Intervention de Bruno Le Maire

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 12 avril 2011 : 1ère réunion
Application de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche — Audition de M. Bruno Le maire ministre de l'agriculture de l'alimentation de la pêche de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Bruno Le Maire, ministre :

Je tiens tout d'abord à féliciter Gérard César pour le colloque qu'il a organisé sur les droits de plantation. Je ne saurais trop inciter les parlementaires à prendre ce genre d'initiatives pour défendre notre vision de l'agriculture.

Le médiateur des contrats est Pierre Lepetit, inspecteur des finances. Une page lui a été dédiée sur le site du ministère. Il est chargé de veiller à ce que les contrats respectent la loi, et sa mission durera jusqu'à ce qu'ils soient en place, ce qui prendra probablement quelques années.

Sur l'assurance, le taux de couverture est en progression : 26 % des surfaces pour les grandes cultures, 13,7 % pour la viticulture, 10,7 % pour les fruits et légumes. La couverture par l'assurance reste faible pour l'arboriculture. Sur la réassurance publique, nous nous heurtons à des problèmes techniques - il faut définir le seuil au-delà duquel les assureurs privés ne peuvent plus assumer leur charge - et, je l'avoue, aux réticences du ministère des finances. Plus les assureurs privés limitent leur participation, plus Bercy rechigne. Mais j'espère que des mesures seront prises avant la fin de l'année.

Joël Bourdin, deux sortes de contractualisation entre filières se mettent en place. L'une entre les différents échelons des filières animales -producteurs, abatteurs, grande distribution- comme celle mise en place en février par l'interprofession ovine pour sécuriser les producteurs. L'autre contractualisation se fait entre les filières de la viande et celles des céréales ; nous travaillons à un modèle de contrat sur les prix alimentaires et qui devra être mis en place avant le 1er juillet. Ces prix ont augmenté de 30 à 40 % et je ne vois pas d'autre solution que des engagements pris par les céréaliers, sur plusieurs années, en faveur d'un coût raisonnable des fournitures alimentaires.

Roland Courteau, dans le règlement européen en matière d'obligation d'indication d'origine, nous sommes parvenus à un accord sur les produits bruts pour les viandes de porc et de volaille ; sur les produits transformés, je souhaite que nous allions plus loin mais nous sommes là dans une négociation qui sera longue.

Sur les circuits courts : le décret portant modification du code des marchés publics -et améliorant en conséquence la procédure des appels d'offre- doit être publié avant l'été. Cela prend du temps car c'est une modification d'envergure qui requiert l'accord de Bercy ; nous sommes sur le point de parvenir à un consensus. Les choses ont bien progressé ces derniers mois, par exemple en région Rhône-Alpes, et la modification de juillet prochain apportera un coup d'accélérateur supplémentaire. C'est une question qui dépasse le monde agricole, il y a là une vraie demande de nos concitoyens qui souhaitent se réapproprier l'origine de leur alimentation.

Ladislas Poniatowski, sur l'élevage, je serai un peu brutal : certaines décisions auraient pu être prises plus tôt, si bien qu'il n'est que temps de réorganiser cette filière pour améliorer sa compétitivité et, donc, le revenu des producteurs. Ce n'est plus une subvention ni un plan de soutien qui sauvera les éleveurs. Ce qui les sauvera, c'est le prix. Or, le prix du kilo de viande bovine est correct ; c'est le plus élevé des trois dernières années. Mais, comme le niveau de vie des producteurs est extrêmement bas -c'est le plus bas de toutes les filières agricoles- cela ne rend pas leur situation plus supportable.

Nous avons besoin d'éleveurs en France. En ce moment, certains mettent en cause la viande, l'élevage, prétendant qu'il conviendrait d'abandonner l'élevage bovin ou porcin en France. Ce serait de la folie et je me battrai pour garder ces emplois, cette activité et ce savoir-faire sur notre territoire.

Il n'y a pas de solution miracle unique. La solution réside dans une série de décisions qui sont en train d'être prises et qui permettront des prix plus rémunérateurs. Ce sont les contrats inter filières dont j'ai parlé, c'est un accord auquel je travaille avec la grande distribution sur une indexation des prix selon le coût de l'alimentation animale. Il devrait intervenir avant le 15 mai et permettrait de répercuter - à la hausse comme à la baisse, car il faut tenir compte de l'intérêt des consommateurs - la variation des prix de production. Je ne le garantis pas car c'est un accord difficile à obtenir, mais il changerait grandement la situation des producteurs.

Nous allons développer la méthanisation, après avoir aligné le tarif de rachat du biogaz sur le tarif allemand.

