Intervention de Jean-Jacques Jégou

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 29 juin 2011 : 1ère réunion
Contrôle budgétaire du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés fmespp et les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation migac — Communication

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou, rapporteur spécial :

Mes deux communications de ce matin portent sur deux supports de financement spécifiques des établissements de santé : les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) et le Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP).

Bien que les enjeux financiers soient différents, les problématiques soulevées sont assez proches : la transparence, l'efficience et le pilotage.

S'agissant des MIGAC, tout d'abord, elles constituent un mode de financement complémentaire de la tarification à l'activité (T2A) des établissements de santé.

En effet, la réforme de la T2A avait pour objectif de moderniser le mode de financement des établissements de santé en passant d'un financement par dotation globale à un système de rémunération fondée sur l'activité réelle des établissements sur la base de tarifs nationaux.

Néanmoins, dès la mise en oeuvre de la réforme, il a été admis que certaines missions des hôpitaux ne constituaient pas des activités productrices de soins quantifiables et devaient faire l'objet d'un mode de financement à part. De là résulte la dotation « MIGAC ».

Cette dotation recoupe un éventail très large de missions, communément regroupées en trois catégories :

- les « MERRI », les missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation, destinées à financer la recherche clinique et l'enseignement « au lit du malade » des étudiants ;

- les « autres MIG », les missions d'intérêt général à proprement parler : l'aide médicale urgente, la permanence des soins, la prise en charge des publics précaires...

- enfin, les « AC », les aides à la contractualisation destinées à accompagner les établissements de santé dans la restructuration de l'offre de soins.

Le montant de la dotation MIGAC est fixé, chaque année, par l'Etat en fonction de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) voté en loi de financement. La dotation MIGAC « échappe » donc au contrôle du Parlement. Les ministères chargés de la santé et de la sécurité sociale procèdent ensuite à la répartition de cette dotation entre les régions et notifient ces montants aux agences régionales de santé (ARS). Celles-ci délèguent les crédits aux établissements de santé sur la base d'une contractualisation.

Les MIGAC représentent trois grands enjeux : un enjeu financier, un enjeu pour les établissements de santé du secteur public et, enfin, un enjeu pour la réussite d'autres réformes importantes du secteur hospitalier.

Les MIGAC constituent, tout d'abord, un enjeu financier puisqu'elles représentent, en 2011, 8,2 milliards d'euros, soit plus de 11 % de l'ONDAM hospitalier. Surtout, cette enveloppe a fortement progressé, enregistrant une croissance de 40 % entre 2006 et 2009, alors que les dépenses de soins sous tarifs ont augmenté de seulement 7,2 % sur la même période. La dotation connaît néanmoins une décélération quasi continue depuis 2005 : en 2010, la dotation enregistrait une progression de 5,8 % et de seulement 1,8 % en 2011.

Conséquence de son poids au sein de l'ONDAM hospitalier, la dotation MIGAC constitue également un nouvel enjeu dans le pilotage macro-budgétaire des dépenses d'assurance maladie. Les MIGAC font, en effet, partie depuis 2009 des dotations qui subissent des mises en réserve en début d'année qui ne sont « dégelées » qu'en cas de respect de l'ONDAM.

A l'échelle des établissements de santé, la dotation MIGAC constitue, ensuite, un soutien important, quasi exclusif, au secteur hospitalier public et plus particulièrement aux activités de recherche des hôpitaux. Tous les établissements de santé soumis à la T2A ont en effet théoriquement vocation à obtenir des dotations MIGAC, qu'il s'agisse des établissements publics ou privés. Cependant, compte tenu de leur nature, les activités relevant d'un financement MIGAC sont, à ce jour, encore peu prises en charge par les établissements de santé privés.

Ce soutien au secteur hospitalier est néanmoins fortement concentré. Ainsi l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris reçoit-elle, à elle seule, près de 15 % de l'enveloppe MIGAC.

Enfin, les MIGAC sont à la croisée de trois grandes réformes du secteur hospitalier au premier rang desquelles, la T2A. En effet, l'évolution très importante de l'enveloppe MIGAC - dotation dérogatoire à la T2A - a des conséquences directes sur la portée de cette réforme : à force de trop augmenter, elle risque en quelque sorte de la « dénaturer ». En tout état de cause, elle déplace la question de l'efficience de l'enveloppe sous tarifs vers les MIGAC.

