Intervention de Jean-Paul Delevoye

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 14 mai 2009 : 1ère réunion
Les femmes dans les lieux privatifs de liberté — Audition de M. Jean-Paul deleVoye médiateur de la république accompagné de Mme Marguerite Nass déléguée du médiateur de la république en moselle

Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République :

a apporté les précisions suivantes :

- il faut avoir conscience de la charge qui pèse sur le personnel pénitentiaire, que l'on a trop souvent tendance à stigmatiser en cas de problème, qu'il s'agisse du suicide d'un détenu ou d'une récidive, d'autant que, assurer à l'avenir un meilleur respect de la dignité des personnes suppose une certaine prise de risques qui devrait être assumée politiquement, et dont la responsabilité ne devrait pas être imputée, en cas d'incident, aux personnels pénitentiaires ;

- l'efficacité de l'administration pénitentiaire est inévitablement compromise par la surpopulation ; celle-ci est une invitation à ouvrir une réflexion sur les peines alternatives à l'emprisonnement et sur les chantiers de réinsertion, de façon à trouver la solution la plus adaptée à chaque détenu ;

- l'organisation d'activités en prison répond à un objectif d'intérêt général de réinsertion et doit pouvoir déroger aux règles qu'impose, à l'extérieur, le respect de la concurrence en matière commerciale ;

- la sanction pénale qui frappe la femme incarcérée est aggravée par la séparation d'avec ses enfants ; cette seconde peine, indirecte, frappe d'ailleurs aussi l'enfant qui peut, à son tour, développer des comportements violents, susceptibles de perturber la vie de son école ; compte tenu des impacts qu'il est susceptible d'entraîner pour l'ensemble de la société, ce problème doit être envisagé dans sa globalité ;

- la richesse des initiatives prises au sein des prisons par l'administration pénitentiaire n'est pas assez mise en avant ; les expérimentations doivent être encouragées, le succès des unités de vie familiale constituant un exemple encourageant ;

- il est indispensable d'adapter les procédures et les circuits administratifs à la situation particulière des détenus, notamment pour les problèmes de prestations familiales ou pour le renouvellement des papiers des étrangers en situation régulière ; à cet égard, il convient d'examiner les ajustements à mettre en place pour faciliter ces procédures et éviter des difficultés dont la responsabilité est souvent, à tort, imputée par les détenus aux surveillants de prison ;

- les instructions fermes données par les directeurs d'établissements pénitentiaires aux surveillants pour mieux garantir la dignité des personnes traduisent une évolution culturelle positive de l'administration pénitentiaire ;

- dans une perspective de réinsertion, c'est la valeur pédagogique de la sanction qui doit être privilégiée ; l'incarcération ne devrait être décidée que dans les cas où elle apparaît comme la sanction la plus appropriée pour éviter la récidive ;

- beaucoup d'initiatives sont déjà prises au sein des territoires, comme par exemple l'intégration, dans le choix de l'implantation des centres de détention, des schémas de transport, car ceux-ci conditionnent les visites aux détenues ; les travaux d'intérêt collectifs réalisés par des détenues sur des chantiers d'insertion à l'extérieur de la prison peuvent, comme à Bapaume, être perçus par le reste de la société comme une forme de contrepartie équilibrée à l'effort consenti par la collectivité en faveur des dispositifs de détention et de réinsertion de ces personnes ;

- la violence des mineurs que l'on constate aujourd'hui dans la société se retrouve aussi dans les quartiers pour mineurs, qui doivent être maintenus en-deçà de leur capacité d'accueil ;

- l'usage du bracelet électronique ne doit pas être considéré uniquement comme un moyen de désengorger les prisons ; il faut plutôt s'attacher à déterminer la sanction la plus propre à éviter la récidive ; cette conception de la prison comme un moyen de reconstruction des détenus n'est pas partagée par l'ensemble de la société, qui tend encore souvent à considérer l'incarcération sous le seul angle de la punition.

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