Nous avons aussi débloqué certains marchés à l'exportation. Par exemple, depuis deux ans je travaille à faire lever l'embargo russe sur la viande bovine, embargo mis en place il y a plus de quinze ans lors de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Il y a quelques semaines je suis allé avec le Premier ministre en Russie et j'ai enfin obtenu la levée de cet embargo, après un difficile combat politique avec mon homologue et avec M. Vladimir Poutine. Mais ensuite, lorsqu'une région russe demande à nos producteurs de bovins français de lui fournir 1 000 bêtes, ils en sont incapables, faute d'être regroupés ! Je fais le maximum mais la filière doit vraiment faire un effort d'organisation. Lorsqu'un négociant chinois réclame 30 ou 40 millions de bouteilles de vins, les viticulteurs français, sont suffisamment organisés pour les leur fournir. Ils ne l'étaient pas il y a cinq ou dix ans, mais ils se sont regroupés. Pour la filière de viande bovine, la solution passera par la mise en place d'un GIE export, sinon les contrats continueront à nous passer sous le nez.

La filière doit aussi travailler sur la compétitivité des abattoirs et sur les transports ; nous avons enfin obtenu le décret sur la circulation des 44 tonnes, qui fait gagner 10 centimes par kilo de carcasse. C'est l'addition de toutes ces décisions, difficiles mais nécessaires, qui permettront d'augmenter les prix payés aux éleveurs.

Marcel Deneux, sur l'ostéopathie et la dentisterie équine, je me félicite que les sénateurs vous aient répondu, cela me facilite la tâche. En effet, il n'y a pas de qualification ni de diplôme ; il est donc normal d'assurer un minimum de contrôle mais on peut y associer davantage les représentants professionnels.

Gérard Bailly, vis-à-vis de la GMS (grande et moyenne surface), la bonne logique est une logique de filière. Il faut la convaincre de jouer le jeu -voire la sanctionner si elle ne le fait pas- en veillant à ne pas braquer des distributeurs qui représentent 85% des débouchés de nos produits agricoles. La pierre d'achoppement de ce travail commun entre production et distribution sera la possibilité de parvenir, ou non, à un accord sur l'indexation des prix en fonction du coût de l'alimentation pour la filière élevage. On verra si les distributeurs acceptent de jouer le jeu...

Christian Poncelet, lorsqu'une négociation a abouti et que l'accord n'est pas respecté, il peut y avoir sanction. C'est ce qui se passe pour l'accord sur la réduction des marges, ou la suppression de toute marge, en cas de crise : si l'accord n'est pas respecté, nous augmentons la taxe sur les surfaces commerciales. On peut envisager des sanctions similaires si la grande distribution ne joue pas le jeu.

Rémy Pointereau, en matière de coût du travail, nous avons fait la moitié du chemin en exonérant de toute charge patronale le travail agricole occasionnel, ainsi ramené de 12,39 à un peu plus de 9 euros l'heure ; pour le budget de l'État, le coût annuel de cette mesure est de 486 millions. Reste le coût du travail permanent que je souhaite également alléger. Au congrès de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), à Saint-Malo, le Premier ministre a annoncé que nous avancerions dans ce sens. La bonne méthode est d'inscrire cette mesure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012 pour application à partir du 1er janvier 2012. Je sais qu'une proposition de loi de Jean Dionis du Séjour traite du sujet mais je la désapprouve car elle n'est pas conforme au droit européen et je ne veux pas laisser voter un texte qui serait « retoqué » par Bruxelles, obligeant un jour les agriculteurs à rembourser les aides qu'ils auraient reçues. Je lui préfère une mesure plus ciblée mais efficace et applicable au 1er janvier 2012.

Yannick Botrel, sur la contractualisation : contrairement à ce que j'entends dire, les producteurs peuvent se regrouper en organisations de producteurs. Rien n'a changé. Mais j'ai demandé une modification du droit européen de la concurrence -et je l'ai obtenue- afin qu'ils puissent se regrouper dans des organisations plus larges. Fallait-il attendre cette modification du droit européen pour qu'ils puissent s'organiser ? Mieux vaut mettre en place des contrats tout de suite : si l'on attend une année après la publication de la loi, la Commission européenne pourrait prendre prétexte de l'absence de contrats pour ne pas modifier le droit de la concurrence. Je préfère donc laisser aux producteurs la possibilité de se regrouper dans le cadre juridique actuel, et faire passer des contrats, qui seront modifiables lorsque le droit de la concurrence sera remodelé : ils pourront, alors, se regrouper davantage sans difficulté.