La deuxième réforme sur laquelle les MIGAC ont un impact direct est la convergence tarifaire. La logique de la convergence tarifaire est d'éliminer progressivement les disparités historiques de financement entre les établissements, qu'ils soient publics ou privés, en faisant converger leurs tarifs.

Or les deux principales difficultés de la convergence intersectorielle tiennent, d'une part, aux écarts de périmètre des charges couvertes par les tarifs pratiqués dans les deux secteurs, mais aussi, d'autre part, à la nécessaire différenciation à opérer entre ce qui relève du champ tarifaire et ce qui relève d'un financement par la dotation « MIGAC ».

Enfin, les MIGAC, outil privilégié pour une allocation de moyens plus efficiente, représentent un défi majeur pour les nouvelles ARS, le pilotage par l'efficience étant au coeur de leur « feuille de route ».

Loin d'être contraire à la logique de la T2A, la dotation MIGAC constitue son complément nécessaire pour autant que son périmètre soit affiné et son volume de crédits maîtrisé.

Affiner son périmètre suppose, tout d'abord, de veiller continuellement à mieux distinguer les prestations de soins et les MIGAC, afin de vérifier la pertinence de celles-ci à demeurer en retrait du modèle T2A.

Cela impose également de clarifier l'articulation entre celles-ci et les autres supports de financement des établissements de santé. J'ai identifié plusieurs « zones » de recoupements, notamment avec le FMESPP qui constitue un levier de financement des Plans Hôpital 2007 et 2012. Or les MIGAC participent également à ces deux plans.

L'absence de support financier unique, s'agissant de l'appui à l'investissement hospitalier, nuit à sa lisibilité, ainsi qu'à sa maîtrise globale. C'est pourquoi, une clarification du périmètre de ces enveloppes s'impose, de même qu'un suivi consolidé de celles-ci.

Outre le périmètre, c'est également le volume de la dotation MIGAC qui doit être maîtrisé. La forte croissance de l'enveloppe MIGAC, et notamment de l'enveloppe AC, a été expliquée par nombre de mes interlocuteurs par l'accompagnement des établissements de santé dans la réforme de la T2A, qui a pu induire des effets revenus importants.

Près de sept ans après la mise en place de la T2A, la maîtrise de l'enveloppe MIGAC apparaît désormais indispensable au risque d'affaiblir la portée de cette réforme.

En effet, la réforme de la T2A a pour objectif d'inciter les établissements de santé à procéder aux adaptations nécessaires de la structure de leur activité et de leurs dépenses. L'aide accordée par les MIGAC ne peut donc être que transitoire.

Notre collègue Alain Vasselle proposait de fixer le montant des MIGAC dans la loi de financement de la sécurité sociale. C'est une piste de réflexion pour accroître le contrôle du Parlement en la matière.

Les efforts dans la rationalisation de la construction des enveloppes doivent ensuite être poursuivis. Au moment du passage à la T2A, les dotations MIGAC ont en effet été fixées à partir du retraitement des données de la comptabilité de 2003 des établissements qui assuraient alors des missions « finançables » par les MIGAC. Tout l'enjeu aujourd'hui est de s'éloigner progressivement d'un système de reconduction de ces budgets « historiques ». Si des réformes ont été engagées, des pistes d'amélioration sont encore largement identifiables.

Initialement valorisées de façon forfaitaire à hauteur de 13 % des dépenses de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), les dotations MERRI ont fait l'objet d'une réforme en 2008, visant à intégrer des indicateurs tenant compte de l'activité de recherche des établissements de santé.

Cette réforme a conduit à distinguer, au sein des MERRI, trois sous-enveloppes : le « socle fixe », la « part modulable » et la « part variable ».

Si le « socle fixe » demeure fonction de dépenses courantes de l'établissement, la « part modulable » évolue en fonction d'indicateurs de moyens et de résultats, en particulier le nombre d'étudiants, les publications scientifiques et les brevets déposés. Quant à la « part variable », elle est destinée à financer principalement les structures de référence et de recherche clinique, ainsi que les crédits non reconductibles affectés à des appels à projets.

