Intervention de Géraud Guibert

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 15 octobre 2009 : 1ère réunion
Les femmes dans les lieux privatifs de liberté — Audition de M. Géraud Guibert conseiller maître à la cour des comptes rapporteur de l'enquête de la cour sur la gestion des centres de rétention administrative

Géraud Guibert, conseiller maître à la Cour des comptes :

Puis, M. Géraud Guibert a présenté les trois conclusions du rapport :

- une amélioration incontestable de la conformité des CRA aux normes même s'il subsiste des difficultés dans certains centres et notamment un grave problème constaté à Mayotte ;

- une situation encore très insatisfaisante des lieux de rétention, pour la plupart aménagés dans d'anciennes salles de garde à vue ;

- depuis 2006, une augmentation du nombre d'interpellations et de retenues et, parallèlement, une diminution du nombre des reconduites forcées, due au nombre important d'annulation des procédures par les tribunaux et surtout à la difficulté d'obtenir les laissez-passer consulaires.

a ensuite évoqué la situation des femmes dans ces centres et lieux de rétention. Il a tout d'abord noté que le régime juridique de création tant des centres que des lieux de rétention ne contenait pas de dispositions spécifiques aux femmes. Il a cité le décret de 2005 qui, s'il prévoit des conditions spécifiques d'accueil des familles, n'organise rien pour les femmes. Il a souligné que la seule disposition qui les concerne est l'interdiction de la mixité dans les chambres.

Puis, il a estimé que, du fait sans doute de leur nombre plus réduit, les femmes en rétention avaient tendance à être considérées par l'administration comme une catégorie peu prioritaire. Il a relevé qu'il n'existait aucune statistique officielle accessible au public, ni sur le nombre de femmes, ni sur le nombre d'enfants en détention. Il a indiqué que, d'après certaines évaluations, on compterait 1 000 à 2 700 femmes retenues chaque année, soit 5 à 9 % de la population totale. Il a également noté que les nationalités les plus représentées n'étaient pas les mêmes que pour les hommes.

a indiqué qu'à la suite de l'incendie et de la fermeture du centre de Vincennes, la diminution du nombre de places disponibles avait conduit l'administration à supprimer les secteurs « femmes » des centres du Mesnil-Amelot et du dépôt de Paris. Il a ensuite évoqué le centre de rétention de Mayotte où cohabitent, au sein d'un grand local, des hommes, des femmes et des enfants. Puis il a indiqué que l'assistance sociale et juridique des centres était un véritable enjeu et qu'il conviendrait d'éviter de l'abandonner à des réseaux confessionnels ou communautaires, particulièrement dans le cas des femmes qui risquent ainsi de se retrouver dans des situations de domination. Il a enfin déploré l'insuffisance des équipements de loisirs pour les hommes et plus encore pour les femmes.

a enfin exposé certains problèmes spécifiques liés à la présence des femmes dans les centres de rétention, et notamment aux contradictions auxquelles on peut être confronté, dans la pratique, entre la règle qui veut que les personnes retenues jouissent, à l'intérieur des centres, d'une entière liberté de mouvement, et les exigences de sécurité des femmes qui conduisent à assurer des séparations strictes des deux sexes pour l'hébergement de nuit.

Il a ainsi relevé que le Centre du Mesnil-Amelot, à l'époque où il accueillait des femmes, comportait un secteur « femmes », strictement coupé de celui des hommes. Il a noté que, dans ce contexte, la règle de non-mixité des chambres aboutissait en pratique à séparer le père d'avec sa femme et ses enfants, en contradiction avec la volonté de ne pas dissocier les familles.

Evoquant ensuite, à titre d'exemple, le centre de Lyon, où la zone de vie du secteur « femmes » peut être ou non séparée du secteur « hommes », il a indiqué qu'il pouvait y avoir pour tentation, afin d'améliorer le taux d'occupation, d'ouvrir ce secteur aux hommes, généralement plus nombreux, ce qui obligeait à cantonner les femmes dans leurs chambres la nuit. Puis, il a mentionné le centre de Cayenne qui est divisé en deux secteurs dont l'un peut être réservé aux femmes. Il a précisé que, lors de sa visite, le quartier « femmes » avait été ouvert aux hommes, laissant face à face une seule femme et quarante hommes. Il s'est enfin rappelé de l'exemple du centre de Bordeaux, aujourd'hui fermé, où deux secteurs existaient mais où la cour extérieure était commune et communiquait à la fois avec le secteur « hommes » et le secteur « femmes ». Il a indiqué que le gestionnaire devait alors choisir, soit de ne pas respecter la règle de liberté de circulation à l'intérieur du centre en n'ouvrant la cour qu'à un secteur à la fois, soit permettre la mixité avec les risques inhérents que cela comporte. De manière générale, M. Géraud Guibert a estimé que la coexistence, à l'intérieur d'un même centre, de personnes d'origines et de natures différentes était source de fortes tensions.

Pour conclure, M. Géraud Guibert a déploré le défaut d'encadrement juridique et d'encadrement concret qui laisse les gestionnaires livrés à eux-mêmes faute de règles suffisamment claires et précises et les conduit à arbitrer entre la liberté de circulation à l'intérieur des centres de rétention et la nécessaire protection des personnes retenues.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion