a reconnu que sa fonction était complexe dans la mesure où il lui fallait établir un rapport de confiance tant avec le Conseil, la Commission européenne et le Parlement européen qu'avec les représentants des vingt-sept Etats membres de l'Union européenne.
Il a indiqué que son rôle de coordinateur anti-terroriste le conduisait à chercher à promouvoir une perception de la menace terroriste commune à l'ensemble des Etats membres, certains d'entre eux étant déjà confrontés directement à cette menace tandis que d'autres, en particulier parmi les nouveaux Etats membres, ne l'avaient pas encore connue sur leur territoire mais pouvait également y être confrontés.
Il a exposé qu'il lui revenait également d'assurer la bonne exécution de la stratégie de lutte contre le terrorisme définie par le Conseil européen en 2005, qui nécessitait que la Commission européenne prépare des propositions d'actes et que le Parlement européen soit davantage impliqué, relevant que les députés européens exprimaient le regret que leur avis n'ait jusqu'ici pas suffisamment été pris en compte dans la définition de la menace terroriste.
Il a souligné que si les questions relatives à la sécurité intérieure relevaient de la responsabilité première des Etats membres, l'Union européenne pouvait assurer en ce domaine un rôle de soutien et d'appui essentiel.
Il a indiqué qu'il cherchait en outre à renforcer le dialogue entre l'Union européenne et le monde musulman, et plus particulièrement avec le monde arabe.
a exposé qu'afin de mettre en oeuvre ces objectifs, il avait présenté au Conseil plusieurs rapports, soulignant que lors de sa réunion de décembre 2007, le Conseil « Justice et affaires intérieures » avait accueilli favorablement le principe d'une action sur cinq sujets prioritaires pour lesquels le Conseil européen avait souhaité une mise en oeuvre rapide :
- le renforcement du partage des informations recueillies dans le cadre de la lutte anti-terroriste ;
- une lutte plus efficace contre la radicalisation de la menace terroriste ;
- la meilleure prise en compte des moyens mis en oeuvre dans le cadre de l'assistance technique aux pays tiers ;
- une organisation plus efficace des travaux internes du Conseil, avec notamment la mise en place prochaine d'un comité de sécurité intérieure ;
- une mise en oeuvre plus efficace par les Etats membres des instruments européens.
S'agissant du renforcement des échanges d'informations au sein de l'Union européenne, M. Gilles de Kerchove, coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne, a souligné que de nombreuses actions avaient été menées dans ce domaine au cours des dernières années, avec les progrès de la coopération policière, la création de bases de données communes ainsi que l'extension des règles de coopération initialement prévues dans le traité de Prüm.
Il a relevé les critiques du Parlement européen sur l'absence de vision d'ensemble des politiques menées au niveau de l'Union européenne.
Il a reconnu qu'une telle situation résultait en partie des différentes bases légales utilisées et de la diversité des formations chargées, au sein du Conseil, de traiter des questions ayant trait à la lutte anti-terroriste. Il a expliqué que pour mettre fin à ces difficultés, il avait suggéré de constituer un groupe unique au sein du Conseil, doté d'une compétence plus large et d'une capacité technique accrue, soulignant l'importance des questions techniques soulevées par certains dossiers, tels ceux relatifs à la mise en place et à l'accessibilité de bases de données communes aux Etats membres.
a rappelé qu'une décision du Conseil adoptée en 2005 avait imposé aux Etats membres de transmettre à Europol et Eurojust des données policières et judiciaires mais que sa mise en oeuvre par les différents Etats membres était contrastée.
Il lui a semblé nécessaire de structurer davantage les relations entre ces agences européennes, puisque toutes deux intervenaient dans le cadre d'une même dynamique de répression de la criminalité organisée et du terrorisme. Il a estimé que la transcription des règles actuelles dans le cadre d'un règlement communautaire pourrait être l'occasion de définir les modalités de cette coordination structurée, relevant que la France avait présenté une initiative destinée à actualiser le statut d'Eurojust.
