Intervention de Gérard Dériot

Mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante — Réunion du 2 mars 2005 : 1ère réunion
Audition du dr ellen imbernon responsable du département santé-travail à l'institut de veille sanitaire invs et du pr marcel goldberg directeur de l'unité santé publique et épidémiologie sociale et économique de l'institut national de la santé et de la recherche médicale inserm conseiller scientifique à l'institut de veille sanitaire invs

Photo de Gérard DériotGérard Dériot, rapporteur :

a souhaité savoir qui avait en charge, en France, l'évaluation des risques pesant sur la santé publique et l'alerte des pouvoirs publics, avant la mise en place en 1998 de l'Institut de veille sanitaire. Il s'est interrogé sur les causes du retard constaté entre la connaissance de la toxicité de l'amiante et son interdiction en 1997.

Il a enfin demandé si les risques professionnels et environnementaux étaient mieux pris en compte en France depuis 1998.

Sur le premier point, le Dr Ellen Imbernon a indiqué que la mise en place de l'Institut de veille sanitaire en 1998 répondait précisément à l'absence d'organisme indépendant chargé de surveiller l'état de santé de l'ensemble de la population et d'alerter les pouvoirs publics.

Elle a rappelé que le « Réseau national de santé publique », qui existait avant la mise en place de l'InVS, consacrait l'essentiel de ses travaux aux maladies infectieuses, sujet de préoccupation principal des pouvoirs publics à l'époque, et que l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), constitué sous la forme d'une association de la loi de 1901 et doté d'un conseil d'administration paritaire, ne s'était jamais réellement saisi du problème de l'amiante.

Complétant les propos de sa collègue, le Pr Marcel Goldberg a souligné que l'INRS était un organisme privé et n'avait jamais eu pour mission d'alerter les pouvoirs publics, mais que les organismes qui avaient reçu délégation de compétence pour ce faire, à savoir le Conseil supérieur de la prévention des maladies professionnelles et le Comité d'hygiène publique de France, étaient restés inactifs, comme le prouve l'absence d'étude française sur la prévention de l'amiante jusqu'en 1996.

S'agissant de l'évolution de la prise en compte des risques professionnels et environnementaux en France depuis 1998, le Dr Ellen Imbernon a considéré que, même si beaucoup restait encore à faire, on pouvait néanmoins parler de progrès, l'affaire de l'amiante ayant agi comme un déclencheur.

Elle a estimé que la mise en place d'un département de santé-travail au sein de l'InVS, novation institutionnelle, reflétait une prise de conscience à cet égard.

S'agissant du retard pris par la France pour interdire l'amiante, alors même que les pouvoirs publics ne pouvaient ignorer les études étrangères sur la toxicité du produit, il lui a semblé que celui-ci était largement imputable à des problèmes institutionnels, aucune collaboration n'existant en France entre les autorités publiques en charge du travail et celles en charge de la santé, sous réserve de la création d'un petit bureau chargé de la santé à la direction des relations du travail. La direction générale de la santé ne dispose par ailleurs d'aucun département spécifique chargé de suivre les pathologies professionnelles.

a ensuite souhaité savoir si on pouvait estimer que les salariés étaient aujourd'hui suffisamment protégés contre les risques dus à l'amiante résiduel.

Indiquant que les mesures mises en oeuvre dans les entreprises devaient garantir l'information des salariés exposés, le Dr Ellen Imbernon a néanmoins reconnu que, lorsqu'on les interroge, la plupart ignorent le risque auquel ils sont soumis.

Elle a ensuite déploré qu'en dépit d'une réglementation très stricte imposée aux entreprises spécialisées dans le désamiantage, les enquêtes réalisées notamment par l'INRS révélaient que les procédures étaient loin d'être respectées.

s'est interrogé sur les risques induits par les matériaux de remplacement de l'amiante, en particulier les fibres céramiques réfractaires.

Le Pr Marcel Goldberg a indiqué qu'il fallait distinguer les matériaux en fonction des produits qu'ils étaient destinés à remplacer : si on peut aisément substituer à l'amiante-ciment des matières dont l'absence de toxicité est prouvée, en revanche, le remplacement de l'amiante utilisée pour l'isolation thermique et le calorifugeage est beaucoup plus problématique.

Il a estimé que les dangers présentés par les fibres céramiques réfractaires, qui ne relèvent pas de la même problématique que celle de l'amiante, devaient être appréhendés comme ceux d'autres produits cancérigènes utilisés dans l'industrie, tels que l'arsenic, le chrome, le benzène ou les substances ionisantes et appelaient des précautions particulières quant à leur utilisation.

Le rapporteur a ensuite soulevé le problème spécifique des mésothéliomes et de leur prise en charge insuffisante au titre des maladies professionnelles.

Confirmant l'insuffisante prise en compte de ces cancers dans notre pays, le Dr Ellen Imbernon a néanmoins souhaité fournir des éléments de comparaison avec d'autre pathologies, indiquant, par exemple, que la prise en charge des cancers de la vessie était encore plus déficiente, moins de 10 cas étant traités annuellement en tant que maladie professionnelle, alors que des études sérieuses évaluent de 400 à 500 cas le nombre de ces cancers d'origine professionnelle.

Si elle a indiqué qu'on pouvait, dans une certaine mesure, imputer cette sous-évaluation à l'attitude des médecins traitants, qui n'ont bénéficié d'aucune formation pour rechercher les maladies professionnelles, elle a néanmoins estimé que la principale explication tenait au fait que la responsabilité de la déclaration auprès de la caisse d'assurance maladie incombe au patient.

A l'instar des troubles musculo-squelettiques, que la plupart des personnes atteintes refusent de déclarer en maladie professionnelle de peur de perdre leur emploi, le défaut de déclaration des mésothéliomes lui a semblé constituer l'origine principale de leur sous-réparation. Elle a ajouté que l'autonomie des caisses d'assurance maladie aggravait les disparités régionales dans la prise en charge de ces cancers.

Confirmant les chiffres avancés par sa collègue, le Pr Marcel Goldberg a regretté que les pouvoirs publics n'associent pas les chercheurs à une réflexion sur l'évolution et la prise en charge des cas de mésothéliomes, à l'instar de ce qui se fait en Grande-Bretagne, par exemple.

a enfin souhaité connaître l'avis de ses interlocuteurs sur la part de responsabilité imputable aux chefs d'entreprise.

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