Intervention de François Pillet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 mars 2009 : 1ère réunion
Sécurité routière — Communication

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

a indiqué que la proposition de résolution portait exclusivement sur la base juridique de la proposition de directive, en contestant le choix de la Commission européenne de recourir à une directive, instrument juridique du premier pilier, alors qu'une décision-cadre relevant du troisième pilier serait une base juridique plus appropriée.

En revanche, sur le fond, il a confirmé que la proposition de directive ne soulevait pas de difficultés. Adoptée le 9 mars 2008 par la Commission européenne, elle doit permettre de faciliter l'exécution transfrontalière des sanctions liées à quatre catégories d'infractions routières -l'excès de vitesse, la conduite en état d'ivresse, le non port de la ceinture de sécurité et le franchissement d'un feu rouge- commises avec des véhicules immatriculés dans des Etats membres autres que l'Etat d'infraction.

A cet égard, il a souligné que l'impunité des conducteurs étrangers était l'une des principales faiblesses de la politique de sécurité routière en Europe, a fortiori en France qui est le principal Etat de transit. Il a expliqué que les chiffres de la sécurité routière corroboraient cette impression, puisque 30 % des véhicules photographiés par des radars fixes sont immatriculés à l'étranger, cette proportion atteignant 50 % pendant les mois de juillet et août.

a jugé cette situation intolérable à double titre :

- de façon directe, la vitesse excessive aggrave les risques d'accident ;

- de façon indirecte, l'impunité des conducteurs étrangers ébranle l'acceptabilité sociale du système automatisé de contrôle et de sanction mis en place depuis 2003 et nourrit un sentiment d'injustice parmi les conducteurs français.

Il a expliqué que cette impunité concernait essentiellement les infractions constatées par le système de contrôles radars automatisés. En effet, lorsque la constatation d'une infraction routière donne lieu à l'interception du véhicule par les forces de sécurité, la loi offre des moyens très efficaces pour obtenir le paiement de l'amende, tels que l'immobilisation du véhicule jusqu'à ce que le conducteur paie l'amende ou verse la consignation.

En revanche, à la suite de contrôles radars automatisés, il a indiqué que la législation permettait seulement, à l'occasion d'un contrôle routier ultérieur, d'immobiliser le véhicule d'un conducteur étranger qui a été définitivement condamné pour des infractions routières dans le passé et qui n'a pas payé les amendes dues. Il a ajouté que cette hypothèse était d'autant moins probable qu'une condamnation n'était considérée comme définitive que lorsque l'avis d'amende forfaitaire majorée a été adressé par lettre recommandée au titulaire du certificat d'immatriculation, ce qui suppose de connaître son adresse. Or, en l'absence de connexion automatisée au service des immatriculations des autres Etats membres de l'Union européenne, il est impossible d'adresser les avis de contravention aux millions de conducteurs étrangers photographiés par des radars sur les routes françaises.

De manière générale, il a affirmé que le principal écueil au paiement des amendes par les conducteurs étrangers était l'impossibilité matérielle d'adresser les avis compte tenu du contentieux de masse engendré par les radars.

En effet, une fois cet obstacle franchi, il a rappelé que la décision-cadre du 24 février 2005 sur la reconnaissance mutuelle des sanctions pécuniaires permettait normalement que les amendes prononcées par un Etat membre soient exécutées dans l'ensemble des Etats membres, sous réserve que les faits justifiant la sanction constituent une infraction au regard de la législation de l'Etat d'exécution.

Dans ce contexte, M. François Pillet, rapporteur, a jugé que la proposition de directive offrait une réponse très opérationnelle au problème de l'envoi des avis de contravention en mettant en place une procédure de transmission automatisée, par l'intermédiaire d'un réseau électronique, du numéro d'immatriculation par l'Etat sur le territoire duquel l'infraction a été commise. En retour, l'Etat dans lequel le véhicule est immatriculé serait obligé de transmettre les informations relatives au propriétaire du véhicule.

Toutefois, il a constaté qu'un débat juridique opposant des positions a priori irréconciliables compromettait durablement l'adoption de la proposition de directive.

