient au moins s'informer mutuellement !

Je ne suis pas hostile à l'intervention des services sociaux, mais sous réserve de formation, car il ne faut pas confondre cette situation avec celle des enfants maltraités.

Gilbert Barbier a suggéré que les médecins aient l'obligation de signaler les violences psychologiques dont ils ont connaissance. J'ai posé la même question et j'indique que le conseil de l'ordre y est formellement opposé.

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