La finalité de la réforme de 2008 était ainsi de corriger deux effets pervers du dispositif précédent. D'une part, celui-ci ne prenait pas en compte les efforts de recherche des établissements et était donc peu incitatif. Il était, d'autre part, peu équitable car ajusté sur des éléments sans rapport avec l'activité de recherche.

Tout en reconnaissant la difficulté à élaborer des critères de répartition pertinents, trois pistes d'amélioration sont envisageables :

- poursuivre le redéploiement des crédits du « socle fixe », très éloigné de la logique d'efficience puisque sans lien avec l'activité de recherche, vers la part modulable ;

- affiner les indicateurs retenus pour la fixation de la part modulable et revoir leur pondération ;

- enfin, développer autant que possible la procédure d'appels à projet, mode de sélection le plus pertinent.

A côté des MERRI, figurent les « autres missions d'intérêt général » qui recouvrent un très large éventail de missions. Le financement des services mobiles d'urgence et celui de la permanence des soins représentent les deux plus importantes.

La dotation initiale de ces enveloppes a, elle aussi, été fixée sur la base du retraitement des données comptables des établissements de 2003.

Dès 2005, les inspections générales des finances et des affaires sociales relevaient que le financement des MIG était ainsi uniquement fonction des coûts observés, précisant qu' « il n'exist[ait] aucune standardisation des coûts, et que la réalité et la pertinence de l'activité des établissements correspondant à ces missions n' [étaient] pas évaluées à ce stade ».

Un travail de « modélisation » a été lancé par le ministère de la santé, afin d'aider les ARS, à travers notamment des référentiels de coûts, à allouer de façon plus optimale les dotations.

La Cour des comptes relevait que ce travail de valorisation était encore trop lent, celui-ci n'ayant abouti que sur seize missions seulement, dont les montants ne représentaient que 12 % du montant total des MIG en 2007.

La poursuite de la modélisation des MIG est pourtant une démarche nécessaire pour la transparence, l'équité et l'homogénéisation de l'allocation des moyens. Ce travail doit en outre favoriser la contractualisation entre les ARS et les établissements de santé et, par là-même, le contrôle des agences sur les demandes des hôpitaux.

L'enveloppe « Aide à la contractualisation » constitue, quant à elle, la dotation aux contours les plus souples qui a connu la croissance la plus importante. Elle représente aujourd'hui près du tiers de l'enveloppe MIGAC dans son ensemble.

Les deux principaux postes de dépenses au titre des AC sont le financement de l'investissement et l'accompagnement des établissements déficitaires.

Une augmentation des marges de manoeuvre des ARS, par le biais des AC, n'est pas en soi illégitime, dans la mesure où les ARS ont vocation à devenir en quelque sorte « des gestionnaires régionaux ».

Cependant, il convient d'aller, là aussi, vers une plus grande transparence, la répartition de ces crédits étant souvent mal comprise par les établissements de santé.

A cet égard, on peut noter que la rubrique « Autres » constitue la troisième enveloppe de la dotation « AC ». Cette catégorie d'aides recouvrirait des mesures très hétérogènes : culture à l'hôpital, accueil des internes, compensation temporaire d'un effet revenu lié à un changement de modèle tarifaire...

Surtout, il convient de veiller à la stabilisation de cette enveloppe totalement dérogatoire au principe de la T2A.

Or, selon le ministère de la santé, l'impact du plan hôpital 2007 sur cette enveloppe va peser de façon constante jusqu'en 2023, en mobilisant des financements chaque année sur une base élevée. En effet, certaines ARS ont programmé d'importantes aides à la contractualisation sur de longues périodes, ce qui tend à figer une partie de ce support de financement, alors même que celui-ci devait constituer un dispositif d'aides transitoires.

J'en viens au pilotage de ces dotations. Dans le guide méthodologique d'aide à la contractualisation que le ministère de la santé met à la disposition des ARS, celui-ci s'adresse ainsi aux directeurs d'agences : « si le calibrage en 2005 des dotations initiales des établissements antérieurement sous dotation globale a été pris en charge par la direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins [...] ; depuis lors, vous avez vocation à reprendre la main sur les dotations MIGAC ».

En réalité, les marges de manoeuvre des agences dans l'allocation des crédits aux établissements de santé sont réduites, en raison, notamment, de la détermination de certaines enveloppes au niveau national, de la rigidité de l'enveloppe « AC » sur le long terme compte tenu du soutien accordé dans le cadre du plan Hôpital 2007 et, enfin, des mesures de gel décidées sur l'enveloppe « AC ».

