Intervention de Gérard Bailly

Commission des affaires économiques — Réunion du 16 janvier 2008 : 1ère réunion
Agriculture — Elevage ovin - examen du rapport d'information

Photo de Gérard BaillyGérard Bailly, rapporteur :

a rappelé que l'initiative de la mission d'information revenait à M. François Fortassin et s'inscrivait dans la continuité de celle sur l'avenir de l'élevage présidée en 2002 par M. Jean-Paul Emorine, qui établissait déjà un constat inquiétant sur l'avenir de la filière ovine. Notant que cette dernière, encore importante, était cependant en recul, il a indiqué avoir été confronté, dans le cadre de l'instruction du rapport, à la détresse des éleveurs, notamment du fait des prédateurs. Il a ajouté avoir procédé, avec M. François Fortassin, rapporteur, à une trentaine d'auditions au Sénat, ainsi qu'à des déplacements dans les principales zones d'élevage (Sud du Massif central, Hautes-Pyrénées, Alpes-Maritimes, Savoie, Jura et Limousin).

Puis il a exposé la situation économique précaire de la filière, indiquant que :

- le cheptel français d'ovins est revenu, de près de 13 millions de têtes en 1980 à 8,5 millions en 2006, soit une baisse de 23 %, les cinq dernières années ayant été particulièrement éprouvantes ;

- de 1979 à 2007, les exploitations ovines ont diminué de 197.000 à 75.000, engendrant une augmentation de la taille des troupeaux, compris aujourd'hui entre 300 et 450 bêtes, ainsi qu'une spécialisation des exploitations ;

- la consommation de viande ovine est revenue, entre 1990 et 2007, de 307.000 à 254.000 tonnes équivalent carcasse (tec), soit une baisse de 5,4 à 4 kilos an et par habitant, la viande d'agneau étant aujourd'hui surtout consommée par des populations plutôt âgées se situant dans les tranches de revenus supérieures ;

- le prix de l'agneau a varié de façon erratique au cours des dernières années, ne cessant sur le long terme de diminuer entre les épisodes de fièvre aphteuse qui ont, eux, soutenu les cours ;

- notre pays a satisfait ses besoins en viande ovine en recourant de façon de plus en plus massive aux importations, qui représentent aujourd'hui 54 % de notre consommation. Il y a là quelque chose d'incohérent, et même de choquant, à ce que la France, qui a tous les atouts pour produire une telle viande, soit contrainte à en acheter autant à l'étranger ;

- les revenus de la filière ovine, pris dans leur ensemble, se situent à des niveaux extrêmement bas. Reculant de 2 % en 2006, quand ceux de l'ensemble du secteur primaire augmentaient de 15 %, ils se situent en « queue de peloton » dans le classement de tous les secteurs d'activité agricole.

a ensuite énuméré les nombreux handicaps auxquels est confrontée la filière :

- la faible accessibilité des lieux de production, surtout dans les zones montagneuses, du fait de la difficulté à créer des pistes en raison de contraintes administratives et environnementales ;

- la forte augmentation des coûts de production, avec la hausse des charges d'alimentation et de mécanisation, des frais d'élevage et des coûts de certification ;

- la difficulté à trouver de la main-d'oeuvre, en raison des faibles rémunérations et des conditions de travail difficiles, entraînant une augmentation de l'âge moyen des exploitants et rendant difficiles l'installation et la reprise d'exploitations ;

- la faible rentabilité économique de l'élevage ovin, un agneau vif de 34 kilos ne permettant de commercialiser que 16,8 kilos de viande, soit un rendement inférieur à 50 % ;

- un prix de vente au consommateur final de l'agneau supérieur à celui des autres viandes -même si le prix payé au producteur n'a pas varié depuis une trentaine d'années- expliquant son faible taux de pénétration dans la consommation des ménages ;

- une concurrence avec les autres pays producteurs de plus en plus vive, notamment ceux de l'hémisphère australe, dont les caractéristiques naturelles plus favorables et les différences de réglementation permettent d'obtenir des coûts de production extrêmement bas ;

- le poids de nombreuses contraintes administratives et techniques, en termes d'identification, de traçabilité et de respect du bien-être animal ;

- la faible structuration de la filière et l'atomisation des exploitants, avec des troupeaux à la fois nombreux et encore souvent de petite taille ;

- la vétusté des bâtiments et équipements d'élevage, requérant des investissements élevés ;

- un maillage insatisfaisant du réseau d'abattoirs, obligeant les éleveurs à transporter leurs animaux sur de longues distances, ainsi qu'un coût de l'abattage proportionnellement très élevé, puisque s'amortissant sur de petites carcasses ;

- une valorisation de l'agneau très limitée, les « bas quartiers » étant très mal exploités et peu adaptés à l'évolution des goûts et des attentes des consommateurs ;

- une information des consommateurs largement déficiente, qu'il s'agisse de l'origine des produits, de leur date d'abattage (pouvant être jusqu'à trois mois antérieure à la date limite de vente en « frais ») ou des modes de préparation ;

- un soutien communautaire au titre du « premier pilier » de la politique agricole commune (PAC) inférieur à celui d'autres filières d'élevage, notamment bovine, en dépit de contraintes de production supérieures ;

- un impact important de la fièvre catarrhale ovine (FCO), engendrant des pertes économiques substantielles, malgré le soutien des pouvoirs publics ;

- une menace croissante des prédateurs, qu'il s'agisse des loups, des ours ou des lynx, dont les dégâts sur les troupeaux désespèrent des éleveurs qui, de surcroît, acceptent mal que six millions d'euros soient débloqués par les pouvoirs publics pour assurer la gestion de ces espèces sauvages, alors que leur filière connaît une situation économique très précaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion