Pour assurer la cohérence, un monopole des lois financières est nécessaire en matière de prélèvements obligatoires, comme l'ont recommandé notre commission et le groupe Camdessus. C'est une discipline que le Gouvernement s'impose déjà à lui-même : la circulaire Fillon du 4 juin 2010 a pour but de mettre un terme à la dispersion des mesures relatives à ces prélèvements - une dispersion qui est source de contournement des procédures budgétaires, d'une insuffisante protection des recettes fiscales et sociales et génératrice d'instabilité et de complexité pour les acteurs économiques. C'est aussi une mesure annoncée par le président de la République au président du Conseil européen, dans le cadre de la mise en oeuvre du « Pacte euro + ». Il y va donc de notre crédibilité au plus haut niveau.
Cette disposition a provoqué de nombreux débats à l'Assemblée nationale, les députés craignant une atteinte à l'initiative parlementaire. La solution retenue par l'Assemblée nationale consiste, d'une part, en une nouvelle irrecevabilité permettant non seulement le dépôt de dispositions relatives aux prélèvements obligatoires à tout moment, mais également leur adoption définitive, sous réserve de l'invocation de l'irrecevabilité par le Gouvernement ou le président d'une Assemblée et, d'autre part, en l'obligation pour le Conseil constitutionnel de censurer toute mesure relative à ces prélèvements adoptée en dehors d'une loi financière. Cette compétence liée a choqué nos collègues de la commission des lois. Toutefois, la jurisprudence du Conseil constitutionnel étant assez libérale s'agissant du partage entre le domaine de la loi et celui du règlement, il a paru nécessaire, en quelque sorte, de lui tenir la main. On s'oriente néanmoins vers une suppression par le Sénat du dispositif issu de l'Assemblée nationale parce que les objections juridiques sont assez difficilement surmontables.
Que propose donc notre commission des lois ? Elle a considéré que le monopole aboutissait à une présentation parcellaire des principales réformes. Elle s'est également livrée à un historique sur lequel il est préférable de ne pas revenir - évitons les polémiques entre commissions. Elle a proposé un dispositif selon lequel les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires adoptées en cours d'année devraient, pour entrer en vigueur, être approuvées par une loi financière. La technique de la « voiture balai » n'emporte pas notre adhésion pour deux raisons. D'abord, il y aurait déconnexion entre les décisions agréables et les décisions désagréables. Ensuite, il serait très difficile de revenir, plusieurs mois après, sur un avantage accordé : si le Parlement crée un droit, il lui est difficile de se dédire dans le cadre d'une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Or, si les dépenses fiscales ou les diminutions de contributions sociales ne sont pas remises en cause par les lois financières, celles-ci devraient trouver des ressources nouvelles afin de respecter les trajectoires pluriannuelles.
Nous avons recherché un point d'équilibre, parce que les différentes solutions proposées pour assouplir ou, à vrai dire, contourner le monopole ne sont pas pleinement satisfaisantes. La méthode la plus cohérente serait, lorsque le volet relatif aux prélèvements obligatoires d'une réforme sectorielle est véritablement indissociable de l'objet de la réforme elle-même, que le Gouvernement dépose simultanément un projet de loi de finances (ou de financement de la sécurité sociale) rectificative, qui cheminerait parallèlement à l'autre texte, et où figurerait un tableau d'équilibre. Préservant l'initiative parlementaire, cette solution garantit aussi le travail en commun des commissions. En revanche, ni le Gouvernement, ni les parlementaires, ne pourraient plus créer, par voie d'amendement, de nouvelles niches dans des textes sectoriels, à l'exemple de cette loi sur le tourisme à l'occasion de laquelle a été voté le nouveau régime de TVA pour la restauration.