Les ARS sont certes incitées à utiliser les référentiels de coûts mis à leur disposition pour confronter les dotations demandées par les établissements à la réalité des coûts des missions.

Cette confrontation est sans doute effective à certains endroits comme j'ai a pu le constater lors de mon déplacement à Lille. Mais cette pratique est-elle généralisée ?

Comme le soulignait l'Inspection générale des affaires sociales dans un rapport récent, les ARS se heurtent à plusieurs difficultés : le manque d'informations, les contraintes politiques et la difficulté intrinsèque de l'exercice.

Surtout, l'IGAS relevait un décalage important entre les pratiques des anciennes agences régionales de l'hospitalisation et les recommandations nationales. Elle indiquait notamment : « Tout se passe comme s'il était normal que les instructions nationales ne soient pas vraiment suivies d'effet : le national soumis à des contraintes, notamment vis-à-vis du Parlement, est conduit à promouvoir des politiques formellement rigoureuses même si elles ne sont pas vraiment effectives. Aussi les directeurs d'ARH admettent ne pas gaspiller leur énergie à essayer d'infléchir les directives de l'administration centrale pour leur donner un caractère plus opérationnel. »

Mes interlocuteurs m'ont indiqué prudemment qu'il s'agissait là, sans doute, du décalage très souvent observé entre le niveau national et le niveau local.

Quelle amélioration attendre avec la mise en place des ARS ? S'il est vrai que le pilotage par l'efficience des dépenses hospitalières s'inscrit dans leurs nouvelles missions, elles auront sans doute beaucoup d'autres priorités à gérer, compte tenu de l'ampleur et de la portée des compétences qui leur ont été confiées. Je me demande d'ailleurs si l'on n'a pas fondé de trop grands espoirs sur leur création.

S'agissant des disparités régionales, le ministère de la santé entreprend un rééquilibrage progressif, mais nous sommes encore loin d'avoir atteint les objectifs.

Enfin, je souhaite insister sur les « effets pervers » que peut entraîner, au niveau des établissements, le gel - puis le dégel - de certains crédits, dont je vous ai parlé en début d'exposé. Outre les difficultés de gestion, ils « brouillent » le message managérial interne : le dégel de fin d'année discrédite le discours de rigueur qui a pu être tenu ultérieurement. Des aménagements de ce dispositif pourraient sans doute être apportés.

Les MIGAC constituent ainsi une dotation indispensable - toutes les missions des établissements de santé ne peuvent être financées par des tarifs - mais des progrès sont encore à faire dans leur pilotage, afin de s'éloigner d'une logique de reconduction de budgets « historiques ». La répartition des dotations repose encore en grande partie sur un financement a priori des moyens mobilisés, alors qu'un pilotage par l'efficience devrait permettre de s'orienter vers des modèles d'allocation davantage fondés sur la mesure des résultats obtenus au regard des résultats attendus.

J'en viens au Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP).

A son origine, le FMESPP ne finançait que des mesures d'accompagnement social des opérations liées à la modernisation des établissements de santé, à travers notamment des aides à la mobilité et à l'adaptation des personnels. Ses missions n'ont cessé ensuite d'être élargies ou précisées au fur et à mesure des lois de financement.

Il est d'usage de les regrouper en trois catégories :

- le volet « ressources humaines » qui regroupe l'ensemble des aides de nature sociale ;

- le volet « investissement », soit les aides à l'investissement accordées notamment dans le cadre des deux plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012 ;

- enfin, les « autres actions de modernisation », comme l'accompagnement financier de la modernisation des équipements techniques des SAMU et SMUR.

Le FMESPP ne constitue que l'un des nombreux fonds médico-hospitaliers de l'assurance maladie qui regroupent notamment les fonds de prévention et le Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS). Ce fonds est chargé, comme le FMESPP, de la modernisation de l'offre de soins, mais dans le secteur des soins de ville, alors que le FMESPP est orienté vers le secteur hospitalier.

Le FMESPP ne représente qu'une part très faible de l'ONDAM. Pour 2011, sa dotation a été fixée à 347,71 millions d'euros, soit 0,2 % de l'ONDAM pour 2011.