Il a jugé qu'il y aurait une certaine logique à ce qu'un droit d'accès d'Eurojust aux fichiers d'Europol soit prévu, soulignant néanmoins qu'une telle mesure suscitait l'opposition de certains Etats membres.
a souligné qu'il convenait d'explorer la possibilité de mettre en réseau les différentes plateformes nationales de collectes d'informations en matière d'anti-terrorisme, telle l'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste, rattachée au directeur général de la police nationale en France. Il a fait observer que cette démarche suscitait néanmoins des craintes, exprimées par certains Etats membres, que les coordinations efficaces déjà mises en place hors des mécanismes communautaires entre certains Etats soient mises à mal.
Il a insisté sur l'importance d'une surveillance renforcée d'Internet, rappelant que l'Allemagne avait proposé, lors de sa présidence de l'Union européenne, de confier à Europol la réalisation d'un portail commun permettant d'assurer la coordination des données recueillies par les autorités des différents Etats membres. Il a estimé qu'il conviendrait d'avancer plus loin en ce domaine, cette démarche pouvant par ailleurs dépasser le seul cadre européen.
Il a enfin insisté sur la question du partage avec les Etats tiers, et en particulier avec les Etats-Unis, des informations recueillies dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Il a souligné que le partage d'informations avait permis d'éviter la commission de plusieurs attentats et que, à l'initiative de la présidence finlandaise de l'Union européenne, un groupe de coordination avait été mis en place. Il a jugé qu'un approfondissement de ces échanges ne pourrait intervenir que si un accord sur un régime de protection des données commun avec les Etats tiers était trouvé.
a ensuite indiqué que le second sujet qui devrait faire l'objet d'une action plus poussée au niveau européen était celui de la radicalisation de la menace terroriste et du recrutement des terroristes.
Soulignant que dans certains Etats membres, et en particulier au Royaume-Uni, une grande attention avait été donnée à cette problématique, il a constaté que les mesures qui pourraient être efficaces relevaient essentiellement de la compétence des Etats membres.
Il a fait observer que certaines politiques de l'Union européenne, telles la promotion du dialogue interculturel, pourraient permettre des actions de prévention du terrorisme mais qu'il convenait de ne pas les dénaturer en les réduisant à ce seul objectif.
Il a expliqué que, pour ces raisons, l'Union avait jusqu'ici retenu des actions répressives dans le cadre de la lutte contre la radicalisation, qui avaient notamment conduit à l'expulsion de personnes appelant au radicalisme religieux. Il a précisé que cette démarche soulevait la question du sort de ces derniers qui, hors de l'Union européenne, pouvaient être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants dans leur pays d'origine, les Etats membres adoptant des positions divergentes sur la question de savoir si l'expulsion pouvait intervenir en de telles hypothèses.
Il a estimé important de renforcer la communication de l'Union européenne afin de mettre davantage en exergue l'ensemble des actions d'aide à la coopération et au développement menées par l'Europe en faveur des pays tiers, ce qui permettrait de mieux répondre à la présentation faite par les radicaux islamistes d'une lutte de civilisations entre l'occident et l'islam. Il a souligné l'importance du vocabulaire qui devait être utilisé, certains termes pouvant conduire à la radicalisation.
a souligné que la politique anti-terroriste de l'Union européenne devait également passer par une plus grande mobilisation des fonds communautaires destinés à l'aide technique au profit des pays tiers.
Il a insisté sur le fait que si la coopération et l'aide au développement devaient rester l'objet essentiel de ces fonds, la lutte anti-terroriste devait également être prise en compte dans la définition des actions envisagées.
