Intervention de Philippe Dominati

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation — Réunion du 9 juin 2010 : 1ère réunion
Crédit à la consommation — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Philippe DominatiPhilippe Dominati, rapporteur :

Notre commission a examiné cette réforme en première lecture il y a exactement un an.

Hélas, l'encombrement du calendrier législatif a ralenti le processus à l'Assemblée nationale. Ses quatre commissions ont rendu leurs rapports en décembre, la commission des affaires économiques étant saisie au fond, celles des affaires sociales, des finances et des lois l'étant pour avis. Commencé fin mars, le débat en séance publique s'est achevé le 27 avril.

Nous entamons aujourd'hui la deuxième lecture du texte.

Notre assemblée avait transmis 51 articles aux députés, qui en ont voté 5 conformes, en ont modifié 46 et ajouté 12. Nous devons donc examiner aujourd'hui 58 articles, alors que le texte initial en comportait 34.

La rédaction de l'Assemblée nationale ne diffère pas sensiblement de celle que nous avions adoptée. C'est pour nous une grande source de satisfaction attestant la qualité du travail conduit par la commission spéciale pour aboutir à un compromis équilibré. D'ailleurs, le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. François Loos, a reconnu « l'apport substantiel du Sénat. »

Notre assemblée s'était mobilisée depuis longtemps sur ces sujets, ce dont témoignent cinq propositions de loi déposées peu de temps avant ce texte. Tous leurs auteurs - notre président M. Marini, M. Biwer, M. Revet, Mme Bricq, M. Mercier - ont largement contribué à l'élaboration du texte voté par le Sénat en première lecture sur un sujet critique pour nombre de nos concitoyens.

Je veux également rendre hommage à Mme la ministre de l'économie, dont nous connaissons l'implication sur ce dossier malgré une conjoncture internationale particulièrement agitée. Les avancées que nous voulons entériner aujourd'hui doivent beaucoup à sa ténacité.

Le texte initial poursuivait plusieurs objectifs : transposer la directive du 23 avril 2008 sur le crédit aux consommateurs ; réduire le malendettement en diminuant la part du crédit renouvelable au profit du crédit amortissable ; améliorer le traitement du surendettement.

En première lecture, nous avions estimé utile de compléter ce bon projet pour lui permettre de donner sa pleine mesure. Trois innovations majeures avaient été introduites.

Le premier ajout a trait à la réforme des seuils de l'usure. À mon sens, la régulation d'une économie moderne doit provenir du marché, sous le contrôle d'organes chargés d'assurer la concurrence, outre l'intervention du juge pour défendre les intérêts individuels. Les pays voisins vivent pour la plupart selon ce schéma, dont l'application aurait supprimé le régime de l'usure. L'opinion n'y étant pas prête, nous avons adopté une solution intermédiaire avec un taux de l'usure dépendant non de la catégorie du produit, mais du montant prêté. À cet effet, le fondement législatif de cette transformation s'accompagne d'une période transitoire de deux ans au maximum, avec une gestion administrée des taux devant éviter un éventuel effondrement brutal du crédit. Enfin, un comité ad hoc supervisera la réforme et vérifiera les marges des établissements de crédit. L'Assemblée nationale a repris ce dispositif quasiment sans le modifier.

Le deuxième ajout concerne le fichier positif, dont nous avons beaucoup débattu. Après avoir entendu des avis contrastés, nous avons effectué un déplacement en Belgique pour approfondir la réflexion. Je n'étais pas alors absolument convaincu de l'efficacité de ce dispositif pour combattre le surendettement, mais notre commission a trouvé une solution de compromis : le principe d'une création à terme de ce fichier est affirmé tout en ménageant le temps de l'évaluation, de la concertation et de la réflexion. L'Assemblée nationale a largement approuvé ce dispositif après de vifs débats. Finalement, un amendement gouvernemental a permis l'accord en prévoyant un rapport sur la création d'un registre national des crédits aux particuliers, qui sera remis au Gouvernement et au Parlement un an après la promulgation de la loi - alors que le Sénat avait adopté un délai de trois ans - un comité devant préfigurer la création envisagée. Mme Lagarde a précisé aux députés la composition de cette dernière instance, où toutes les parties prenantes seraient représentées, notamment les associations de consommateurs. Notre assemblée avait confié l'élaboration du rapport à la commission créée à l'article 33 A pour évaluer la loi. Le travail de compromis s'est donc poursuivi à l'Assemblée nationale.

Le troisième ajout porte sur le micro-crédit social, car plusieurs auditions nous avaient convaincu de recentrer le micro-crédit personnel sur sa finalité sociale, afin qu'il contribue au maintien ou au retour vers l'emploi et qu'il puisse soutenir tout projet d'insertion sociale. Il nous avait semblé important que le fonds de cohésion sociale finance les garanties, mais aussi les dépenses d'accompagnement des bénéficiaires. L'Assemblée nationale a suivi le Sénat et complété le dispositif pour favoriser la relance du micro-crédit.

Sur le reste du texte, les députés ont maintenu l'essentiel des enrichissements apportés par le Sénat, qui s'orientaient dans quatre directions principales.

Ainsi, l'information et la protection du consommateur seront renforcées, puisque la fiche de dialogue devra être accompagnée des justificatifs nécessaires. Elle ne pourra être utilisée par le prêteur contre l'emprunteur ayant commis des erreurs ou des omissions.

Nous avons aussi clarifié les relations entre commerce et crédit par une meilleure confidentialité des opérations sur le lieu de vente, une meilleure formation du personnel et en facilitant le contrôle des prescriptions par l'autorité administrative. En outre, le consommateur désirant régler à crédit des achats devra systématiquement disposer d'une offre alternative de crédit amortissable si on lui propose un crédit renouvelable.

En outre, pour soutenir le crédit amortissable, nous avons facilité l'application de la loi Chatel sur la résiliation d'office d'un crédit renouvelable inutilisé.

Enfin, nous avons harmonisé la prise en charge du surendettement et développé un suivi social plus étroit des intéressés, avant de rendre plus favorables aux emprunteurs les règles régissant le fichier national des incidents de remboursement de crédits aux particuliers (FICP).

De son côté, l'Assemblée nationale a enrichi le texte.

Elle a proposé une consultation annuelle du FICP, complétée par un examen complet de solvabilité tous les trois ans, afin de vérifier régulièrement la solvabilité des emprunteurs ayant souscrit un crédit renouvelable. S'ajoute une meilleure transparence de l'offre assurancielle avec une information claire sur son coût et l'obligation de motiver le refus de délégation d'assurance en matière de crédits immobiliers. Les députés ont aussi ajouté un mécanisme d'alerte préventive dans le fonctionnement du FICP. Enfin, les débiteurs dont le dossier a été jugé recevable seront mieux protégés contre d'éventuelles mesures d'expulsion.

Les députés ont également adopté plusieurs amendements du Gouvernement, dont certains tendaient à mettre en oeuvre les conclusions auxquelles est déjà parvenue Mme Cohen-Branche, magistrat à la Cour de cassation, qui travaille à un rapport sur les relations entre les banques et les personnes surendettées.

Enfin, l'Institut national de la consommation a été réformé sur la base des préconisations formulées en octobre par les Assises de la consommation.

Le texte résultant de ces travaux me paraît très largement satisfaire nos objectifs en première lecture, avec un compromis équilibré entre les parties concernées. Il me semble que l'absence d'amendements à ce stade exprime bien cet équilibre. Je vous propose donc d'adopter conforme ce projet de loi dans la rédaction de l'Assemblée nationale, ce qui permettra d'appliquer sans tarder un texte très attendu, mais aussi de respecter - ou presque ! - les délais de transposition, puisque la directive européenne aurait dû être transposée au plus tard le 12 mai 2010.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion