Intervention de Bruno Retailleau

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 15 juillet 2009 : 1ère réunion
Lutte contre la fracture numérique — Examen du rapport et du texte proposé par la commission

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau, rapporteur :

Puis M. Bruno Retailleau, rapporteur, a présenté son rapport. Il a observé que les élus, attachés au principe d'égalité entre territoires et conscients de la nécessité de développer ceux-ci, ne pouvaient qu'être sensibles à la question du numérique. Si le contexte actuel est marqué par la crise économique, la sortie de crise passe par de nouveaux moteurs de développement : la croissance verte constitue une piste largement suivie, mais la croissance numérique est une autre voie, tout aussi pertinente. Ainsi, la contribution de l'économie numérique à la croissance mondiale est estimée à 30 % à horizon de cinq ans par le plan France numérique 2012 et la Commission européenne estime que le déploiement de réseau de THD apporterait un surcroît de croissance de 0,6 point de PIB.

Indiquant que la France était déjà parmi les premiers pays européens en termes de taux de pénétration du HD, avec 18 millions de foyers abonnés, M. Bruno Retailleau, rapporteur, a relevé que les usages nouveaux, imprévus à l'origine, réclamaient de plus en plus de débit. Si le HD a permis la permanence de la connexion, le THD devrait autoriser de nouveaux services, notamment la possibilité d'usages simultanés. Toutefois, avec une densité de population deux à quatre fois moindre que les autres pays européens et 50 % de sa population vivant en zone rurale ou dans des villes de moins de 10 000 habitants, la France connaît une fragilité particulière en matière de numérique. Le marché agissant seul, la fracture numérique pourrait devenir très grave en matière de THD, avec près de 80 % du territoire non couvert, soit 60 % des habitants qui n'y auraient pas accès.

a ensuite indiqué avoir travaillé sur la proposition de loi en distinguant deux axes : le règlement des problèmes actuels du HD et la prévention de l'apparition d'une nouvelle fracture numérique en matière de THD.

En ce qui concerne le HD, il a annoncé qu'il formulerait des propositions sur trois sujets : le passage à la télévision numérique terrestre (TNT), la montée en débit des zones non couvertes par le THD et la problématique de l'outre-mer, apportant les précisions suivantes :

- en matière de TNT, alors que la loi avait fixé un objectif de 95 % au moins des Français couverts par le canal hertzien et le solde par satellite, le déploiement du réseau est aujourd'hui satisfaisant, avec 87 à 90 % des Français déjà couverts par le canal hertzien, et deux bouquets satellites (Canal Sat et France Sat) proposant une offre satellitaire gratuite, sans abonnement, sous réserve d'installation du matériel de réception. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) est allé plus loin que l'objectif fixé par la loi en ajoutant un objectif départemental de 91 % de taux de couverture par le canal hertzien. Les chaînes contestant cette décision du CSA et envisageant de déposer des recours juridictionnels, il sera proposé à la commission de conforter cette position du CSA dans la loi. Par ailleurs, si la loi sur la télévision du futur a institué un fonds d'aide aux plus démunis, il est souhaitable d'en étendre la mission afin de réduire la fracture sociale numérique dans les zones non couvertes par la TNT en lui permettant de financer, sous condition de ressources des bénéficiaires, y compris pour ceux non exonérés de la redevance télévisée, les équipements paraboliques satellitaires. Cette proposition se heurterait à l'irrecevabilité financière de l'article 40 de la Constitution si elle était émise par un parlementaire, mais non si elle était reprise par le Gouvernement ;

- en deuxième lieu, prenant en compte le fait que le THD ne verra pas le jour très rapidement, il est proposé d'achever la montée en débit des zones non couvertes aujourd'hui par le HD à travers deux dispositifs : la résorption des 150 000 lignes actuellement multiplexées qui empêchent le transport du signal en HD et la mise en place de solutions techniques pour permettre l'accès au HD aux abonnés actuellement trop éloignés des répartiteurs téléphoniques. Ces solutions techniques pourraient consister à créer des réseaux, mais le souci de bonne gestion des deniers publics devrait conduire à réutiliser les infrastructures mises en place pour le HD en vue du déploiement ultérieur du réseau de THD ;

- en troisième lieu, il est proposé que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) soit invitée à imaginer des solutions pour l'outre-mer où, malgré une qualité de service inférieure, le coût d'un abonnement triple play s'élève à plus de 60 euros par mois, contre 30 euros en métropole.

En ce qui concerne le THD, M. Bruno Retailleau, rapporteur, a constaté que le déploiement de la fibre optique en zone urbaine dense n'en était qu'à ses débuts, avec à peine 180 000 abonnés, dont la majeure partie auprès de l'opérateur Numericable, qui n'offre d'ailleurs, sur le dernier segment de réseau venant au domicile du particulier, qu'un accès par câble coaxial. Il ne suffit donc pas de réduire la fracture numérique en zone peu dense, d'autant plus que l'enjeu économique du numérique est considérable.

A l'issue des diverses consultations et auditions menées sur ce sujet, il a estimé que la stratégie nationale de déploiement du THD pourrait reposer sur quatre principes :

- un rôle majeur joué par l'Etat pour définir la stratégie, coordonner les acteurs et mobiliser les financements ;

- l'intervention d'un régulateur, l'ARCEP, ayant pour mission de stimuler la concurrence, mais aussi d'encourager le déploiement du réseau ;

- l'implication des collectivités locales dans la construction du réseau ;

- la mise en place d'un réseau de THD multimodal, utilisant notamment le dividende numérique hertzien dans les zones rurales.

Il a ensuite précisé que le cadre du déploiement du THD pourrait comprendre trois zones :

- une zone urbaine dense, couvrant cinq millions de foyers, dans laquelle la concurrence entre plusieurs opérateurs pourrait jouer à plein avec l'installation de plusieurs réseaux THD, maîtrisés par les opérateurs ;

- une zone urbaine moins dense, comprenant douze millions de foyers, dans laquelle il faudrait envisager la mutualisation entre opérateurs d'un seul réseau THD, avec un point de mutualisation de la boucle locale éloigné des immeubles que pourrait imposer l'ARCEP afin que les opérateurs ne gaspillent pas leurs ressources. En outre, l'ARCEP devrait prévoir des offres de gros que l'opérateur principal louerait à ses concurrents ;

- une zone très peu dense, réunissant également douze millions de foyers, dans laquelle le déploiement de réseaux de THD nécessiterait une intervention de l'Etat très affirmée ainsi que des collectivités locales, et dans laquelle il conviendrait d'utiliser toutes les technologies possibles.

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