Il a rappelé que, afin de répondre à la préoccupation croissante des Etats face à l'impunité des conducteurs étrangers sur leur territoire, la Commission européenne avait pris l'initiative de cette directive en mars 2008, prenant de vitesse l'Allemagne qui travaillait à un projet de décision-cadre.

Par souci de neutralité vis-à-vis de la Commission européenne et compte tenu de l'intérêt opérationnel de cette directive, il a indiqué que la présidence française s'était efforcée de faire aboutir ce texte, d'autant que le Parlement européen s'en était rapidement saisi, sa commission « transports et tourisme » s'y montrant très favorable dans son rapport du 9 septembre 2008.

Toutefois, dans un avis du 18 juillet 2008, le service juridique du Conseil avait estimé que ni la sécurité des transports, ni aucune autre disposition du Traité ne conféraient à la communauté européenne les compétences nécessaires pour adopter la proposition de directive en l'absence de réglementation communautaire dont ces mesures pourraient assurer l'effectivité. Il a précisé que, selon le service juridique du Conseil, le dispositif proposé relèverait de la coopération policière et judiciaire en matière pénale.

Ainsi, dès l'été 2008, a-t-il observé, un désaccord majeur se faisait jour sur le bien-fondé de la base juridique retenue : soit le premier pilier qui implique la majorité qualifiée, la codécision avec le Parlement européen et le contrôle de la Cour de justice, soit le troisième pilier qui implique l'unanimité, l'avis simple du Parlement européen et l'absence de contrôle de la Cour de justice.

a poursuivi en soulignant que ce conflit s'était encore durci puisque :

- d'une part, le 17 décembre 2008, le Parlement européen avait adopté en séance plénière la proposition de directive complétée de plusieurs amendements relevant incontestablement du troisième pilier ;

- d'autre part, face à cette surenchère du Parlement européen, une minorité de blocage très forte s'était dessinée au sein du Conseil des ministres pour refuser la proposition de directive et demander une décision-cadre.

Il a constaté une situation de blocage complet, aucune solution de compromis ne semblant possible et le passage en force par le dépôt d'un projet de décision-cadre étant également exclu. En effet, plusieurs facteurs s'opposent à cette dernière solution :

- elle déclencherait l'ire du Parlement européen ;

- au sein du Conseil, plusieurs Etats membres dont l'Espagne sont favorables à la directive (l'Espagne assurera la présidence de l'Union européenne au premier semestre 2010) ;

- le Parlement européen déposerait certainement un recours devant la Cour de justice des communautés européennes.

Il a indiqué que, selon toute vraisemblance, ni l'actuelle présidence tchèque, ni la prochaine présidence suédoise ne devraient tenter d'avancer sur ce dossier, sauf, hypothèse improbable, changement d'attitude du Parlement européen nouvellement élu.

Concernant la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes, M. François Pillet, rapporteur, a rappelé qu'elle s'opposait fermement à la proposition de directive, jugeant sa base juridique inappropriée, et qu'elle demandait au Gouvernement français de prendre l'initiative d'une décision-cadre.

Il a déclaré partager l'analyse juridique, très convaincante, de l'exposé des motifs de la proposition de résolution, tout en rappelant que la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes n'était pas fixée sur ces sujets.

Toutefois, la proposition de directive n'ayant aucune chance d'aboutir à moyen terme et le seul dénouement envisageable étant l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne au début de 2010, qui lèverait le dilemme sur le choix du pilier, il a craint que l'adoption de la proposition de résolution n'apparaisse à contretemps au moment où la France et le Sénat appellent précisément de leurs voeux cette entrée en vigueur.

Dans ces conditions, M. François Pillet, rapporteur, a proposé de surseoir à l'examen de la proposition de résolution jusqu'à l'automne. Le Parlement européen et la Commission européenne auront été renouvelés et l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne sera peut-être en vue. Dans le cas contraire, il a indiqué qu'il serait toujours possible d'adopter la proposition de résolution afin de marquer l'attachement du Sénat au respect des traités.

Enfin, il a remarqué que le Gouvernement ne restait pas inactif en poursuivant la conclusion d'accords bilatéraux avec nos principaux voisins européens.

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