Intervention de Marie-Thérèse Hermange

Commission des affaires sociales — Réunion du 10 novembre 2010 : 1ère réunion
Recherches impliquant la personne humaine — Examen du rapport et du texte de la commission en deuxième lecture

Photo de Marie-Thérèse HermangeMarie-Thérèse Hermange, rapporteur :

Il est devenu rare que nous examinions un texte en deuxième lecture. Je salue donc l'initiative de notre collègue député Olivier Jardé, auteur de la proposition de loi, qui nous donne l'occasion d'un travail approfondi.

Ce texte propose de réformer la loi Huriet-Sérusclat de 1988, modifiée par la loi relative aux recherches biomédicales de 2004, qui a posé le cadre de la recherche impliquant les personnes.

Lorsqu'un protocole de recherche prévoit une intervention sur l'homme, le promoteur, public ou privé, doit faire approuver l'objet de la recherche, sa méthodologie ainsi que les documents d'information remis aux participants, par un comité de protection des personnes (CPP). Au nombre de quarante, ces comités ont une compétence géographique ; ils sont composés de sept représentants de la société civile et de sept scientifiques. Ce double regard doit garantir la qualité de la recherche et le respect du droit des personnes. Les CPP peuvent demander la modification d'un protocole de recherche, voire le rejeter. Dans ce cas, un autre comité, choisi au hasard, pourra le réexaminer.

La proposition de loi élargit la compétence des CPP à l'ensemble des recherches impliquant les personnes, qu'elles soient interventionnelles ou observationnelles. Ces dernières faisant à ce jour l'objet d'un contrôle uniquement méthodologique, certaines recherches risquaient d'être abusivement qualifiées d'observationnelles par leur promoteur pour échapper au contrôle des CPP.

Les mesures tendant à simplifier la mise en oeuvre des recherches biomédicales, complétées par le Sénat en première lecture, n'ont fait l'objet que d'ajustements techniques lors du nouvel examen par l'Assemblée nationale. Je vous proposerai d'y apporter des précisions afin de conforter la protection des personnes.

Toutefois, un désaccord subsiste entre nos deux assemblées sur deux points : la nature du consentement en matière de « recherche interventionnelle à risque minime », et le renforcement des CPP.

En première lecture, nous avions collectivement souhaité que les personnes participant à la recherche le fassent en pleine connaissance de cause. Nous étions ainsi revenus sur la création par l'Assemblée nationale d'une catégorie de « recherches interventionnelles à risque minime » - par exemple, un régime protéiné -, qui aurait exigé non plus un consentement écrit, mais un simple consentement « libre et éclairé », exprimé oralement - celui qui est demandé à tout patient avant un soin.

Or, la recherche n'est pas le soin. Sa finalité est altruiste. Le malade qui y participe doit être conscient de cette distinction pour qu'il ne se fasse pas d'illusion sur le bénéfice à en attendre, et pour que s'établisse entre lui et le médecin-chercheur une relation de confiance. C'est pourquoi nous avions tenu à poser une distinction unique entre deux types de recherche : recherche interventionnelle et recherche observationnelle. La recherche exigera-t-elle du malade participant qu'il se soumette à une procédure qui ne relève pas des soins qu'il reçoit ou de sa prise en charge habituelle ? C'est la seule distinction qui importe. Or, en deuxième lecture, l'Assemblée nationale est revenue à son texte initial.

Deuxième point de discordance : les CPP. Le Sénat avait créé une commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, chargée d'assurer la coordination entre les CPP afin de renforcer la qualité et l'uniformité de leurs analyses. Nous l'avions chargée du deuxième examen des protocoles rejetés ; pour garantir son indépendance, nous l'avions rattachée à la Haute Autorité de santé (HAS), contre l'avis du Gouvernement.

Or, l'Assemblée nationale a supprimé ce rattachement à la HAS, ainsi que la distribution aléatoire des protocoles entre les CPP, pourtant demandée par ces derniers et par les associations de patients, qui mettait fin à la possibilité pour les promoteurs de choisir parmi les CPP géographiquement compétents, celui auquel ils préfèrent confier leur dossier.

Enfin, les députés ont supprimé l'article issu d'un amendement de Nicolas About tendant à interdire d'administrer la dose maximale d'un médicament sans lien avec la pathologie du patient.

Au vu de l'écart entre nos positions, je pense que nous ne pouvons ni nous rallier à la rédaction de l'Assemblée, ni espérer que notre texte initial sera retenu, d'autant que chaque chambre a adopté son texte à l'unanimité.

Pour rechercher un compromis acceptable par l'ensemble de notre commission, j'ai consulté nos collègues About, Godefroy et Autain qui s'étaient particulièrement investis lors de la première lecture du texte. J'en ai aussi longuement débattu avec les principaux acteurs de la recherche, dont l'expérience du terrain ne peut être négligée.

Notre mission première étant de protéger les droits des personnes, le principe du consentement écrit pour les recherches interventionnelles ne me paraît pas négociable. Il n'est pas concevable de permettre des recherches sans consentement réel des participants : cet âge de la science est heureusement révolu. Le consentement écrit est le meilleur moyen de garantir un consentement réel car il oblige au dialogue.

Néanmoins, les chercheurs sont attachés à une catégorie de « recherches interventionnelles à risque minime », qui se substituerait à celle des « recherches en soins courants », adoptée en 2004 dans le cadre de la loi sur les recherches biomédicales mais qui n'a jamais été clairement définie. Je vous propose donc de prévoir une procédure dérogatoire pour cette catégorie de recherches, permettant aux CPP de lever, au cas par cas, la nécessité du consentement écrit et de le remplacer par un simple consentement « libre et éclairé ». Faisons confiance aux CPP, qui sont composés pour moitié des représentants de patients.

La dérogation devra dépendre non du seul degré de risque, déterminé par les chercheurs, mais de la qualité de la procédure d'information et de dialogue avec le patient : le CPP ne prononcera la dérogation que s'il a la certitude que le consentement du patient sera véritablement libre et éclairé, que l'information fournie sera véritablement pédagogique. La faiblesse du risque est une condition nécessaire mais non suffisante.

Avec cette procédure dérogatoire, il est plus que jamais nécessaire de renforcer les CPP afin d'homogénéiser les pratiques et les niveaux de compétence. Pour cela, il me paraît indispensable de créer une instance centrale indépendante permettant une coordination réelle. La création d'une autorité administrative indépendante réunissant l'ensemble des CPP, que préconisait Claude Huriet, se heurte à l'article 40.

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