Intervention de Augustin de Romanet

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 29 juin 2011 : 1ère réunion
Audition de Mm. Michel Bouvard président de la commission de surveillance et augustin de romanet directeur général de la caisse des dépôts et consignations

Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations :

En 2010, le groupe CDC a atteint tous les objectifs qu'il s'était fixés et a achevé sa phase de transformation et de modernisation qui lui permet de démultiplier son action d'investisseur de long terme. Le résultat net consolidé atteint 2,151 milliards d'euros, décomposé en 1,8 milliard de résultat récurrent et 332 millions de plus-values et facteurs non récurrents. Nous avions créé cette notion de résultat récurrent en 2008, puisqu'à l'époque nous avions une perte comptable et j'avais voulu mettre en exergue le fait que la performance intrinsèque de la Caisse des dépôts demeurait positive. Le résultat récurrent neutralise les plus-values, or pour un établissement comme le nôtre le bilan de plus-values peut aller de 1 à 10. Lorsque je suis arrivé à la CDC en 2007, nous avions 10 milliards de plus-values latentes, aujourd'hui nous en avons 2. Donc selon les plus-values réalisées, notre résultat peut varier du simple au double. Le résultat récurrent s'est accru de 25 % depuis 2007. Ce résultat provient de plus en plus des filiales, notamment en raison de la création du FSI. En 2010 l'établissement public contribue pour 604 millions d'euros au résultat et les filiales pour 1,215 milliard. Ce qui veut dire que le modèle 50/50 dont se flattait la CDC avant la création du FSI ne sera désormais plus valable dans le futur. Nous devons tenir compte du fait qu'une part de plus en plus importante du résultat de la CDC vient des filiales et vient donc abonder les résultats du groupe CDC mais pas nécessairement le « cash », ce qui veut dire que nous avons une déconnexion de plus en plus prononcée entre le résultat consolidé et le résultat social.

Le principal indicateur de la performance du groupe, c'est le niveau de ses fonds propres. Pour vous donner une illustration simplifiée : le modèle CDC c'est un passif, c'est-à-dire des ressources disponibles qui sont de trois natures :

- des fonds propres pour 20 milliards d'euros ;

- les dépôts des professions juridiques pour 30 milliards d'euros ;

- les emprunts à moyen et long terme pour 10 milliards d'euros.

Ces 60 milliards d'euros de passifs nous permettent d'investir dans des directions diverses : actions, obligations, participations stratégiques, private equity, immobilier, etc. Les résultats que nous dégageons ainsi ont, comme d'habitude, trois destinations : le prélèvement au profit de l'Etat, l'alimentation des fonds propres pour les ré-incrémenter et les dépenses d'intérêt général.

En 2010 nous pouvons dire que nous avons effacé la crise puisque nous avons retrouvé un niveau de fonds propres supérieur à celui qui existait en 2007, année historique. Ces bons résultats nous ont permis de continuer nos dépenses d'intérêt général, pour 1,1 milliard d'euros, avec comme principal poste de dépense d'intérêt général le capital développement puisque, avec le FSI, nous avons investi cette année 620 millions d'euros dans le capital développement, notamment en province. Nous avons également contribué au budget de l'Etat pour 2,5 milliards d'euros qui se décomposent en trois postes :

- le versement 2010, c'est-à-dire la contribution volontaire pour 839 millions d'euros, à laquelle il faut ajouter 339 millions au titre de 2009 conformément à un engagement pris avec le ministère des finances ;

- la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés pour 369 millions d'euros ;

- le prélèvement sur le Fonds d'épargne pour 965 millions d'euros.

En ce qui concerne le nouveau prélèvement, je crois qu'il est positif et pour l'Etat et pour la Caisse des dépôts. Il est positif pour l'Etat parce qu'il accroît en vitesse de croisière le prélèvement qui passe de 33 % à environ 37 % - 39 % du résultat consolidé ; et il est positif pour la CDC puisque nous aurons désormais une visibilité. L'Etat ne prend plus de prélèvement sur les plus-values exceptionnelles et, surtout, il protège les fonds propres de la Caisse des dépôts.

