Personne ne s'accorde sur le contenu de la notion d'indépendance des rédactions. Elle n'est définie ni par la loi, ni par la convention collective nationale des journalistes qui fait plutôt référence à leur liberté d'opinion. L'indépendance rédactionnelle ne signifie pas l'absence de subjectivité, comme le montre la diversité actuelle de la presse d'opinion.
La protection du journaliste vis-à-vis des pressions extérieures repose aujourd'hui sur des dispositions législatives et conventionnelles ainsi que sur des dispositifs et pratiques négociés entre la direction et le personnel des rédactions. Les lois du 1er août 1986 et du 30 septembre 1986 ont posé le principe formel de la distinction entre les fonctions de directeur de la publication et de responsable de la rédaction pour la presse et l'audiovisuel, dont les noms respectifs doivent être portés à la connaissance du public. La loi du 4 janvier 2010 a consacré dans le droit positif la protection du secret des sources des journalistes. Des accords passés entre représentants du personnel et organes dirigeants ont précisé les modalités de représentation ainsi que les prérogatives des rédactions au Monde comme à Télérama. Les sociétés de journalistes se sont multipliées. Constituées sous forme d'associations de journalistes, elles veillent à l'indépendance de la rédaction et au respect des règles déontologiques. Certaines disposent de parts dans le capital de l'entreprise éditrice et de prérogatives dans la désignation du responsable de la rédaction - c'est le cas au Monde. Enfin les dispositifs de médiation, en organisant une réponse de la rédaction aux demandes ou aux contestations du public, autorisent une forme de contrôle du citoyen.
Les journalistes bénéficient à titre individuel des clauses de conscience et de cession qui fondent leur droit moral et leur liberté individuelle, en leur permettant de quitter leur publication en cas de changement d'orientation ou de modification du contrôle de la société.
Le personnel des rédactions bénéficie de nombreuses garanties. Les États généraux de la presse écrite ont écarté la reconnaissance des rédactions par la loi, en considérant que l'effort de rétablissement de la confiance devait passer par une réflexion et une action propres au secteur de la presse et ne pas impliquer les pouvoirs publics, l'échelon le plus pertinent pour améliorer la confiance étant celui de la publication. De surcroît, l'inscription dans la loi de prérogatives trop étendues des rédactions risquerait de dissuader des investisseurs. Or la proposition de loi ne respecte pas l'esprit de ces recommandations. Elle met à mal la diversité et la souplesse des solutions déjà négociées au niveau de chaque rédaction. Elle pose en outre des problèmes d'applicabilité, en particulier pour les publications aux effectifs très réduits. Elle emploie des mots impropres et fait état d'informations erronées dans son exposé des motifs.