Je me livrerai à un bref exposé liminaire, avant de faire un point sur l'application de la LMAP et enfin de répondre à vos questions. La politique que je mène depuis deux ans répond à trois objectifs principaux. Le premier consiste à améliorer la compétitivité de notre agriculture, grâce à la maîtrise du coût du travail, à la modernisation et à la réorganisation des filières : c'est indispensable, si nous voulons maintenir des exploitations de taille raisonnable sur tout le territoire, offrant des produits de qualité. Il faut aller vite, car les concurrents n'attendent pas, qu'il s'agisse des Allemands ou des Brésiliens.
Mon deuxième objectif est de préserver une politique agricole commune (PAC) forte : il faut d'abord maintenir son budget, ce qui sera difficile en ces temps où l'argent public est rare ; le soutien des parlementaires nationaux et européens sera précieux. Il faut ensuite organiser une régulation européenne des marchés : sur ce terrain, nous avons gagné une belle bataille, car l'idée d'une libéralisation totale des marchés agricoles, dominante il y a deux ans, est désormais abandonnée. Enfin, il faut rendre à la PAC sa légitimité aux yeux des citoyens en la mettant au service d'une agriculture durable, donc en « verdissant » les aides.
Mon troisième objectif est, dans le cadre du G20, de lutter contre la volatilité des prix agricoles. Il faut encore vaincre les réticences de la Chine et de l'Australie, mais lors d'un voyage à Brasilia il y a deux jours, j'ai réussi à persuader les dirigeants brésiliens, à la tête d'un des plus grands pays agricoles du monde, de la nécessité d'une telle politique. Les 22 et 23 juin prochains se tiendra le premier sommet agricole du G20 ; je souhaite qu'il soit l'occasion de lancer un plan d'action pour l'agriculture mondiale.
C'est dans ce contexte que s'inscrit la LMAP, qui n'est pas à elle seule un remède miracle aux maux de l'agriculture, mais qui comprend des mesures indispensables pour renforcer sa compétitivité. Sur les 93 articles qui contiennent des dispositions autres que le renvoi à des ordonnances, 73 sont déjà entièrement entrés en vigueur. Toutes les mesures phares de la loi ont été mises en place.
S'agissant de l'alimentation, j'ai présenté en septembre dernier le programme national pour l'alimentation (PNA) comprenant 85 mesures concrètes destinées à améliorer l'offre alimentaire, à valoriser notre patrimoine culinaire et à transmettre aux jeunes la culture du goût et de la table. D'ici fin avril sera publié un décret imposant le respect des règles nutritionnelles dans la restauration collective. C'est un enjeu planétaire : Mme Michelle Obama et l'administration américaine sont mobilisés pour réduire l'obésité des Américains, en particulier des enfants et parmi les catégories populaires. La France, parmi les pays développés, est l'un de ceux où l'obésité progresse le moins vite. Ne baissons pas la garde, mais renforçons les règles alimentaires et favorisons les circuits courts : malgré sa complexité et son coût pour les collectivités, une telle politique est indispensable.
Dans le domaine agricole, la loi vise d'abord à maintenir le revenu agricole grâce aux contrats. Deux décrets, entrés en vigueur respectivement le 1er mars et le 1er avril, les ont rendus obligatoires pour les fruits et légumes et le lait. Cette nouveauté suscite naturellement des réticences. En ce qui concerne les fruits et légumes, le problème principal concerne les marchés d'intérêt national, en particulier dans le Sud-ouest ; une adaptation est nécessaire. Pour ce qui est du lait, les producteurs sont à présent convaincus des bienfaits de la contractualisation, mais les premiers contrats proposés par des industriels sont tout bonnement inacceptables. J'ai nommé un médiateur des contrats qui veillera à ce qu'ils soient équitables. D'ici la fin juin, nous nous efforcerons de mettre en place une contractualisation entre les filières végétales et animales, afin de lisser les coûts de l'alimentation animale. J'ai installé en novembre dernier l'Observatoire des prix et des marges, dirigé par M. Philippe Chalmin ; il a rendu en janvier des travaux préliminaires sur la viande bovine, qui ont eu le mérite de montrer que les éleveurs étaient les seuls à ne pas pouvoir répercuter sur leurs prix la hausse de leurs coûts de production. Je me bats pour qu'un accord soit signé avec la grande distribution.
La loi a pour deuxième objectif d'améliorer la compétitivité des exploitations. Un décret a été publié pour faciliter les regroupements d'exploitations d'élevage en réduisant les délais d'autorisation, tout en maîtrisant les risques environnementaux, notamment en Bretagne. Le décret qui classe la méthanisation parmi les activités agricoles est également paru ; le Premier ministre a également accepté d'aligner le tarif de rachat du biogaz sur celui qui prévaut en Allemagne. J'ai demandé au président du Crédit agricole de soutenir les projets de ce type, qui coûtent entre 300 000 et 800 000 euros. Il faut rattraper notre retard sur l'Allemagne : nous ne comptons qu'une vingtaine d'exploitations équipées, contre 4 000 outre-Rhin.
La loi vise enfin à pérenniser notre agriculture. Les commissions départementales de la consommation des espaces agricoles ont été installées, et la taxe sur le changement d'affectation des terres agricoles a été créée.
Il existe cependant un point de blocage dans l'application de la loi : sur la réassurance publique, les travaux sont en cours, mais je ne suis pas satisfait de leur avancement ; je me bats au niveau interministériel pour obtenir des arbitrages favorables sur ce sujet qui m'importe beaucoup, comme au président Emorine.
Sur la forêt, la loi est bien mise en application: les plans régionaux de développement forestier sont en cours d'élaboration, et le décret instituant le comité de gestion des risques en forêt a été publié : il permettra de valider le dispositif assurantiel destiné à mieux protéger les propriétaires.
Pour ce qui est de la pêche, le décret instituant le comité de liaison scientifique et technique paraîtra bientôt ; ce comité sera mis en place avant l'été et permettra de préparer les négociations sur les taux admissibles de capture (TAC) et les quotas.
En ce qui concerne l'outre mer, les règles de préservation des espaces agricoles seront durcies par une ordonnance qui sera transmise au Conseil d'État d'ici à la fin de la semaine : dans ces départements, l'avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles devra être conforme.
La LMAP est donc d'ores et déjà appliquée aux neuf dixièmes. Des problèmes se posent encore sur la réassurance publique et les contrats, mais dans ce dernier domaine je ne suis pas inquiet, car les producteurs ont compris qu'ils pourraient avoir plus de visibilité sur leurs revenus grâce au mécanisme contractuel.