Cette commission mixte paritaire, qui aurait pu être un moment important, marque l'aboutissement d'un processus législatif dans lequel l'opposition n'a pas pu faire valoir ses positions. Par conséquent, nous, députés et sénateurs socialistes, n'avons pas jugé utile de déposer des amendements. Nous récusons le principe et l'équilibre de ce texte, nous dénonçons le mépris que le Gouvernement a témoigné aux organisations syndicales et à l'opposition parlementaire. Le Premier ministre, qui a décidément choisi la méthode forte, a taxé le projet de la gauche d'escroquerie manipulatrice et les manifestants, surtout les jeunes soupçonnés d'être manoeuvrés en haut lieu, d'être dans l'erreur. La loi va être votée au terme d'un naufrage démocratique : à l'Assemblée nationale, l'opposition a été privée de parole quelques heures avant la fin de la discussion ; au Sénat, le vote unique a mis fin aux échanges. Pourquoi cette inquiétude du Gouvernement sur l'issue du débat parlementaire ? Ce naufrage démocratique est d'autant plus grand que le Gouvernement a gâché la possibilité d'une réforme des retraites à laquelle les Français disaient leur attachement pour peu qu'elle fût juste et financièrement équilibrée. Vous en serez tenus responsables !
Malgré l'engagement répété de Nicolas Sarkozy en 2007 et en 2008 de ne pas remettre en cause la retraite à soixante ans, vous avez justifié votre politique de durcissement en avançant des difficultés démographiques, connues depuis longtemps, que la réforme Fillon de 2003 était censée avoir réglées. Autre justification de la réforme, la crise. Soit, l'accélération des déficits imposait des mesures, mais les Français ont parfaitement compris que vous entreteniez la confusion à dessein entre arguments démographiques et économiques. D'où leur incompréhension et leur mécontentement. Du reste, a été déposé en fin de discussion au Sénat un amendement en forme d'aveu : tout devra être remis sur le métier dès 2013 pour assurer le financement des retraites !
Le Gouvernement a échoué, il a fait naufrage en voulant se faire passer pour « réformateur ». Les Français récusent son projet parce qu'il est injuste, non fondé et imprévoyant. Injuste, d'abord, parce que l'effort n'est pas partagé et que les mesures d'âge mettent en place une solidarité à l'envers. Non fondé, ensuite, parce qu'il manque 18 milliards pour atteindre l'équilibre promis en 2018. Imprévoyant, enfin, parce que vous sabordez le fonds de réserve pour les retraites (FRR), le seul instrument d'anticipation que nous avions, ce qui nous laissera démunis en 2020 - cette imprévoyance confine à l'irresponsabilité !
Notre projet n'a reçu aucune attention de votre part. Votre mépris constitue un aveu de faiblesse. Je rappelle donc les trois principaux piliers de nos propositions. Premièrement, aucune perspective d'équilibre n'est envisageable si l'on ne rétablit pas l'emploi, et d'abord l'emploi des seniors. La France est, en effet, l'un des pays où leur taux d'emploi est le plus faible. Vouloir maintenir dans l'emploi des gens qui en sont exclus dès cinquante ou cinquante-cinq ans n'a aucun sens. Comment financer leurs périodes sans emploi ? Le Gouvernement a fini par admettre qu'il faudrait que les partenaires sociaux instaurent une allocation pour les plus de soixante ans qui n'ont pas d'emploi. Nous mettons quant à nous en avant les bonnes pratiques des entreprises et une modulation des cotisations des employeurs, comme en Europe du Nord.
Deuxièmement, il convient de rechercher rapidement de nouvelles ressources et de le faire dans un esprit de justice car si le capital ne contribue pas comme le fait le travail, nous aurons un problème de compétitivité et de pouvoir d'achat. Une contribution spécifique doit également alimenter le FRR.
Troisièmement, nous ne nions pas l'utilité de mesures démographiques, nous disons simplement que le Gouvernement propose les plus injustes. L'élément clef doit être la durée de cotisation. En prenant en compte la pénibilité, chacun contribuera pour le temps de travail nécessaire : il n'y a aucune raison pour que ceux qui exercent les métiers les plus difficiles soient ceux qui contribuent le plus.
Vous avez refusé d'entrer dans la discussion d'un autre projet ; dans quelques jours, voire dans quelques heures, le vôtre sera voté. Notre opposition demeure et le débat politique se poursuivra au-delà du vote. Il nous semble absolument indispensable de ne pas attendre 2013 et de reprendre dès maintenant la concertation avec les partenaires sociaux et les consultations des partis politiques.
Nous ne déposons pas d'amendements pour aménager les articles mais nous nous réservons la possibilité d'en déposer dans la discussion. Je veux enfin redire notre mécontentement de la procédure suivie et notre accablement sur le contenu du texte.