Intervention de Imbernon

Mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante — Réunion du 2 mars 2005 : 1ère réunion
Audition du dr ellen imbernon responsable du département santé-travail à l'institut de veille sanitaire invs et du pr marcel goldberg directeur de l'unité santé publique et épidémiologie sociale et économique de l'institut national de la santé et de la recherche médicale inserm conseiller scientifique à l'institut de veille sanitaire invs

Imbernon :

En tant que médecin épidémiologiste spécialisé dans les risques professionnels, Mme Imbernon a indiqué qu'elle travaillait principalement à l'élaboration de programmes permettant d'évaluer les effets de l'amiante sur la santé des populations.

Elle a estimé que les évaluations précédemment réalisées, notamment par l'INSERM, pour les plus récentes, permettaient d'établir des projections fiables pour les trente prochaines années.

Concernant les mésothéliomes pleuraux, elle a distingué la population masculine, touchée à raison de 900 cas par an, 90 % étant d'origine professionnelle, et la population féminine, dont la probabilité de développer ce type de cancer est estimée à 250 cas par an, qui résulteraient dans une moindre mesure d'une exposition à l'amiante.

Si elle a reconnu que les experts n'avaient pas encore précisément déterminé les raisons de cet écart, elle a évoqué différentes pistes et notamment la recherche d'autres facteurs de risques -professionnels ou non- pouvant être à l'origine du développement des mésothéliomes.

Concernant les cancers du poumon consécutifs à une exposition à l'amiante en milieu professionnel, elle a indiqué que le nombre de cas estimés était compris entre 2.000 et 3.000 par an. S'agissant des plaques pleurales, elle a reconnu ne pas disposer d'estimations fiables à ce jour.

Précisant que l'origine du développement de ces maladies remontait à des périodes d'exposition relativement anciennes, elle a insisté sur la grande diversité des secteurs d'activité concernés, les salariés touchés travaillant, ou ayant travaillé, bien entendu, dans les usines de transformation de l'amiante, mais également dans tous les secteurs professionnels comportant la mise en place de protections calorifiques, tels que le bâtiment et les travaux publics, la chimie, la construction ou les industries électriques.

A cet égard, elle a estimé qu'il fallait porter une attention toute particulière aux salariés exposés de façon « passive » à l'amiante, tout particulièrement ceux qui travaillaient dans des locaux floqués, puisque le risque de développer des cancers dus à l'amiante était encore, pour eux, sous-évalué.

Elle a souhaité que l'étude en cours, menée sur le personnel du campus de Jussieu, permette de fournir des informations plus précises sur ce sujet.

Confirmant les chiffres avancés par sa collègue, le Pr Marcel Goldberg a indiqué que les différentes études réalisées par des organismes indépendants et disposant de méthodes fiables permettaient d'avancer le chiffre de 50 à 100.000 décès dus à l'amiante pour les 20 années à venir, imputables, pour les deux tiers, à des mésothéliomes et, pour un tiers, à des cancers du poumon.

Il a rappelé, compte tenu du temps de latence relativement long, trente ans environ entre la période d'exposition et le développement du cancer, que le nombre de décès pour les trente prochaines années était prévisible. Il a cependant souligné le retard pris par la France pour mettre en place des mesures de prévention efficaces, trente ans après les Etats-Unis où l'on peut d'ores et déjà observer une baisse du nombre de décès par mésothéliomes.

Il a insisté, par ailleurs, sur le fait qu'après 2030, la mortalité due aux cancers provoqués par l'amiante dépendrait de la qualité des mesures de prévention mises en oeuvre aujourd'hui.

Soulignant qu'en France, les populations qui avaient fait l'objet d'observations étaient principalement les travailleurs exposés professionnellement à des concentrations élevées de fibres d'amiante, il a indiqué que le champ d'investigation avait progressivement été, d'une part, étendu de l'industrie de production ou de transformation de l'amiante vers les secteurs utilisateurs des produits contenant ce matériau, au nombre desquels le secteur du bâtiment pouvait être considéré comme un des plus touchés, et, d'autre part, élargi aux risques environnementaux « naturels », résultant par exemple des gisements situés en Corse.

Confirmant les propos du Dr Imbernon, il a insisté sur la nécessité d'évaluer aujourd'hui les risques encourus par les populations vivant et travaillant dans des bâtiments contenant de l'amiante, précisant que si les effets de ces expositions sur la santé s'avéraient importants, il faudrait alors largement revoir les chiffres, tant en ce qui concerne l'estimation du nombre de décès que les catégories de populations touchées par les pathologies dues à l'amiante.

La plupart des immeubles bâtis contenant de l'amiante datant, à l'instar du campus de Jussieu, des années 60 et 70, il a indiqué que les conséquences sur la santé de ces populations sont susceptibles d'apparaître dans les prochaines années, compte tenu du délai d'incubation de la maladie.

Il a conclu en soulignant les lacunes de notre pays en termes d'indemnisation professionnelle des victimes, notamment du fait de l'absence de reconnaissance de l'origine professionnelle de leurs pathologies et d'une forte disparité territoriale quant à leur prise en charge par la sécurité sociale.

Un large débat s'est ensuite instauré.

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