Intervention de David Assouline

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 19 janvier 2011 : 1ère réunion
Indépendance des rédactions — Examen du rapport

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Cette commission s'est attachée de manière rigoureuse et suivie à ce que l'indépendance des médias soit totale. Elle l'a fait en recherchant un consensus car, quoique nous nous soyons divisé sur l'audiovisuel public, certains réclamant une plus grande indépendance, d'autres constatant qu'il était hypocrite de ne pas reconnaître ce qui se faisait, nous avons le même objectif. C'est pourquoi je pensais que cette proposition pouvait faire consensus. Chacun sait bien combien nos médias sont dans un système singulier par rapport à la situation de l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne. De grands groupes industriels, dont ce n'était pas le métier, se sont emparés des médias ; ils ont uniformisé l'offre et font peser sur l'indépendance des rédactions un risque auquel nul ne peut être indifférent. Le débat ne porte pas sur l'intérêt qu'il y a à ce que de grands groupes injectent de l'argent dans une presse qui a du mal à vivre : j'ai pris en compte cet argument de l'UMP. Il s'agit ici de l'indépendance des rédactions. Informer le public n'est pas une action quelconque ; l'indépendance des médias tient à une liberté fondamentale - ce sont la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 34 de la Constitution complété par le Sénat qui la consacrent.

Je n'ai pas pensé aux médias audiovisuels en préparant cette proposition de loi, mais à la presse quotidienne régionale, à laquelle nous sommes profondément attachés. A côté des grands médias nationaux, il y a en effet dans les territoires des journaux locaux. Sur dix lecteurs de journaux, sept lisent la presse nationale et deux autres L'Équipe. La richesse absolue que constitue cette presse est née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, certains titres étant issus de la Résistance, d'autres ayant été créés par des familles, tous contribuant à une multiplicité de choix. On pouvait y lire un éditorial, y trouver une information, profiter d'un pluralisme de l'offre. Aujourd'hui, comme j'essaie de le décrire dans l'exposé des motifs, quatre grands groupes détiennent des dizaines de titres. Les petits groupes ne pouvant suivre l'évolution économique, des regroupements sont nécessaires. Puisqu'il faut en passer par là, ne trahissons pas le lecteur, et faisons en sorte que, quand il y a dix titres, il y ait dix rédactions, dix offres spécifiques. Dans mon enfance, lorsqu'on allait acheter le journal, on voyait Le Figaro et L'Aurore à la devanture des kiosques, avec la même une et les mêmes titres. On lit un quotidien régional sans savoir qu'un autre propose le même éditorial. Il peut y avoir consensus pour dire qu'en rééditant ce coup, on trompe tout le monde.

Cette proposition, dont j'ai travaillé les quelques articles avec le Syndicat national des journalistes (SNJ), essaie en cas de fusion ou de regroupement de garantir une offre pluraliste et des rédactions indépendantes. Nous sommes la seule grande démocratie à connaître une telle concentration. Nous avions proposé un cadrage avec une proposition de loi que vous avez rejetée. Puisqu'il y a concentration, protégeons le pluralisme. J'espère que vous n'opposerez pas à ce texte un rejet facile, car il y a de la crédibilité de l'information dans notre pays.

Que l'on soit dans l'opposition ou dans la majorité, la liberté de la presse est un bien commun : il ne faut pas que la presse quotidienne, détenue par quatre groupes, dise la même chose sur tout le territoire.

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