En effet, les filiales prennent désormais une part de plus en plus importante et par conséquent - 2010 en est l'illustration -, en rythme de croisière, le résultat social est égal à la moitié du résultat consolidé. Ainsi, avec la règle antérieure d'un prélèvement égal à 33 % du résultat consolidé, nous aurions pu avoir un prélèvement quasiment égal à 100 % du résultat social. L'application de la règle de plafonnement à 75 % du résultat social permet que le versement ne s'établisse qu'à 839 millions d'euros, c'est-à-dire 39 % du résultat consolidé à comparer à l'ancienne règle qui était de 33 %.

S'agissant du Fonds d'épargne, 2010 a été une très bonne année parce que la marge d'intérêt a doublé pour être portée à 1,4 milliard d'euros. La contribution au budget de l'Etat s'est élevée à 965 millions d'euros, soit un niveau historiquement très élevé. Le coût des dépôts avait beaucoup baissé en 2010 puisque le taux du livret A est passé d'un niveau moyen de 1,92 % en 2009 à 1,46 % en 2010. Je ne reviens pas en détail sur les négociations sur le taux de centralisation du livret A, sinon pour souligner que le Fonds d'épargne c'est tout de même l'expérience macroéconomique la plus importante dans le monde de l'économie sociale et solidaire. L'économie sociale et solidaire consiste à utiliser l'épargne des Français, sans coût d'intermédiation, sans aucun frottement de quelque nature que ce soit, pour aller directement dans les emplois d'intérêt général. Le livret A n'est ainsi utilisé que pour trois destinations seulement :

- les emplois au profit des prêts décidés par le ministère des finances : le logement à titre principal, les infrastructures, les hôpitaux ou les universités ;

- les placements du livret A dont le résultat profite au ministère des finances, donc aux contribuables ;

- enfin l'alimentation des fonds propres qui est destinée à sécuriser le système.

La Caisse des dépôts ne prélève pas un seul euro de commission sur la gestion du Fonds d'épargne. En 2011, le Fonds a été alimenté par 41 milliards d'euros en provenance du livret d'épargne populaire (LEP) et 170 milliards d'euros en provenance du livret A et du livret de développement durable. La dynamique des prêts sur le livret A a persisté en 2010 puisque nous aurons prêté 16,1 milliards pour la seule politique du logement social et de la ville, ce qui signifie une progression de 49 % par rapport à 2004, soit un triplement à effectif constant dans les directions régionales. Ce triplement a évidemment conduit à ce que nous constations une hausse de l'encours subséquente. Depuis le milieu des années 1990, nous prêtions chaque année à peu près le même montant, soit environ 5 milliards d'euros, et nous avions chaque année des remboursements du même ordre de grandeur. Quand vous avez des sorties qui sont égales aux rentrées, l'encours reste stable. A partir de 2008-2009, nous avons connu une rupture, d'ailleurs mal comprise par les banquiers. Simplement, à partir du moment où, chaque année, le nombre de prêts est égal à 16 milliards d'euros et le nombre de remboursements demeure de 5 milliards d'euros, l'incrémentation annuelle est de 11 milliards d'euros là où elle était nulle auparavant. Donc, malgré des projections qui reposent sur une baisse du nombre de logements construits - 130 000 en 2010 mais nous faisons l'hypothèse que nous allons revenir à 100 000 - l'encours potentiel des prêts sur le Fonds d'épargne serait de 177 milliards d'euros en 2016. Vous comprenez pourquoi il nous semblait stratégique d'obtenir que nous ayons une centralisation minimale de 65 % à la CDC et plus si affinité. Comme vous le savez dès lors que nous n'aurons pas assez d'argent pour garder un encours de dépôt supérieur ou égal à 125 % des prêts au logement social et à la politique de la ville, les banques seront amenées à nous redonner de l'argent.

