Le parc de places en CADA a connu une forte augmentation entre 2001 et 2005, passant de 5 282 places à 17 470 places, soit une croissance de 231 %. Entre 2006 et 2010, il n'y a eu que 3 940 places supplémentaires, soit une augmentation de 23 %. En 2011, le parc doit se stabiliser sur le chiffre de 21 410 places.
Quelle est, parallèlement, la situation du parc d'hébergement dit généraliste ?
Celui-ci comptait au 31 décembre 2009 : 39 442 places en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), 13 487 places en centres d'hébergement d'urgence (CHU), 4 048 places en centres de stabilisation (hors CHRS) et environ 13 025 places dans les hôtels, soit 70 002 places au total (hors places hiver, résidences sociales et maisons-relais). Il a connu, depuis cinq ans, une très forte croissance liée au PARSA, le Plan d'action renforcé pour les sans abri, décidé par le Gouvernement le 8 janvier 2007.
En outre, dans l'hébergement d'urgence généraliste s'applique le principe de l'inconditionnalité de l'accueil, qui prévoit que l'hébergement est offert à toute personne présentant une situation de détresse, quel que soit son statut. En revanche, en CHRS, il n'y a en principe que des personnes en situation régulière.
C'est donc naturellement sur ce parc, en expansion et ouvert à tous, que se reporte la demande d'hébergement de la part des demandeurs d'asile, qui suit un rythme d'augmentation rapide ces dernières années.
Comment mesurer le report des CADA vers le dispositif généraliste ?
Une enquête a été conduite fin 2009 par les services de l'Etat au niveau local dans les centres d'hébergement généralistes. D'après ses résultats, au 1er octobre 2009, les demandeurs d'asile étaient 1 662 dans le dispositif d'hébergement d'urgence généraliste, pris en charge par le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Ville et logement », et occupaient donc 6 % des places disponibles.
Cette prise en charge correspond à une dépense annuelle chiffrée par le Gouvernement à 20 millions d'euros sur le programme 177.
Rapportée à des crédits de 248 millions d'euros en loi de finances initiale pour l'hébergement d'urgence, la prise en charge des demandeurs d'asile stricto sensu représente 8 % de la dotation initiale du programme.
Cela peut paraître modeste mais cette dépense « indue » a aussi comme caractéristique d'être très peu maîtrisable, puisque, comme le souligne un rapport réalisé par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et le Contrôle général économique et financier (CGEFI), elle « joue, au fil des trimestres, le rôle de variable d'ajustement en fonction de l'afflux des demandeurs d'asile et du nombre de dossiers de demande d'asile traités ».
Or, le programme 177 se caractérise, de manière répétée, par une sous-budgétisation et, en conséquence, des réabondements budgétaires en cours d'année.
Sur l'exercice 2010, les crédits de loi de finances initiale du programme 177 ont été complétés par des reports (2,9 millions d'euros), des ouvertures en décret d'avance (110 millions d'euros) et en loi de finances rectificative (83,5 millions d'euros). Au total, 196,4 millions d'euros, sur 1 milliard d'euros, soit près de 20 % supplémentaires, pour l'action 2 « Actions en faveur des plus vulnérables » qui regroupe tous les crédits d'hébergement.
Ces réévaluations faisaient suite à celles des années précédentes : pour 2009, 180 millions complémentaires avaient abondé ce programme à l'occasion de trois décrets d'avances et de la loi de finances rectificative relative au plan de relance.
Quel bilan peut-on dresser de la gestion actuelle du dispositif ?
Le partage de fait de la responsabilité du dispositif d'hébergement entre les deux missions « Ville et logement » et « Immigration, asile et intégration » ne favorise pas une bonne gestion, du fait du cloisonnement des objectifs et des budgets.
Les auditions que nous avons tenues ont mis en évidence des lacunes très importantes s'agissant de la connaissance des parcs comme de leur occupation et une absence quasi-totale de coordination entre les administrations concernées.
Aucun critère ne semble présider à l'imputation des crédits sur le programme 303 plutôt que sur le programme 177, et inversement. Les dotations sont définies par rapport aux consommations des années précédentes et non en fonction de calculs effectués en vue d'une répartition cohérente de la charge de la demande d'asile.
Aucun système d'information fiable ne permet de recenser les effectifs de demandeurs d'asile présents dans les dispositifs d'hébergement d'urgence ou hébergés par leurs propres moyens. Les chiffres dont dispose l'administration sont déclaratifs et sont qualifiés « d'approximations ». Le rapport de l'IGAS et du CGEFI indique qu'un nombre indéterminé de demandeurs d'asile étaient accueillis en structures d'urgence financées sur les programmes 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration » ou 177 et que la répartition des autres demandeurs d'asile, hors CADA, entre les différentes situations en matière d'hébergement n'est pas connue.
Par ailleurs, l'absence d'unité de gestion entre les CADA, d'une part, et l'hébergement d'urgence, d'autre part, nuit à l'efficacité du dispositif global d'hébergement : des places en CADA peuvent être libres sans être rendues disponibles pour les autres publics à héberger tandis que le programme 177 subit des transferts de charge du fait de l'hébergement des demandeurs d'asile.
Les CADA étant traités à part, ils sont en outre exclus de certains dispositifs comme le financement de la rénovation et de l'humanisation des centres d'hébergement gérés par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).
La seule marque de collaboration entre les deux ministères concernés - intérieur et écologie - s'est manifestée par une circulaire en date du 31 janvier 2011 relative à la coopération entre les services intégrés pour l'accueil et l'orientation (SIAO) et les plates-formes régionales d'accueil et d'accompagnement des demandeurs d'asile.
S'agissant des CADA, nous nous sommes aperçus au cours des entretiens que nous avons menés que leur mode de gestion et de financement ne faisait l'objet d'aucune harmonisation. Ces structures sont gérées par différentes associations (notamment Adoma, l'AFTAM et France Terre d'asile) qui proposent des prestations différentes dans chaque établissement sans qu'aucune analyse des coûts ne permette d'ajuster les subventions accordées par l'Etat aux services effectivement dispensés, au préjudice de la bonne gestion des crédits.
C'est la raison pour laquelle le rapport réalisé par l'IGAS et le CGEFI indique, s'agissant de la répartition des enveloppes financières entre les CADA, qu'en l'absence d'outil d'analyse fonctionnelle et de références comparatives, il n'y a pas de juste allocation des ressources, révélant une dotation limitée pour certains centres, relativement généreuse pour d'autres.