Concernant la question délicate de la mise en oeuvre par les Etats membres des instruments juridiques adoptés par l'Union européenne dans le cadre de la lutte anti-terroriste, M. Gilles de Kerchove, coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne, a regretté que les Etats membres tardent parfois à prendre les mesures nécessaires à leur bonne application, évoquant notamment le cas de la troisième directive relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ainsi que des accords en matière d'entraide pénale et d'extradition.
Il a souligné que cette difficulté était liée en partie à l'absence de possibilité de contraindre les Etats à adopter les mesures d'application relatives à des instruments relevant du troisième pilier, mais que la situation serait améliorée grâce à l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
Evoquant les travaux législatifs en cours au niveau communautaire, M. Gilles de Kerchove, coordinateur anti-terroriste de l'Union européenne, a expliqué que l'entrée en vigueur prévue en 2009 du traité de Lisbonne, qui donnait davantage de pouvoir au Parlement européen, plaçait les institutions européenne devant une alternative :
- soit adopter rapidement avant décembre 2008 les textes en cours de négociation, selon les procédures de décision actuellement applicables, en associant davantage, de façon informelle, les députés européens ;
- soit, à défaut, prendre formellement de nouvelles initiatives législatives après le 1er janvier 2009, fondées sur les nouvelles bases juridiques offertes par le traité de Lisbonne et qui suivraient les procédures définies par celui-ci.
S'agissant des négociations relatives à la révision de la décision-cadre du 13 juin 2002 sur la lutte contre le terrorisme, il a estimé qu'elles ne permettraient vraisemblablement pas l'adoption d'un texte avant la fin de l'année 2008, certains Etats membres devant, préalablement à l'adoption de cet instrument, procéder aux modifications nécessaires dans leur législation.
Il a indiqué que la création d'un PNR (passenger name record) européen, annoncée par M. Franco Frattini, commissaire européen chargé de la justice, de la liberté et de la sécurité, suscitait l'hostilité du Parlement européen qui invoquait des risques pour les libertés publiques. Il a souligné que la protection des données personnelles était l'une des préoccupations des ministres de l'intérieur des Etats membres. Il a estimé que l'une des vertus du PNR pouvait être de rendre plus objectif le « profilage » des personnes présentant un risque terroriste, l'informatique permettant notamment de limiter le profilage ethnique ou géographique qui se pratique couramment à l'occasion des contrôles visuels effectués aux frontières. Il a insisté sur le fait que le projet de PNR européen excluait le recueil d'informations relatives aux préférences politiques, religieuses ou sexuelles des passagers.
Il a estimé que la directive sur la protection des infrastructures critiques, dont la négociation était en cours, pourrait être adoptée au cours de l'année 2008.
Enfin, M. Gilles de Kerchove a évoqué les grands défis à moyen et long termes :
- la radicalisation de certains jeunes musulmans européens ;
- l'amélioration des relations entre l'Europe et le monde musulman ;
- la prévention de la menace NRBC (nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique) ; il a salué à cet égard les travaux de la présidence portugaise de l'Union européenne et a annoncé que la commission européenne devrait faire des propositions en 2008 à l'issue d'une large concertation engagée avec des experts et des industriels ;
- la capacité à anticiper les menaces à venir, mise en avant notamment par Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;
- la préservation de l'équilibre entre sécurité et liberté, en collaboration avec le Parlement européen.
Il a également rappelé que l'Union européenne devait se préparer au déclenchement éventuel de la clause de solidarité prévue par le traité de Lisbonne. Il a indiqué qu'un effort particulier devrait être fait en faveur des nouvelles technologies, les perspectives financières de l'Union pour 2007-2013 prévoyant 1,4 milliard d'euros à ce titre. Il a estimé qu'il fallait inverser la logique prévalant actuellement selon laquelle les industriels leur proposent de nouvelles options technologiques au lieu que les responsables politiques leur demandent des solutions techniques à des besoins préalablement identifiés. Il a indiqué que cette évolution irait de pair avec le renforcement de la capacité d'anticipation des menaces.