J'articulerai mon propos en trois points : le nécessaire recentrage des missions du FMESPP, le difficile suivi de sa situation budgétaire et le défaut de pilotage des aides allouées par son biais, comme en témoignent les résultats très mitigés du Plan hôpital 2007.

L'analyse des missions du fonds met en évidence deux éléments :

- d'une part, les crédits reçus par les établissements au titre du FMESPP demeurent marginaux pour les établissements de santé. Ainsi, les financements accordés au titre du FMESPP au centre hospitalier universitaire de Lille ont représenté 1,3 million d'euros en aides à l'investissement, soit 0,5 % des ressources d'investissement de l'établissement ;

- d'autre part, le FMESPP a été amené à financer des dépenses très diverses ou très ponctuelles dont le lien avec ses missions est parfois assez éloigné.

Ces deux constats plaident, à mon sens, pour un recentrage des missions du fonds autour de ses deux principales enveloppes (les aides individuelles et collectives, et l'investissement) afin d'éviter la dispersion et le saupoudrage.

Une idée souvent avancée également consisterait à créer un Fonds d'intervention régional qui regrouperait les dotations du FMESPP, du FIQCS et des fonds de prévention.

Cette logique peut se comprendre depuis la mise en place des ARS. Celles-ci ont en effet désormais des compétences larges recoupant les champs d'action des différents fonds.

Elles ont, par ailleurs, vocation à devenir des « gestionnaires régionaux responsables », ce qui suppose de leur donner des marges de manoeuvre dans l'allocation des crédits.

Un premier pas en ce sens a été franchi cet automne. La dernière loi de financement de la sécurité sociale a, en effet, introduit le principe d'une fongibilité symétrique entre les dotations du FMESPP et du FIQCS.

Je me suis opposé à cette initiative, avec notre collègue Alain Vasselle, jugeant prématuré ce dispositif, proposé par ailleurs dans la précipitation par voie d'amendement. La fongibilité des financements risquait en effet de rendre encore plus complexe le suivi comptable déjà difficile de ces fonds. Supprimé lors du débat en séance publique au Sénat, le dispositif a été rétabli en commission mixte paritaire. Cela me permet d'aborder la question du suivi des dotations du fonds.

Le FMESPP a connu, depuis sa création, des dotations et des taux de consommation de celles-ci très heurtés.

S'il a progressé jusqu'en 2005, le taux de consommation des crédits du fonds a ainsi connu une forte baisse en 2006 et 2007, conduisant à des reports à nouveau qui sont passés de 371 à 629 millions d'euros entre 2003 et 2007, soit une multiplication par 1,7.

Cette situation a donné lieu, à partir de 2009, à des mesures de régulation fortes, mais très irrégulières, entraînant des dotations du FMESPP « en accordéon ». Des ajustements significatifs ont ainsi été proposés dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 : une annulation de 100 millions d'euros de crédits pour 2008 et une révision à la baisse de sa dotation pour 2009.

Moins de trois mois après le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, la loi de finances rectificative pour 2009 a prévu, dans le cadre du plan de relance de l'économie, une ouverture de crédits supplémentaires de 70 millions d'euros destinés à abonder le FMESPP pour un programme d'investissement en établissements psychiatriques. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 n'a pas, quant à elle, poursuivi le mouvement impulsé en 2009 : aucun gel de crédits pour 2009 n'a été proposé et la dotation du FMESPP pour 2010 a été fixée à 264 millions d'euros, soit une augmentation de 74 millions d'euros par rapport à 2009.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 se situe à « mi-chemin » entre les deux lois de financement précédentes en proposant une annulation importante de crédits pour 2010, mais une nette augmentation des crédits du fonds pour 2011, de près de 84 millions d'euros par rapport à la dotation initiale 2010.

Les causes de ce suivi difficile sont diverses. La première tient à l'addition des délais propres aux trois phases de la « chaîne de dépense » : la délégation par l'administration centrale des montants par régions aux ARS ; la notification des crédits par les ARS auprès des établissements et le paiement effectif des établissements par la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

La phase de paiement, en particulier, est décalée dans le temps par rapport à la phase d'engagement compte tenu du délai de réalisation de l'opération, du caractère pluriannuel des actions financées, des retards dans la formulation de la demande de paiement, voire, dans certains cas, de l'abandon de l'opération.