S'agissant des autres faits marquants de l'année 2010, l'investissement dans La Poste s'est révélé un investissement avisé puisque, avec 1,5 milliard d'euros, nous aurons 26,3 % d'un groupe dont j'espère que, bientôt, il connaîtra un résultat consolidé annuel après impôt de l'ordre d'un milliard d'euros. Nous sommes donc optimistes pour le redressement de La Poste, sachant que trois de nos administrateurs siègent à son conseil d'administration.

S'agissant des quatre priorités « Elan 2020 », nous avons poursuivi notre priorité « Fonds propres des PME », notamment grâce au FSI qui aura investi depuis sa création 4 milliards d'euros par trois vecteurs : 2,5 milliards d'euros d'investissements directs pour 144 d'entreprises, 523 millions d'euros via les fonds sectoriels - nous avons créé un fonds pour l'automobile, un fonds pour la biologie, un fonds bois, un fonds de retournement qui s'appelle le FCDE (fonds de consolidation et de développement des entreprises) ou « Fonds Ricol », c'est-à-dire le fonds des entreprises trop fragilisées par la crise pour pouvoir accéder aux fonds normaux - et enfin 1 milliard d'euros investis dans 670 PME via les fonds de capital développement régionaux. Enfin, la Caisse des dépôts finance le programme Nacre d'aide aux chômeurs créateurs d'entreprise : nous avons financé 41 500 TPE avec Nacre ainsi qu'avec les micro crédits.

S'agissant du logement, nous aurons contribué à la construction de 145 000 logements cette année avec les différentes branches du groupe Caisse des dépôts, dont 130 000 grâce aux prêts sur Fonds d'épargne.

S'agissant des universités, nous avons conventionné avec 132 établissements et nous sommes très attachés à pouvoir accompagner les universités dans le cadre des programmes que l'on appelle partenariat public-public. Ce sont des structures juridiques originales inventées par nous qui permettent aux universités d'avoir la maîtrise d'ouvrage de leur projet de rénovation et donc d'être autonomes de bout en bout du processus, y compris pour la maîtrise d'ouvrage. Plutôt que de créer une société de projet par programme, elles participent à une société entièrement publique, qui ensuite contracte une multitude de petits partenariats privés. Dans le système de partenariat public-privé, si une université a six projets, elle est obligée de créer six partenariats public-privé, qui pour l'auditorium, qui pour la résidence universitaire, qui pour le labo, etc. Avec notre système nous avons une société publique qui est la maîtresse d'ouvrage de l'ensemble du système. Nous avons également investi dans l'économie de la connaissance, notamment au travers de France Brevets qui va notamment utiliser les travaux réalisés par les Sociétés d'accélération du transfert de technologie. Une douzaine d'entre elles réparties sur le territoire vont aider à la valorisation et à l'éclosion des travaux des universités et des laboratoires de recherche.

S'agissant du développement durable, nous avons tenu notre objectif d'atteindre plus de 500 mégawatt installés dans notre portefeuille et nous continuons à favoriser des filières notamment dans des domaines qui sont naissants en France, en particulier la géothermie. En Allemagne il y a 5 000 stations de géothermie et seulement 10 en France : le retard est gigantesque. Enfin nous avons signé nos premiers contrats de biodiversité.

S'agissant du programme d'investissement d'avenir, comme vous le savez l'Etat nous a confié huit programmes représentant près de 7,5 milliards d'euros. Il s'agit de la priorité managériale du groupe en 2011. Si je passe rapidement en revue les différents programmes, le « Fonds pour la société numérique » représente 4,2 milliards d'euros ; le programme « Ville de demain » et ses treize éco-cités est, à mon avis, celui qui sera le plus lent parce que les projets sont les moins mûrs ; le programme « Formation professionnelle et alternance » va se dérouler avec les régions ; le « Fonds national d'amorçage » est géré par CDC Entreprises qui va diriger une trentaine d'équipes sur le territoire ; les « plateformes mutualisées d'innovation » sont des financements d'équipements structurant pour les pôles de compétitivité, en partie pour des travaux de recherche ; le programme « Economie sociale et solidaire » vise à doter en fonds propres des entreprises de l'économie sociale ; et, enfin, « France Brevets », créée par la CDC à parité avec l'Etat, avec une participation de 50 millions d'euros pour l'Etat et 50 millions d'euros pour la CDC.