J'ai lu chacun des contrats proposés aux producteurs. Il en est de bons, il en est de mauvais. Un industriel a notamment proposé de suspendre tout le contrat si le producteur exerce une activité syndicale ou manifeste contre lui. C'est évidemment une inacceptable atteinte au droit syndical. Je demande donc à cet industriel, dont je tairai le nom, de revoir sa copie. Il s'agit d'un seul industriel, même s'il n'est pas des plus négligeables... D'autres industriels ont proposé de bons contrats. Sur le double volume et le double prix, actuellement, l'industriel achète un volume A qui correspond au quota alloué au producteur et un volume B de dépassement du quota, qui donne lieu à des pénalités pour dépassement. Je préfère que le prix du volume B soit plus faible mais payé au producteur.

Philippe Leroy, sur la forêt je suis partisan qu'on accélère le rythme des groupes de travail sur les schémas de massif. Le droit de préférence est déjà opérationnel pour lutter contre la fragmentation des massifs mais nous rencontrons un problème d'application qui impose de modifier le texte. L'article 64 crée des gestionnaires forestiers professionnels afin de revenir sur le monopole de fait de la centaine d'experts actuels. Mais le nouveau statut doit être juridiquement irréprochable. Nous y travaillons donc encore avant de soumettre le décret au Conseil d'État, ce qui prendra encore un peu de temps.

René Beaumont, je suis d'accord avec vous sur le Conseil national de la normalisation. Il a remis un avis. C'est son travail. Le mien, c'est d'assumer un choix politique auquel je crois. C'est une chance pour notre pays d'être un de ceux où le taux de personnes en surpoids est un des plus faibles de l'OCDE. D'où la nécessité d'une éducation à la nutrition dès le plus jeune âge, et de règles nutritionnelles plus simples et obligatoires. On aidera les collectivités mais il ne faut pas revenir sur la nécessité de se battre pour la qualité nutritionnelle de l'alimentation des enfants.

Je ne dispose pas des conclusions des études sur la maladie de la vigne mais nous regarderons comment, sur l'esca, les choses peuvent progresser.

Nicole Bonnefoy, j'ai la volonté de développer encore davantage les circuits courts. La machine a bien démarré, le décret sur le code des marchés publics doit sortir avant l'été. L'affaire du seuil de 20 000 euros est compliquée.

Jean-Marc Pastor, lorsque vous avez abordé le sujet des OGM, j'ai pensé à la caricature en deux temps sur l'affaire Dreyfus : « Surtout n'en parlons pas » et « Ils en ont parlé... ». Je ne suis pas sûr qu'il faille reprendre le débat. Mais je suis favorable aux recherches sur les biotechnologies, y compris sur les OGM. Prenons garde qu'un certain dogmatisme ne pousse pas l'abandon d'un domaine de recherche indispensable à l'avenir de notre agriculture ! (Applaudissements). Je reviens du Brésil qui a opté massivement pour ces OGM, ce qui n'est pas le cas de l'Europe. Mais nous importons de ce pays pour 20 milliards de produits agricoles, dont des aliments pour animaux, par exemple du soja contenant des traces d'OGM. Si nous abandonnons la recherche, comment contrôlerons- nous ces produits ? Le saccage d'essais de vigne transgénique à Colmar est inacceptable. Des individus ont détruit le résultat de cinq années de travail. J'ai demandé à l'INRA de reprendre ses travaux mais j'ai du mal à convaincre les chercheurs, qui sont découragés. Dès lors que la recherche sur les OGM, y compris en plein champ, est encadrée et soumise à l'autorisation préalable du Haut Conseil des biotechnologies, elle doit être respectée. Je ne transigerai pas là-dessus.

Ambroise Dupont, je défends le taux réduit de TVA sur l'élevage. Mais le danger est celui d'une condamnation de la France au niveau européen. J'ai donc formé un groupe de travail pour réfléchir à ce que doit être notre réaction dans cette hypothèse.

Patricia Schillinger, j'ai demandé un audit sur tous les abattoirs français, qui sera terminé cet été. Nos abattoirs connaissent un double problème : les normes et le coût du travail. Nous voulons améliorer ce dernier mais sans tomber dans le moins-disant social à l'instar de ces abattoirs allemands dont certains, parmi les plus importants, emploient, en contrats de service, 96 % d'étrangers sous-rémunérés. C'est socialement inacceptable et nous n'adopterons pas ces méthodes. Le travail en abattoir, pénible et qualifié, mérite mieux qu'une rémunération de 5 à 6 euros de l'heure. Pour améliorer la compétitivité de nos abattoirs, il existe d'autres solutions : une meilleure organisation s'impose ainsi que, à terme, une harmonisation sociale européenne.

J'ai mis en place des contrôles sur tous les produits agricole du Japon mais nous en importons très peu. Et j'ai demandé à Bruxelles d'harmoniser les contrôles des produits japonais entrant eu Europe.

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