Après un démarrage un peu difficile, le FSI est aujourd'hui une institution qui fonctionne bien mais qui requiert quelques ajustements. Je formulerai cinq principales observations au gré des transparents qui vous seront projetés.
Le FSI est tout d'abord un outil original et qui a démontré son utilité. Il ne s'est pas transformé en « infirmerie de campagne » en 2009 et 2010 et a joué son rôle de renforcement de la compétitivité des entreprises. Est-il pour autant un fonds souverain ? Les actionnaires et dirigeants du Fonds estiment que c'est le cas, mais pour la commission des finances, il paraît difficile de le considérer comme tel lorsqu'on a un déficit budgétaire de 7 % du PIB et 1 500 milliards d'euros de dette publique ! C'est ma première observation.
Ainsi que le rappelle la nouvelle lettre de mission assignée au directeur général du FSI, adressée le 9 mai dernier et d'ailleurs concomitante avec ma mission de contrôle, le FSI est un investisseur avisé soucieux de l'intérêt collectif, minoritaire et de long terme. Il intervient en fonds propres et quasi-fonds propres auprès d'entreprises de toutes dimensions, pour contribuer à leur développement lorsqu'elles sont en bonne position concurrentielle, accompagner leur transformation dans la mondialisation ou renforcer et arrimer leur actionnariat de long terme.
Ce fonds a été doté de 20 milliards d'euros et est détenu à 51 % par la CDC et à 49 % par l'Etat. De manière originale, cette dotation a été constituée par 14 milliards d'euros d'apports de titres cotés ou non et 6 milliards d'euros d'apports en numéraire, dont une fraction de 3,6 milliards n'est pas encore libérée, ce qui illustre la difficulté de trouver des fonds propres pour ce fonds. L'Etat a apporté trois participations, pour un montant de 6,86 milliards d'euros, dans Aéroports de Paris, France Télécom et STX France Cruise, mais le FSI n'est pour l'heure pas en mesure de les céder. Là réside donc ma deuxième observation : le Fonds a « démarré doucement » et est contraint par un certain manque de liquidité lié aux apports reçus de l'Etat et à la fraction non libérée de l'apport en numéraire. Les apports de la CDC ont été plus variés, avec vingt participations cotées et onze participations dans des structures non cotées, essentiellement des fonds de capital-investissement. Les participations cotées sont plus liquides et le FSI en a d'ailleurs cédé certaines d'entre elles en 2010.
La gouvernance du Fonds est assez sophistiquée mais m'apparaît efficace. Elle comprend un conseil d'administration, auquel participent les deux actionnaires et trois administrateurs indépendants issus du secteur privé, et un comité d'orientation stratégique (COS) auquel sont notamment représentées les organisations syndicales. Le secrétaire général de la CGT m'a d'ailleurs récemment confié qu'il attachait beaucoup d'importance à ce comité, qui est présidé par une personnalité marquante, Jean-François Dehecq. Les rapports élaborés par le COS en 2009 et 2010 m'ont ainsi été très utiles. Le FSI est également une structure assez légère, dont le coût est modéré. Elle emploie cinquante-sept collaborateurs et ses charges d'exploitation s'élèvent à environ 20 millions d'euros, ce qui représente, en incluant les honoraires externes, seulement 0,3 % des actifs sous gestion.
En revanche, les modes d'intervention sont beaucoup plus complexes. Le FSI investit en direct dans des entreprises, mais aussi de manière indirecte, dans des fonds, à travers deux principaux canaux :
- des fonds spécialisés qu'il a contribué à créer et qu'il cofinance avec des partenaires publics ou privés, en particulier dans une logique de filière. Il finance ainsi les fonds de modernisation des équipementiers automobile de rang 1 et 2, Innobio et le Fonds Bois ;
- le programme généraliste FSI France Investissement, hérité de la CDC et géré par CDC Entreprises, dans le cadre duquel il investit aujourd'hui dans 191 fonds nationaux et régionaux. La CDC justifie cette organisation par un principe de subsidiarité, et entre janvier 2009 et mars 2011, ces fonds partenaires sont entrés au capital d'environ 670 entreprises, pour environ un milliard d'euros.
Sur la même période, le FSI a investi au total 3,82 milliards d'euros, dont, outre les fonds que j'ai mentionnés, 2,4 milliards d'euros en direct dans 42 entreprises (en incluant le Fonds de co-investissement direct), et 419 millions d'euros dans 86 entreprises au travers des fonds spécialisés. L'effet a été très important dans le secteur de la sous-traitance automobile, mais plus limité dans la filière bois. L'objectif d'engagements pour 2011 est d'environ deux milliards d'euros, dont un gros investissement de près de 700 millions d'euros dans STMicroélectronics.
La crise a suscité un afflux de demandes et le Fonds a ainsi reçu près de deux mille dossiers en 2009 et 2010, dont peu ont été traités par prospection directe. Le FSI a conclu un partenariat avec le fonds souverain Mubadala, mais qui n'a pour l'instant donné lieu à aucun co-investissement. Ceci conforte mon constat sur la distinction entre le FSI et les fonds souverains tels qu'on les entend habituellement.
La situation financière du FSI est tout à fait convenable. Au 31 décembre 2010, la valeur nette comptable des titres était de 16,4 milliards d'euros, ce qui témoigne d'une bonne valorisation des actifs, le total de bilan de 21,8 milliards d'euros et le résultat net de 646 millions d'euros.
J'en viens ici à ma troisième observation : une fraction de 60 % de ce résultat, soit 387 millions d'euros, a été distribuée aux deux actionnaires, alors qu'au même moment le Gouvernement annonçait un renforcement des moyens du Fonds, au travers d'un prêt du fonds d'épargne de la CDC. Un tel niveau de dividende me paraît incohérent, même s'il vient abonder le budget de l'Etat en recettes non fiscales. Il aurait été préférable, durant les premières années d'existence du Fonds, de conserver une plus grande part de ces profits plutôt que de mobiliser des ressources d'emprunt issues de la collecte de l'épargne réglementée.
L'augmentation des moyens du FSI est en tout cas nécessaire à terme, compte tenu du repositionnement en cours. Les dirigeants du Fonds souhaitent logiquement qu'elle provienne en priorité de la libération du capital non encore versé.
Néanmoins le Fonds fonctionne plutôt bien. La nouvelle lettre de mission précise que le FSI doit être prioritairement orienté vers les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les PME, sans exclure la consolidation ou la protection du capital de grandes entreprises, et le rapport d'activité pour 2010 - au demeurant excellent - expose clairement les axes d'investissement du FSI.
S'agissant à présent des ajustements, je constate tout d'abord que l'Etat se veut un actionnaire « normal ». Le FSI n'est ni aux ordres du politique, comme on l'a vu avec le dossier Heuliez, ni totalement autonome, car il demeure à la disposition des pouvoirs publics. Une des difficultés, qui tend cependant à s'apaiser, a trait au fait que la Caisse des dépôts, qui aide déjà un grand nombre de PME, joue un jeu un peu compliqué en étant à la fois actionnaire principal du Fonds, co-investisseur et co-gestionnaire.
C'est ma quatrième observation : tout le monde s'occupe des PME ! On trouve ainsi le FSI, la CDC, le Programme d'investissements d'avenir et Oséo, qui intervient en bas de bilan et entretient des rapports parfois conflictuels avec le Fonds. Cet édifice d'une grande complexité témoigne d'une politique industrielle active, mais le FSI reste un outil de taille modeste. Je relève aussi que sa notoriété auprès des chefs d'entreprises est nettement inférieure à celle de CDC Entreprises et d'Oséo. Il importe donc de faire émerger la marque « FSI » et de renforcer sa visibilité en région.
Passée la crise, beaucoup moins de dossiers sont transmis au Fonds. Celui-ci a donc engagé, sur instruction de ses actionnaires, un travail d'étude des filières pour identifier leurs difficultés et les entreprises les plus dynamiques.
Ma dernière observation concerne l'intégration de la démarche d'investissement socialement responsable (ISR), tant par le FSI que par l'Agence des participations de l'Etat (APE). Une grille d'analyse fondée sur plusieurs critères a été mise en place par le Fonds et un conseiller social recruté en 2010, ce qui va dans le bon sens, mais il faut aller plus loin en matière de promotion des bonnes pratiques de gouvernance et de politiques de rémunération responsables dans les entreprises dont le FSI ou l'Etat est un actionnaire de référence. Les représentants des deux instances m'ont assuré que de tels principes étaient bien mis en oeuvre, mais si on considère ce qui se passe dans les entreprises, ces interventions me paraissent encore timides sur le plan social.
Au plan régional, la lettre de mission du 9 mai dernier souligne que le FSI doit jouer un rôle actif « de structuration des filières sectorielles et du tissu économique régional » et qu'il serait « utile de renforcer la coordination entre l'ensemble des acteurs publics du financement des PME en région, notamment entre le FSI et Oséo », ce qui correspond à mes souhaits. Le Fonds a engagé des études de filières, mais le vrai problème est bien que les chefs d'entreprises sachent, au plan local, que le FSI existe, a une vocation stratégique et n'est pas un simple « sous-produit » de la CDC. Après avoir affirmé sa singularité, le FSI doit donc conquérir une visibilité auprès des acteurs économiques.