Pour les perspectives 2011, nous allons continuer à creuser nos sillons dans les quatre priorités que nous nous sommes données.

S'agissant des PME, nous avons à nouveau contractualisé avec l'Etat et nous nous sommes engagés pour huit ans. Le groupe CDC va investir 625 millions d'euros chaque année et va créer un effet de levier sur le secteur privé. Nous allons accroître très fortement notre effort en région, en recrutant de nouveaux collaborateurs et en rendant ainsi plus perceptible l'offre du groupe CDC.

Pour le logement et la ville nous allons continuer dans le domaine de la valorisation du livret A et nous allons mettre l'accent sur l'hébergement des personnes âgées, des étudiants et des jeunes actifs. Nous avons une perspective de beaucoup plus grande différenciation de notre action sur le territoire. Il y a des zones où apparemment il n'y a plus rien à faire dans le logement social, mais, en réalité, il y a beaucoup à faire dans la transformation du logement social en logements pour personnes âgées. Il y a des zones où il faut mettre l'accent sur les résidences universitaires, d'autres où il faut mettre l'accent sur les jeunes actifs. C'est un point majeur de réflexion pour le groupe.

En ce qui concerne les universités, nous allons mettre l'accent sur le marché européen des brevets. Nous avons l'objectif d'investir dans vingt projets en commençant par quatre partenariats public-public - Lyon, Strasbourg, Bordeaux et AgroParisTech. Et enfin pour le développement durable, nous allons doubler notre puissance installée.

Notre ambition c'est d'accentuer encore notre déploiement dans les territoires, je réfléchis actuellement sur le renforcement du réseau, c'est-à-dire au recrutement de nouvelles personnes dans les directions régionales afin de mieux inscrire notre action suivant les spécificités des zones dans lesquelles nous sommes implantés. Nous avons le projet d'investir, sur la période 2011-2013, 1,2 milliard d'euros et de déployer sur le territoire le programme d'investissement d'avenir. En matière d'économie mixte, nous savons que la réforme territoriale va redistribuer complètement les cartes des établissements publics de coopération. Par ailleurs, je sais que la fédération des entreprises publiques locales réfléchit à la promotion d'un nouveau mode d'intervention qu'on appelle la « SEM contrat » que nous allons essayer d'accompagner.

S'agissant de nos perspectives plus globales, nous continuons évidemment à mener notre action de lobbying auprès des instances internationales. Avec mes collègues du Club des investisseurs de long terme nous avons rencontré les commissaires européens et le président de la Banque des règlements internationaux pour les sensibiliser à la nécessité de rendre les règles comptables plus amicales pour les investisseurs de long terme. Par ailleurs, nous avons pour objectif d'attirer des investisseurs étrangers et de co-investir avec eux sur le modèle des fonds InfraMed et Marguerite.

Pour conclure, je vais vous dresser la liste des sept piliers de la sagesse de l'avancée vers le bicentenaire de la Caisse des dépôts puisqu'elle va le fêter en 2016. Evidemment notre « but de guerre » c'est d'être une entreprise publique exemplaire reposant sur sept points :

- d'abord la diffusion sur tout le territoire d'une culture de développement des fonds propres des PME avec une présence humaine : un de mes objectifs serait qu'il y ait au moins dans chaque direction régionale un spécialiste de haut de bilan dont la compétence technique et les qualités humaines n'auraient rien à envier aux meilleurs banquiers d'affaires expérimentés des boutiques spécialisées ;

- aider au développement de filières industrielles françaises pour les énergies renouvelables : biomasse, micro, hydro-électricité, éolien et photovoltaïque ;

- les universités ;

- l'investissement responsable dans l'établissement public et les filiales ;

- l'attraction de fonds souverains étrangers et de fonds de pensions étrangers dans l'économie française pour qu'ils financent des actifs non délocalisables nous permettant de dégager des marges de manoeuvre pour relocaliser notre industrie en France ;

- la promotion de grands groupes à l'international ;

- la valorisation des ressources du livret A.

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