Le défaut de gouvernance au moment de la mise en place du fonds peut aussi expliquer ces difficultés. Bien que prévue par décret, la commission de surveillance du fonds ne s'est jamais réunie jusqu'en septembre 2010, après un épisode rocambolesque de démission-reconduction de sa présidente.

Surtout, jusqu'à récemment, aucun des trois acteurs de la « chaîne de la dépense » ne disposait d'une vision globale des mesures financées, faute d'outil informatique partagé et d'une comptabilité des engagements.

Des améliorations ont depuis été apportées. Une application informatique a été créée et mis à la disposition de la nouvelle direction générale de l'offre de soins (DGOS) et des ARS. Ensuite, pour donner plus de visibilité à cette gestion, la LFSS pour 2010 a prévu, à mon initiative, une double procédure de prescription des crédits non utilisés : une prescription annuelle des engagements et une déchéance de trois ans pour l'intervention des paiements. Ce dispositif aurait permis de « récupérer » 105 millions d'euros de crédits à la fin de l'année 2009.

Mais deux points faibles demeurent : le défaut de vision pluriannuelle des aides versées alors que le FMESPP participe au financement de plusieurs plans de santé publique et l'information encore très lacunaire à destination du Parlement.

En ce qui concerne le pilotage, on retrouve la même problématique que celle rencontrée avec les MIGAC : les ARS ont peu de marges de manoeuvre. Surtout, sur le terrain, les établissements de santé m'ont fait part de trois principales faiblesses : une procédure de sollicitation dans des délais restreints ; des notifications qui interviennent en fin d'exercice ; une procédure dont les établissements de santé comprennent mal la spécificité, ces derniers devant se faire rembourser auprès de la CDC.

Le pilotage par la performance des aides financées par le FMESPP est, en outre, très réduit. Le contrôle effectué a posteriori par la CDC est un simple « contrôle sur facture ». Quant au contrôle a priori de la pertinence des projets, les « dérapages » du plan Hôpital 2007 ont témoigné d'un défaut patent de pilotage.

La relance de l'investissement hospitalier à travers le plan Hôpital 2007 a certes contribué à améliorer la qualité des infrastructures hospitalières.

Toutefois, comme l'a souligné la Cour des comptes en 2009 et comme cela m'a été confirmé par mes interlocuteurs, ce plan a fait l'objet de nombreuses difficultés : estimation approximative des besoins d'investissement ; modalités de sélection peu discriminante ; suivi axé sur le niveau de réalisation du plan cible plutôt que sur la viabilité des projets ; insuffisance des outils de suivi.

Au final, le plan Hôpital 2007 a parfois conduit à des investissements surdimensionnés et, surtout, à un recours important à l'emprunt dégradant ainsi la situation financière de nombreux établissements de santé.

En effet, ces investissements qui ont plus que doublé entre 2002 et 2008, passant de 3,1 à 6,4 milliards d'euros, ont été principalement financés par le recours à l'emprunt. Selon les données de la direction générale des finances publiques, l'encours de la dette des établissements de santé est ainsi passé entre 2002 et 2008 de 9,2 à 18,9 milliards d'euros.

Bien sûr, la dégradation des comptes des hôpitaux ne peut être imputée à une cause unique. Mais il est permis de s'interroger sur la soutenabilité de la politique d'investissement hospitalier.

La question est d'autant plus prégnante que le plan Hôpital 2012 a été lancé. Bien que de nature différente, les objectifs d'investissement demeurent élevés : 10 milliards d'euros dont 5 milliards à la charge de l'assurance maladie.

Deux principaux « garde fous » ont été proposés pour répondre à cette situation :

- d'une part, les leçons du plan Hôpital 2007 ont, selon le ministère de la santé, était tirées : le montant total des investissements est plafonné ; le diagnostic financier de l'établissement est désormais intégré à la grille d'instruction des projets ; la deuxième tranche du plan devra intégrer les contraintes de soutenabilité de l'endettement des hôpitaux ;

- d'autre part, la loi de programmation des finances publiques pour 2011 à 2014 a introduit le principe d'un encadrement du recours à l'emprunt pour les établissements publics de santé.

Un bilan du plan Hôpital 2012 pourrait être un beau sujet de contrôle pour les années à venir.

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