s'est montré critique à l'égard du mode de scrutin prévu par le projet de réforme pour les conseillers territoriaux en précisant qu'il comportait tout d'abord des inconvénients politiques avec, à la fois, une incitation au rapprochement qui découle du scrutin majoritaire à un tour et, de façon contradictoire, un effet de dispersion qui résulte du scrutin proportionnel. Il a ajouté que le projet de réforme soulevait, en outre, des objections juridiques, tout en précisant qu'il est, de façon générale, difficile de se prononcer a priori sur la conformité d'une disposition à la norme suprême, dans la mesure où, comme il l'a rappelé, « est constitutionnel ce que le Conseil constitutionnel juge comme tel ».
S'efforçant néanmoins de rechercher des indices dans ce domaine, il a recensé quatre principales difficultés juridiques en précisant que si chacune d'entre elles ne paraissait pas déterminante isolément, l'addition des quatre était susceptible de peser dans le sens d'une censure.
Il a évoqué en premier lieu la thèse, défendue par M. Guy Carcassonne, selon laquelle le scrutin majoritaire à un tour serait contraire aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Tout en relevant que le scrutin majoritaire uninominal à deux tours n'avait pas connu d'exception notable dans l'histoire électorale française, il a estimé que toute pratique régulièrement suivie n'était pas susceptible d'être érigée en principe fondamental de la République. Il a ainsi rappelé que, dans sa décision du 14 janvier 1999, le Conseil constitutionnel avait refusé d'ériger en principe fondamental la règle de séniorité, selon laquelle lorsque deux candidats disposent du même nombre de voix à l'occasion d'une élection, le plus âgé des deux est déclaré élu.
Il a en revanche jugé plus préoccupants les problèmes posés par la constitution des tableaux des sièges au regard de l'égalité démographique entre des conseillers territoriaux issus des différents départements d'une même région.
Il a observé, au passage, les effets contreproductifs de ce dispositif au regard de la limitation du cumul des mandats. Il a alors cité l'exemple de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, dans laquelle, avec l'hypothèse haute de 50 conseillers territoriaux pour le département des Bouches-du-Rhône - qui en compte aujourd'hui 57 - le respect de l'équité démographique et de l'égalité devant le suffrage conduirait à élire 26 conseillers généraux pour le Var, 14 pour le Vaucluse, 4 pour les Alpes de Haute-Provence et 3 pour les Hautes-Alpes. Comme il était difficilement envisageable de constituer un conseil général avec trois ou quatre élus, il conviendrait de tripler ou de quadrupler les effectifs des conseillers territoriaux des petits départements, ce qui aboutirait soit à une inégalité au regard du principe d'égalité démographique, soit à des conseils régionaux pléthoriques. Il a rappelé que le juge administratif avait censuré un découpage cantonal à cause d'un écart allant de 1 à 5 entre la population de deux cantons d'un même département.
Il a ensuite exposé que la troisième difficulté tenait aux dispositions qui ont pour effet de faire des élus au titre de scrutin de liste des « élus sans voix ». Il a en effet noté que l'article L. 190-8 du code électoral, dans sa rédaction prévue par le projet de réforme, disposait que nul ne peut être candidat à la fois sur une liste et dans un canton. Il en a conclu que les listes des conseillers territoriaux élus au scrutin proportionnel seraient composées de candidats sur les noms desquels aucune voix ne se serait portée, leur élection relevant de la comptabilisation des voix des candidats non élus au scrutin uninominal dans les cantons. Il a considéré qu'il pouvait y avoir là un principe fondamental reconnu par les lois de la République, à savoir que nul ne peut être élu sans avoir recueilli des voix sur son nom, soit seul, soit sur les listes où il figure.
