Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 28 novembre 2007 : 1ère réunion
Pjlf pour 2008 — Enseignement scolaire - examen du rapport pour avis

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis :

a tout d'abord déclaré que la revalorisation de l'enseignement professionnel supposait un profond changement des mentalités collectives. L'orientation vers ces filières procède en effet encore d'une logique de l'échec, les élèves qui rejoignent les formations professionnelles étant ceux qui ne semblent pas en mesure de suivre les enseignements de la voie générale. L'enseignement professionnel est donc toujours victime de l'image des anciens « lycées d'enseignement professionnel », alors que les lycées professionnels sont désormais équipés aujourd'hui de machines de toute dernière génération et offrent des formations d'avenir.

Elle a en effet précisé qu'un bachelier sur cinq obtenait aujourd'hui un baccalauréat professionnel. De plus, les deux tiers des élèves titulaires de ces diplômes obtiennent leur licence lorsqu'ils rejoignent l'université et plus de la moitié de ceux qui s'inscrivent en section de technicien supérieur sous statut scolaire sont reçus au BTS. Ces résultats sont particulièrement frappants pour qui garde à l'esprit que la voie professionnelle n'avait pas, à l'origine, pour vocation principale, de préparer à la poursuite d'études au-delà du baccalauréat.

Ensuite, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis, a souligné que les diplômes professionnels demeuraient également gage d'insertion rapide sur le marché du travail, les bacheliers professionnels étant moins souvent au chômage que leurs camarades des voies générale et technologique.

Ces résultats montrant que l'enseignement professionnel est resté fidèle à sa vocation de filière d'insertion, tout en offrant progressivement à des élèves de plus en plus nombreux la possibilité de poursuivre des études supérieures, elle a regretté que cette réalité reste par trop ignorée des familles et des élèves eux-mêmes.

En effet, elle a estimé que prévalait encore une orientation par défaut, qui est source d'échec. 12 et 15 % des élèves cessent ainsi leurs études dès les premières années de BEP ou de CAP. Par ailleurs, la moitié des diplômés du CAP ou du BEP ne préparant pas de baccalauréat professionnel, et 10 % des élèves des classes qui y mènent interrompant leurs études, le taux d'accès au baccalauréat professionnel des élèves de seconde professionnelle reste beaucoup trop faible, puisqu'il est de 28,4 % en 2006.

a relevé ensuite une seconde difficulté liée au choix des filières. Les métiers en rapport avec la production souffrent en effet d'une mauvaise image. Les élèves préfèrent donc s'orienter vers les formations préparant aux métiers du tertiaire. Partant, celles-ci sont saturées et conduisent à une insertion professionnelle difficile, alors même que le taux de chômage des diplômés dans le secteur industriel est beaucoup plus faible. Sur ce point encore, un effort d'information doit être fait, de la part du système scolaire bien sûr, mais aussi des employeurs qui ont un rôle à jouer dans la revalorisation de ces métiers, notamment au niveau des conditions de travail qui peuvent effrayer certains jeunes.

La rapporteure pour avis a estimé que ces deux problèmes se posaient avec plus d'acuité encore lorsque l'on s'intéressait à la place des jeunes femmes dans l'enseignement professionnel, qui sont nettement majoritaires dans les classes menant au CAP, mais légèrement minoritaires dans les autres. Un effort d'orientation et d'information doit donc être fait afin de changer l'image qu'ont certaines jeunes femmes des métiers industriels et de la production.

a souhaité qu'il soit proposé à tous les collégiens de découvrir les métiers. C'est précisément là l'objectif des nouveaux parcours dont la création a été annoncée il y a quelques semaines, qui concerneront tous les élèves et comprendront, outre la visite d'un lycée général et technologique, d'un lycée professionnel et d'un centre de formation d'apprentis, plusieurs stages en entreprise, à hauteur de 10 jours au moins pour toute la scolarité au collège. Par ailleurs, trois entretiens d'orientation seront organisés, respectivement en 3e, en 1e et en terminale.

La rapporteure pour avis s'est félicitée de la mise en place de ces nouveaux parcours, qui représentent une avancée significative. Pour la première fois, la réflexion sur l'insertion professionnelle concernera en effet tous les collégiens.

Elle a cependant exprimé sa crainte que ce pas important ne reste que symbolique. En effet, l'expérience de la séquence d'observation du monde professionnel en classe de 3e montre que les enfants effectuent leurs stages aux côtés de personnes de leur entourage proche. Cela affaiblit leur dimension d'ouverture à la diversité des métiers et nourrit les logiques de reproduction sociale. Il conviendrait donc d'engager une réflexion sur cette question, afin de ne pas laisser l'organisation de ces moments de découverte aux seuls parents, mais de mutualiser les stages au sein d'une classe ou d'un établissement.

En outre, elle a regretté que les entretiens d'orientation mis en place le soient au moment même où le nombre de conseillers d'orientation psychologues diminue à un rythme soutenu. Des inquiétudes existent concernant l'avenir de ce corps, dont le statut original a une indiscutable utilité.

Enfin, au-delà de l'orientation et de l'information, la rapporteure pour avis a jugé fondamental de réaffirmer l'égale dignité des filières et de porter une attention particulière au statut des professeurs de lycée professionnel (PLP), dont les perspectives de carrière sont moins favorables que celles dont bénéficient les professeurs certifiés, puisqu'il n'existe pas toujours d'agrégation correspondant à leur discipline.

Par ailleurs, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis, a souligné que l'enseignement professionnel avait recours à un nombre important de contractuels, dont il convenait d'améliorer le statut précaire.

Rappelant que la volonté du ministre de l'éducation nationale était de généraliser le baccalauréat professionnel en 3 ans, afin de l'aligner sur les formations générales et technologiques et d'inciter à la poursuite d'études au-delà du BEP et du CAP, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis, a exprimé sa crainte que cette solution ne soit pas pleinement satisfaisante, sauf pour certaines formations qui mènent à des emplois où le niveau de recrutement n'est plus celui du BEP ou du CAP, comme pour la comptabilité.

Enfin, elle a ajouté que l'égale dignité des filières passait également par le développement du label « lycée des métiers », qui garantit l'offre dans un même établissement de formations du secondaire et du supérieur, pouvant être suivies sous statut scolaire, en apprentissage ou en formation continue.

Elle a souligné que le label « lycée des métiers » était peu lisible et devait être clarifié, car la majeure partie de la population ne le distinguait pas d'un lycée professionnel « classique ».

Enfin, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis, a jugé essentiel de renforcer le poids des enseignements généraux dans la voie professionnelle, afin de faciliter la poursuite d'études et de garantir un « droit à l'erreur » à tout élève qui aurait choisi de se diriger vers ces formations.

a étendu ce même constat à la formation continue, qui doit devenir systématique et offrir ainsi à chaque salarié la possibilité de faire évoluer ses compétences et de s'adapter aux évolutions de son métier, comme à celles de l'économie. Pour ce faire, des acteurs publics doivent demeurer présents sur le marché concurrentiel de la formation continue. Il est donc indispensable d'être attentif à la situation des Groupements d'établissements publics locaux d'enseignement (GRETA), qui traversent actuellement une crise profonde, due à des difficultés budgétaires et à un recul de leur part de marché.

Enfin, concernant la validation des acquis de l'expérience (VAE), la rapporteure pour avis a noté que, seuls, 23 000 dossiers ont été déposés et évalués en 2006, dont 61 % seulement ont donné lieu à validation complète. Il faut donc aller plus loin, en réfléchissant à la manière dont les politiques publiques pourraient aider les salariés à oser la VAE, qui suppose une vraie motivation et qui n'est pas une démarche anodine.

Compte tenu des moyens budgétaires nécessaires pour accompagner cette revalorisation de l'enseignement professionnel, elle s'est inquiétée de la faible lisibilité de l'évolution des crédits consacrés aux actions professionnelles.

Enfin, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis, a considéré qu'au-delà de la question des moyens, au demeurant essentielle, le pilotage de l'enseignement professionnel retracé par le projet annuel de performance apparaissait encore singulièrement peu développé, puisque le seul objectif qui y figure concerne la diversification des modalités de formation professionnelle, ce qui peut à l'évidence tenir lieu de projet à l'enseignement professionnel.

Elle s'est également étonnée de voir que les quelques indicateurs concernant les filières semblaient faire des conditions d'études qui y sont offertes les signes d'une gestion insuffisamment rigoureuse, alors qu'elles accompagnent nécessairement des cursus où les heures de pratique sont nombreuses.

En conclusion, elle a estimé que le Parlement devrait à l'avenir être informé plus clairement non seulement des politiques engagées, mais aussi des moyens les accompagnant. De ce point de vue, le projet de loi de finances est marqué part trop d'incertitudes.

C'est pourquoi Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis, a proposé de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » pour 2008.

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