Oui. Je souhaite détailler ma présentation et revenir dix ans en arrière.
Je vais vous présenter le cas que j'ai observé en février 1999 et qui remontait à fin 1998. Je vous montrerai également les différentes pièces originales du dossier et l'argumentaire que j'avais élaboré. J'avais transmis ces pièces à l'Igas et avais conservé le dossier dans ma bibliothèque. Le centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Marseille avait accusé réception de mon dossier. Puis j'ai reçu deux curieux accusés de réception de l'arrivée du dossier à Paris.
Lorsque j'étais étudiant, j'ai eu la chance d'avoir un professeur qui nous avait parlé d'une « épidémie d'hypertension pulmonaire autour du lac Léman ». Cette idée m'était restée en tête. J'avais alors retenu le nom d'« aminorex ». Par la suite, j'ai effectué une reconstruction syllabique et lorsque j'ai vu le mot « benfluorex » dans le Vidal, j'ai compris qu'il s'agissait de l'« oncle Ben ».
Voici les documents que j'ai adressés au centre régional de pharmacovigilance en février 1999 et la lettre que j'ai écrite à la responsable du centre, avec laquelle j'étais interne :
« Chère Marie-Jo,
« Voici enfin les documents attendus. L'insuffisance aortique ne peut être attribuée à la coronaropathie. »
Tout étudiant en médecine en rirait. Or, dans les rapports de l'agence sécuritaire, de grands experts en médecine ont affirmé que l'on ne pouvait établir de rapport entre la coronaropathie du patient et la valvulopathie aortique.
« Ce n'était pas noté sur les examens réalisés depuis 1992. Cette IAO est volumineuse et peut cadrer avec la prise du Mediator prolongée (plus d'un an). Quoi qu'il en soit, il serait correct que le Vidal mentionne l'appartenance du benfluorex au groupe des amphétamines. Il note la possibilité de réactions positives à la recherche de produits dopants en cas de sport. Le benfluorex est d'ailleurs sur la liste que je joins de l'Agence du médicament en 1995, qui l'interdisait dans les préparations magistrales. »
J'avais constitué mon propre dossier, par une formation médicale non biaisée.
Je connaissais ce patient depuis 1992 : je l'avais recueilli chez lui alors qu'il faisait un infarctus. Avec le Samu, nous l'avions thrombolysé (en procédant à l'injection par voie intraveineuse d'un produit qui fait fondre le caillot) sur place, puis déplacé vers le Centre hospitalo-universitaire (CHU)-Nord. Dans la lettre de sortie de l'hôpital, on m'a alors signalé la séquelle d'infarctus. Le patient a été revascularisé grâce à la thrombolyse. La coronarographie montrait que tout était reperméabilisé, avec de petites lésions.
L'assistant qui avait reçu ce patient est désormais professeur et chef de service. La coronarographie et la ventriculographie indiquaient la cicatrice d'infarctus, mais pas de valvulopathie nette. Dans le compte rendu d'échographie de sortie, j'ai indiqué une petite influence mitrale, normale pour un infarctus inférieur, mais il n'était pas question de régurgitation aortique. A aucun moment en 1992, ce patient, expertisé dans le CHU marseillais, n'a été classé comme ayant une valvuopathie aortique.
J'ai revu ce patient à mon cabinet le 6 février 1992, son infarctus ayant eu lieu fin janvier. Sur ce papier, il n'est pas noté de fluttering (tremblement de la valve mitrale). Même les vieux cardiologues qui connaissaient l'échographie, sans doppler et sans couleur, diraient qu'il n'y a pas de régurgitation aortique sur ce document.
J'avais fait une déclaration pour obtenir la prise en charge à « 100 % » dans le cadre d'une affection de longue durée (ALD). A aucun moment dans l'expertise, il n'était question de souffle cardiaque ni de valvulopathie. Le médecin-conseil de la sécurité sociale a validé cette ALD.
En 1993, j'ai revu le patient pour une épreuve d'effort. A l'époque déjà, je faisais des échographies pendant l'effort. Je n'ai pas alors constaté de régurgitation.
En haut du document qui vous est présenté, j'ai inscrit : « Opril ; 1 Aspégic ; 1,5 Tenormin ; 1 Vasten et 2 Mediator ». Le patient était médecin ; il s'était prescrit lui-même du Mediator car il avait un syndrome métabolique (augmentation du tour de taille, glycémie haute, triglycérides hauts, etc.), susceptible de se transformer en diabète. Le Mediator visait donc à empêcher le patient en surpoids de devenir diabétique.