En quatrième lieu, il a analysé le projet de loi au regard des exigences de l'article 1er de la Constitution de 1958 selon lequel « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ». Il a rappelé que les femmes représentaient aujourd'hui 12 % des conseillers généraux et 48 % des conseillers régionaux, soit, au total 1 360 femmes représentant 21 % de ces 6 400 élus régionaux ou départementaux. Il a ensuite estimé, de façon très globale, que la réforme qui prévoit la désignation de 3 000 conseillers territoriaux, dont 2 400 élus au scrutin majoritaire et 600 au scrutin proportionnel, pourrait, toutes choses égales par ailleurs, se traduire par l'élection de 576 femmes, soit 19 % du total, ce qui constitue une baisse par rapport aux 21 % actuellement constatés.
Il s'est demandé si un tel recul pouvait être considéré comme compatible avec l'exigence constitutionnelle selon laquelle la loi « favorise » la parité. Il a estimé que, certes, cette disposition ne devait pas aboutir à priver le législateur de la liberté de choisir un mode de scrutin et de remplacer un scrutin de liste à la proportionnelle par un scrutin uninominal majoritaire, moins favorable par nature à la parité ; pour autant, cette liberté ne devait pas dispenser le législateur de rechercher d'autres moyens de favoriser alors la parité.
Abordant ensuite les différents leviers favorables à la parité, il a tout d'abord évoqué l'idée d'étendre les sanctions financières aux élections locales. Il a jugé difficile d'instaurer un nouveau mécanisme de pénalités financières applicables aux élections locales, relevant que « l'offre politique » n'était pas la même aux élections nationales et aux élections locales, et que le périmètre des partis pouvait être amené à fluctuer en fonction du niveau où se déroulent les élections. D'une façon générale, il a jugé illusoire l'efficacité des sanctions financières, relevant d'ailleurs que celles-ci prenaient pour référence uniquement les candidatures présentées et non les sièges pourvus alors que cela ne pose pas de difficultés techniques. Rappelant que la plus grande partie de la dotation financière aux principaux partis politiques était calculée en fonction du nombre d'élus, il a cité l'exemple d'un parti politique dont les pénalités financières s'étaient limitées à 10,8 % en 2007 alors qu'il avait présenté aux élections législatives 74 % d'hommes et seulement 26 % de femmes. Il a conclu qu'il ne croyait ni à la faisabilité technique de ces sanctions ni à leur efficacité.
Puis il a jugé difficile d'imposer aux partis de réserver un canton sur deux à des candidatures féminines estimant que des candidatures dissidentes risquaient de toute façon de contrecarrer le résultat escompté.
Il a également examiné l'idée de créer des « bi-cantons » dans lesquels chaque parti présenterait simultanément deux candidats de sexe différent, en soulignant qu'une telle mesure aboutirait à diviser par deux le nombre de cantons qui tomberait alors à 1 500, ce qui limiterait à trois le nombre de cantons par circonscription législative, érigeant le conseiller territorial en rival potentiel des députés.
Il a enfin proposé une idée qui consisterait à prévoir que les sièges attribués au scrutin proportionnel ne le soient qu'à des ensembles paritaires (50 % de l'ensemble des candidats tant sur les cantons que sur la liste complémentaire). Il a cependant jugé que ce dispositif, techniquement possible, serait sans doute insuffisant et fragile, car il pourrait être contourné par des candidatures dissidentes. Son efficacité pouvait être améliorée par une augmentation de la proportion des sièges pourvus à la proportionnelle, ou mieux encore, être confortée par le recours à un mode de scrutin inspiré du modèle allemand où la moitié des sièges serait pourvue au scrutin uninominal et l'autre moitié au scrutin de liste proportionnel.
Il a enfin estimé qu'une solution consisterait à changer purement et simplement le mode de scrutin, et à revenir, par exemple, à la solution envisagée par le Comité pour la réforme des collectivités territoriales présidé par Edouard Balladur qui proposait d'instituer le mode de scrutin proportionnel dans les circonscriptions urbaines et le scrutin uninominal majoritaire dans les cantons ruraux. Il a estimé qu'une telle solution n'était pas contraire à la Constitution, relevant qu'un double mode de scrutin existait déjà pour les élections sénatoriales.