Il s'agit du dossier de l'amiante et, en cette affaire, MM. Dériot, Godefroy et Milon sont autrement compétents que moi. Je rappelle cependant que nous souhaitions maintenir la situation actuelle des victimes de l'amiante vis-à-vis de la retraite. Or, vous voyez l'objet de l'amendement du Gouvernement : ce ne serait désormais le cas qu'« à condition qu'ils aient travaillé dans un établissement listé pendant une durée minimale fixée par décret » et « la préretraite sera prolongée à due concurrence compte tenu du relèvement de l'âge de la retraite ». Le seul débat porte sur la durée d'exposition.
Les amendements identiques de MM. Godefroy, Milon et Dériot, auxquels nous avons précédemment donné un avis favorable, tendent à un strict maintien des conditions actuelles ; l'amendement du Gouvernement, lui, met en place une réforme profonde et, en alignant progressivement la majorité des victimes de l'amiante sur l'âge de soixante-deux ans, impose une charge nouvelle à la branche AT-MP.
Il y a actuellement 32 000 allocataires du fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata), 5 000 entrées annuelles et 6 000 sorties - le fonds s'éteindra progressivement. Les allocataires restent en moyenne quatre ans dans le dispositif, 90 % d'entre eux en sortant à soixante ans, 10 % seulement y entrant après cinquante-neuf ans, soit qu'ils aient continué à travailler pour ne pas perdre 35 % de leurs revenus, soit qu'ils n'aient pas été exposés trois ans à l'amiante.
Le dispositif prévu par l'amendement du Gouvernement ne paraît pas équitable. Il n'existe aucun lien entre la durée d'exposition à l'amiante et le risque en matière de maladie. Un cadre peut avoir passé quarante ans dans une entreprise utilisant l'amiante sans y avoir été physiquement exposé et un ouvrier y avoir travaillé trois mois seulement, mais en inspirant les fibres de l'atelier. Or, il suffit d'une seule fibre pour provoquer un cancer ou un mésothéliome, qui laisse une espérance de vie de douze à dix-huit mois. Ces maladies se déclarent en général autour de l'âge de soixante ans comme l'a établi le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva).
On sait que 40 % des pathologies liées à l'amiante se déclarent avant soixante ans. Limiter la possibilité de départ en retraite des personnes exposée moins longtemps n'est donc pas de bonne justice. En outre, nous n'avons aucune information sur les durées que le Gouvernement envisage de retenir dans les deux décrets prévus par son amendement.
Par ailleurs, cet amendement applique la réforme des retraites pour la sortie du dispositif. Les 90 % de victimes qui auront tous leurs trimestres cotiseront deux ans de plus et ceux qui devront attendre l'absence de décote partiront à soixante-sept ans. Cela signifie que le Gouvernement organise un transfert de charge de la branche vieillesse vers le Fcaata, donc vers la branche AT-MP. Celle-ci estime le coût total à plus de 2 milliards. En l'absence de négociation avec les partenaires de la branche et les associations de victimes, ce transfert n'est pas opportun.
Je vous propose donc que nous maintenions l'avis positif de la commission sur les amendements de nos collègues qui ont le mérite de la simplicité et que nous donnions un avis défavorable à celui du Gouvernement.