Intervention de Frédéric Van Roekeghem

Commission des affaires sociales — Réunion du 20 octobre 2010 : 1ère réunion
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 — Audition de M. Frédéric Van roekeghem directeur général de l'union nationale des caisses d'assurance maladie uncam et de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés cnam

Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Uncam-Cnam :

L'assurance maladie connaît en 2010 et 2011 le même niveau de déficit qu'en 2004, mais la progression des dépenses qui était de 6 % en 2004 a été ramenée à 3 % par an, ce qui représente 5 milliards d'euros d'économies ou encore 0,5 point de CSG. Nous avons donc réussi à maîtriser les dépenses, mais la crise et la diminution de la masse salariale nous ont fait perdre entre 0,6 et 0,7 point de CSG, et le déficit est passé de 4 à 10 milliards d'euros entre 2008 et 2009. Il faudra donc rééquilibrer les comptes mais les marges de réduction des dépenses sont désormais étroites.

Nos charges sont de plus en plus concentrées sur les pathologies lourdes ou aggravées, en raison du progrès technique et de l'épidémiologie plutôt que du vieillissement : le dixième de la population qui perçoit les remboursements les plus élevés a reçu 60 % du total en 2009, contre 57 % en 2005. Le reste à charge moyen des ménages après complémentaire s'élève à 9,4 % ; mais si le taux de remboursement est élevé pour les patients atteints de pathologies lourdes, il est bas pour les autres, qui forment la très grande majorité de la population : 55 % selon la direction de la recherche du ministère. Il ne me paraît pas souhaitable d'écarter progressivement de l'assurance maladie ceux qui dépensent peu : aucun assureur privé ne souhaiterait se séparer de ses assurés dont le rapport sinistres-prime est le plus favorable !

La maîtrise des dépenses de l'assurance maladie ne va pas sans celle des dépenses de santé, qui représentent aujourd'hui 12 % du Pib. Il faut revoir les processus de soins, en gardant à l'esprit le double objectif de qualité des soins et de maîtrise des coûts. Nous sommes parvenus à réduire de 13 % le coût de la vaccination contre la grippe saisonnière en permettant aux infirmières de se charger des primo-vaccinations. Nous pourrions économiser environ 10 % du coût de la plupart des processus de soins, mais ceux-ci sont extrêmement nombreux et la tâche est lourde.

On constate de très fortes disparités régionales dans le recours aux soins, qui ne sont pas liées à l'état de santé de la population : en région Paca, il est supérieur de 13 % ou 14 % à la moyenne ; en Pays-de-Loire, il est inférieur de 10 %. On observe notamment des écarts dans le recours à la chirurgie des varices, aux arrêts de travail, aux médicaments génériques, à la prévention du cancer du sein. Ils s'expliquent par des habitudes de consommation mais aussi par l'offre existante, qui devrait être mieux pilotée.

Le système français est également très hospitalo-centré : les soins délivrés en établissement y sont supérieurs de 10 % à la moyenne des pays de l'OCDE. Rien ne changera si le taux de progression de l'Ondam hospitalier reste égal à celui de l'Ondam de ville. La loi HPST permet d'organiser la médecine de ville mais les efforts seront vains si l'on ne tire pas les conséquences sur l'Ondam du report de soins de l'hôpital vers la ville. Inversement, les soins de suite et de réadaptation, en aval de l'hospitalisation, ne doivent pas prendre la place de la médecine de ville. Tout cela suppose une tarification à l'activité performante, et la possibilité de sanctionner les établissements qui facturent par exemple 800 euros des examens de cardiologie d'effort ou de champ visuel qui en valent 80 par application d'un tarif de GHM ! Le risque, si l'on ne maîtrise pas les volumes, est de voir se développer une concurrence fondée sur la baisse des tarifs, au détriment de la bonne organisation des soins. Le même problème se pose pour l'hospitalisation à domicile, censée se substituer au séjour en établissement pour certains malades, et qui ne doit pas concerner des accouchées sorties d'hôpital au bout de trois jours, au terme d'une grossesse physiologique ! L'enjeu est de fournir au meilleur prix une offre de soins adaptée aux besoins des patients. Pour cela, il faut un contre-pouvoir fort, capable de s'opposer aux récalcitrants.

Des gains de productivité pourraient être réalisés dans les domaines de la biologie médicale et de la radiologie. Une économie de 200 millions d'euros est prévue dans ce PLFSS ; pour atteindre cet objectif, j'ai accéléré la réforme tarifaire de la biologie médicale : le prélèvement sera financé à hauteur de 8 euros, mais les tarifs de la biologie seront revus à la baisse afin que la multiplication des actes réalisés sur la base d'un seul prélèvement n'aboutisse pas à l'inflation des dépenses. Nous n'avons fait là que suivre le modèle adopté par les Allemands depuis des années. Dans le domaine de la radiologie, j'ai convoqué une commission de hiérarchisation des actes. Il faut supprimer le supplément de numérisation, devenu obsolète, et appliquer l'abattement de 50 % sur le forfait de scanner en cas de forfait multiple. Quoi qu'en disent les intéressés, ces mesures ne sont pas de nature à mettre en péril l'équilibre général de ces professions, dont le chiffre d'affaires continue à augmenter, mais elles pourraient encourager des restructurations : les tarifs de la biologie ont été conçus de manière à protéger le prélèvement local tout en incitant à l'industrialisation du back office.

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