Intervention de Jean-Pierre Jouyet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 24 octobre 2007 : 1ère réunion
Union européenne -traité simplifié — Conseil informel de lisbonne

Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes :

a tout d'abord évoqué l'accord sur le nouveau traité.

La conférence intergouvernementale a achevé ses travaux dans des délais record, puisqu'elle a été ouverte en juillet pour s'achever en octobre. Il est vrai que ses travaux ont été facilités par le mandat précis et détaillé qui avait été défini par les chefs d'Etat et de gouvernement lors du Conseil européen des 21 et 22 juin dernier. Il faut cependant rendre hommage à la qualité du travail accompli par les experts juridiques issus des vingt-sept Etats membres, réunis sous l'autorité du directeur du service juridique du Conseil, notre compatriote Jean-Claude Piris, et à la présidence portugaise. Leurs travaux ont, en effet, permis de résoudre la plupart des difficultés d'ordre technique. Les principales questions qui restaient en suspens portaient sur les revendications britanniques concernant l'espace de liberté, de sécurité et de justice, les demandes de la Pologne d'inscrire le mécanisme dit de « Ioannina » dans les traités et d'obtenir un poste d'avocat général auprès de la Cour de justice des Communautés européennes et l'opposition de l'Italie à la nouvelle répartition des sièges au Parlement européen.

En ce qui concerne les demandes britanniques à l'égard de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, il a été notamment convenu de prévoir un délai de cinq ans, à partir de l'entrée en vigueur du nouveau traité, pour la mise en oeuvre de la procédure de recours en manquement à l'initiative de la Commission pour les actes relevant de la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Cette demande britannique a été d'autant plus facilement acceptée qu'elle était regardée avec bienveillance par d'autres Etats membres, a précisé M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes.

Les revendications polonaises étaient plus délicates. Il s'agissait, d'une part, d'inscrire dans les traités le mécanisme dit « de Ioannina », qui permet à un groupe d'Etats, qui approche la minorité de blocage, de demander la poursuite des discussions au Conseil pendant un délai raisonnable et, d'autre part, d'obtenir un poste d'avocat général auprès de la cour de justice des communautés européennes.

Malgré un contexte électoral délicat, le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, a pu dégager rapidement les bases d'un accord avec le Président polonais, M. Lech Kaczynski, le Président du Conseil italien, M. Romano Prodi, et la présidence portugaise. Selon cet accord, le mécanisme dit « de Ioannina » n'a été inscrit, ni dans le corps du traité, ni dans un protocole.

Il reste fixé dans une décision du Conseil, qui sera adoptée le jour de la signature du Traité, soit le 13 décembre prochain. Ainsi, la portée juridique du mécanisme de « Ioannina » n'est pas renforcée par rapport à la situation qui prévalait en 2004. Et il ne sera pas nécessaire de réviser les traités pour modifier ce mécanisme. Une décision du Conseil suffira.

Certes, un nouveau protocole sera annexé au traité sur le mécanisme de « Ioannina ». Mais ce protocole se borne à préciser que la décision de modifier le mécanisme de « Ioannina » doit être précédée par un débat au Conseil européen, lequel doit statuer par consensus, ce qui paraît logique lorsqu'on modifie la prise de décision au Conseil.

En réalité, a estimé M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes, il n'y a pas de véritable changement en la matière par rapport à la situation antérieure et il s'agit surtout d'un habillage pour satisfaire les revendications polonaises. En tout état de cause, le mécanisme de « Ioannina » reste une obligation de moyen et non une obligation de résultat pour le Conseil.

La deuxième revendication de la Pologne portait sur un poste d'avocat général auprès de la Cour de justice des Communautés européennes et il faut reconnaître qu'elle était légitime.

Alors que le nombre des juges à la Cour de justice est passé, avec l'élargissement de quinze à vingt-sept, le nombre d'avocats généraux était resté fixé à huit depuis 1995. Tous les grands pays disposaient du droit de désigner un avocat général, sauf la Pologne. Il n'était donc pas anormal de faire évoluer la situation actuelle.

Le Conseil européen a donc décidé de demander à la Cour d'augmenter le nombre d'avocats généraux, qui passerait de huit à onze. Parmi eux, six postes seraient réservés aux six grands Etats membres, dont la Pologne, tandis que les cinq autres seraient répartis sur la base d'une rotation égalitaire entre les vingt-et-un autres pays membres.

Il convient de souligner que cette question ne nécessite pas formellement une modification des traités. En effet, juridiquement, c'est au Président de la Cour de faire une telle proposition au Conseil. Une déclaration devrait donc être adoptée par le Conseil européen indiquant que, si la Cour de justice demande une augmentation du nombre d'avocats généraux, le Conseil donnera son accord.

La difficulté majeure restait la préoccupation italienne à l'égard de la nouvelle répartition des sièges au Parlement européen. Comme d'ailleurs cela avait été convenu tant dans le mandat que dans le traité constitutionnel, le Conseil européen a demandé au Parlement européen de présenter lui-même un projet « en vue d'ouvrir la voie au règlement de la question de la future composition du Parlement européen ». Sur proposition de ses deux rapporteurs, le Français Alain Lamassoure et le Roumain Adrian Séverin, le Parlement européen a adopté à une nette majorité, le 11 octobre dernier, une résolution sur ce sujet.

Ces orientations pour une nouvelle répartition des sièges au Parlement européen sont innovantes, car, même si elles restent fondées sur le principe de « proportionnalité dégressive », elles visent à mieux prendre en compte la réalité démographique de l'Union. Elles se sont toutefois heurtées à des difficultés d'ordre politique et émotionnel avec l'Italie, dont la démographie est sur une pente décroissante, puisque ce pays a perdu 4 millions d'habitants.

Afin de surmonter cette difficulté, il a été convenu dans une déclaration d'accorder un siège de député européen supplémentaire à l'Italie, et, afin de ne pas dépasser le plafond de 750 députés européens, il a été décidé, grâce à un compromis assez baroque, de ne pas comptabiliser le Président du Parlement européen, tout en ne le privant pas de son droit de vote.

a fait observer, à cet égard, que la nouvelle répartition des sièges était plus favorable à la France que celle prévue par le traité de Nice, puisque le nombre de députés européens français passerait de 72 à 74 et que l'écart se réduisait avec l'Allemagne, qui perdrait trois sièges, passant de 99 à 96 députés.

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